MALI / Référendum sur la Constitution : Retour sur le vote d’un peuple

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MALI / Référendum sur la Constitution : Retour sur le vote d’un peuple
MALI / Référendum sur la Constitution : Retour sur le vote d’un peuple

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Mali. Les électeurs maliens ont voté dimanche lors d’un référendum organisé autour de la modification de la constitution qui, selon le Conseil militaire au pouvoir et les puissances régionales, ouvrirait la voie à des élections et à un retour à un régime civil.

Certes, les Maliens étaient aux urnes dimanche pour s’exprimer sur le projet de la nouvelle Constitution, dans toutes les régions du pays, à l’exception de celle de Kidal contrôlée par la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) qui a estimé que le projet ne prend pas en charge les dispositions principales de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu de processus d’Alger 2015.

Quant aux Forces de défense et de sécurité, à l’exception de celles de Kidal, elles ont voté par anticipation le dimanche 11 juin.

Déclaration de l’Autorité indépendante de gestion des élections (AIGE)

Tard dans la nuit, le dimanche 18 juin, le président de l’Autorité indépendante de gestion des élections (AIGE), Me Moustapha Cissé, a déclaré que le taux de participation au référendum constitutionnel du 18 juin courant au Mali est estimé par la Commission nationale de centralisation des résultats à 38%.

Cissé a précisé que ce taux pourrait évoluer avec l’arrivée continue des résultats de la prise en compte dans le décompte final du vote anticipé des forces de défense et de sécurité déroulé une semaine plus tôt, soulignant dans ce contexte que « La commission nationale de centralisation est en mesure d’assurer et d’annoncer avec certitude que 24.000 bureaux de vote sur un total de 24.416 ont été traités »

Il a ainsi confirmé qu’à ce stade de la centralisation des résultats de l’intérieur et de l’étranger, le taux de participation est de 38% », et qu’il est probable qu’environ 8,4 millions de personnes aient voté lors de ce référendum.

On croit d’ailleurs savoir que les résultats provisoires seront proclamés au plus tard le vendredi 23 juin, selon le Président de l’AIGE.

Rappel d’une étape du projet de Constitution pré-référendum

Il faut dire que le Conseil militaire présidé par le Colonel Assimi Goïta, qui a pris le pouvoir lors de deux coups d’État en 2020 et 2021, avait promis d’organiser le référendum dans le cadre du processus de transition vers la démocratie sous la pression de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), mais certains des changements contenus dans la constitution rédigée par le comité chargé de la préparer, ont suscité des divisions, et selon ses partisans, elle renforcera les institutions politiques fragiles, tandis que ses opposants affirment qu’elle donnera plus de pouvoirs au président.

Normalement, si tout va comme prévu, et après les résultats préliminaires de ce référendum qui devraient être publiés d’ici vendredi, les élections présidentielles auront lieu en février 2024.

A noter que le projet de constitution comprend des amendements proposés lors d’efforts antérieurs infructueux pour réviser la constitution. Les partisans espèrent ainsi que ces amendements renforceront la démocratie et apaiseront les divisions, y compris la création d’une deuxième chambre parlementaire pour améliorer la représentation de toutes les régions du Mali.

« Avec ce projet, nous parions sur l’avenir de notre Etat, la restauration de son autorité, et le rétablissement de la confiance entre les institutions et les citoyens », a déclaré le président de transition, Assimi Goïta, dans une allocution télévisée le vendredi 16 du mois courant, lors de laquelle il a ajouté « Il est temps pour nous de réaffirmer notre engagement envers le nouveau Mali », tout en poursuivant assez confiant en l’avenir « Je suis convaincu que ce référendum ouvrira la voie à un nouveau Mali, un Mali fort et efficace au service du bien-être de notre peuple ».

Goïta, qui a été l’un des premiers à s’acquitter de son devoir civique, notamment à Kati près de Bamako, avait appelé ses concitoyens à voter « OUI » sur la nouvelle constitution, contrairement à l’Association des imams qui menait une campagne rejetant ce projet, qui accorderait au président, selon elle, de larges pouvoirs.

Cependant, les organismes régionaux et les Nations Unies considèrent le référendum lui-même comme un test important de la volonté du SCAF de s’engager sur une voie de transition et un processus démocratique à l’échelle nationale, en particulier à un moment où les extrémistes radicaux intensifient leurs attaques.

Le référendum sur la constitution intervient au début d’une série d’événements électoraux prévus pour les années 2023 et 2024 afin de ramener le pays à l’ordre constitutionnel. La nouvelle constitution, si elle est approuvée, remplacera la constitution de février 1992, qui, selon les autorités, contient certaines lacunes.

Même si les opposants au projet de constitution estiment que le Conseil militaire n’a pas le droit de superviser la réécriture de la loi fondamentale du pays, les Nations unies auraient apporté un « soutien multiforme » au Mali avant l’organisation du référendum, selon le chef de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), Al-Qasim Wayne, qui s’était exprimé vendredi dernier lors de son briefing devant le Conseil de sécurité de l’ONU.

Pour rappel le vote intervient moins de 48 heures avant le délai accordé par le Mali pour retirer la mission des Nations unies déployée dans le pays il y a dix ans. Les autorités considèrent que la mission a échoué et que le Mali est en mesure d’assurer sa sécurité « par ses propres moyens ».

Entraves, opposition et témoignages dans les coulisses de ce référendum

La participation au référendum dans certaines régions de ce vaste pays a montré que des groupes armés dans le nord empêchaient le déroulement du scrutin dans la ville stratégique de Kidal et les villes environnantes. D’autres régions sont également restées sans bureaux de vote en raison de l’insécurité.

« Aujourd’hui est un jour historique. Ce vote va changer beaucoup de choses dans la structure institutionnelle et la vie sociale et économique. C’est un bon texte. J’ai voté oui pour rétablir le Mali », a déclaré un fonctionnaire répondant au nom de Bulan Barrow.

Par ailleurs, Maryam Diop, 30 ans, accompagnée de son mari, semble avoir pris le chemin inverse : « Je suis venue voter en bonne citoyenne, mais je suis contre le projet. Les préoccupations de la religion islamique ne sont pas du tout prises en considération, et c’est pourquoi j’ai voté non », a-t-elle déclaré.

D’autre-part, les opposants estiment que l’approbation de celui-ci est l’un des paris du scrutin, car le projet est détaillé dans le but de maintenir les militaires au pouvoir après la date des élections présidentielles prévues en février 2024, malgré la promesse de remettre la gouvernance aux civils après ces élections.

De son côté, l’imam Mahmoud Dicko, opposant à la junte militaire, avait invité vendredi dernier ses partisans à Bamako à voter contre le projet de constitution en mettant l’accent sur ce qui suit :
• Dans notre pays aujourd’hui, peut-on parler de justice, de démocratie, de droits de l’homme, d’Etat de droit ?
• De quelle démocratie parle-t-on ?
• Où est-il le Mali ?
• Quel état de droit existe-t-il dans un pays où la justice est utilisée par les militaires pour réprimer les gens ?

« C’est la réalité de ce pays aujourd’hui », a déclaré Dicko.

Il importe aussi de noter que les électeurs n’ont pas pu se rendre aux urnes dans plusieurs villes du nord. Les anciens mouvements rebelles qui ont signé un accord de paix fragile avec Bamako ont refusé d’autoriser un référendum sur un projet de constitution qui, selon eux, ne tient pas compte de l’accord signé en 2015.

En plus, les fournitures électorales n’ont pas été acheminées vers les bureaux de l’ancien bastion rebelle de Kidal, selon un responsable de la province, et dans la région de Ménaka, qui connaît depuis des mois une avancée de Daech, les opérations se sont limitées à la capitale provinciale en raison de l’insécurité, selon d’autres responsables.

Avis d’un observateur de la Cour Constitutionnelle qui supervise également l’opération

Dans le contexte du déroulement du vote, l’observateur de la Cour Constitutionnelle, Hamadoun Sissoko, a donné ce témoignage :

« On n’a pas eu de difficultés avec nos délégués d’abord ni avec les présidents des bureaux de vote. À chaque fois que l’on fait le tour, il suffit seulement de se présenter comme étant le superviseur de la Cour Constitutionnelle, ils vous laissent travailler avec votre délégué. On n’a pas eu de problème », a-t-il expliqué.

Les résultats du référendum seront officiellement annoncés le vendredi au plus tard, mais il est déjà presque certain que, vu l’impressionnant soutien dont jouit Assimi Goïta de la part des Maliens, le « OUI » sera sûrement le « GAGNANT ».

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