Anouar CHENNOUFI
Africa-Press – Mali. La situation critique et embarrassante au Mali continue à défrayer la chronique et à susciter la préoccupation de la communauté internationale, ainsi que l’Algérie qui fait face aux défis de l’échec de l’Accord de paix et de réconciliation qu’elle a supervisé.
C’est d’ailleurs pour cette raison que la médiation internationale au Mali insiste toujours et sérieusement pour accélérer la mise en œuvre de l’Accord d’Alger ; Une décision qui vise à rappeler au gouvernement de Bamako que ses accords extérieurs, notamment avec la partie russe, ne doivent pas se faire au détriment de ses responsabilités internes.
Revenant d’abord sur l’accord d’Alger

L’accord d’Alger, officiellement dénommé Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, signé le 15 mai et 20 juin 2015 à Bamako — après des négociations menées à Alger —, est un accord qui vise à mettre fin à la Guerre du Mali, entre la République du Mali et la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA).
Un premier accord de paix, dit « accord de Ouagadougou », avait été signé en 2013 entre le gouvernement malien et les rebelles indépendantistes touareg. Mais les 17 et 21 mai 2014 les combats ont repris à Kidal entre les rebelles et l’armée malienne qui avait essuyé une défait et perdu le contrôle de Ménaka, Andéramboukane, Anéfis et Kidal.
Aussitôt après cette défaite, des négociations furent organisées à Kidal avec la médiation de Mohamed Ould Abdel Aziz, président de la Mauritanie et de l’Union africaine à l’époque. Un accord de cessez-le-feu a été conclu à l’occasion entre le gouvernement malien et les groupes armés du nord, en vue de revenir à « l’accord préliminaire de Ouagadougou », mais les rebelles ont conservé leurs positions à Kidal et Ménaka.
Le gouvernement malien et les rebelles de la coordination des Mouvements de l’Azawad ont dû valider un nouveau document de cessation des hostilités, au moment où les négociations pour un accord de paix se poursuivaient à Alger.
La CMA (Coordination des mouvements de l’Azawad) qui avait refusé de parapher l’accord en l’état, s’était trouvée soumise à la pression de la communauté internationale, et dût signer l’accord à son tour, le 20 juin à Bamako.
Qu’y a-t-il derrière l’intérêt de la communauté internationale ?
Notons qu’à l’issue d’une réunion tenue en virtuel par la médiation internationale au Mali, durant la journée du 25 novembre 2021, sous la présidence de l’Envoyé spécial pour le Sahel et l’Afrique, Boudjemaa Delmy, un communiqué a été rendu public dans lequel les membres de la médiation ont souligné la grande importance d’accélérer le suivi de l’accord de paix et de réconciliation issu de l’initiative d’Alger pour une stabilité durable au Mali, et ont renouvelé leur détermination à jouer pleinement leur rôle, y compris l’exercice du pouvoir de médiation dans l’arbitrage.
Ledit communiqué a indiqué également que les membres de la médiation internationale saluaient l’initiative de l’Algérie, laquelle a accueilli du 22 au 24 octobre dernier une délégation malienne composée du ministre de la Réconciliation nationale et des représentants des signataires de l’accord de paix, afin d’aider à surmonter toutes les difficultés qui entravent une mise en œuvre pleine, équilibrée et consensuelle. Il a souligné entre-autres que les membres ont exprimé leur espoir de voir se tenir une réunion provoquée par le ministre malien de la réconciliation nationale, afin de discuter de toutes les questions qui permettraient de lever les difficultés et d’aller de l’avant avec la mise en œuvre de l’accord, et a encouragé les parties à s’engager dans des discussions sur les termes de l’accord d’une manière constructive et franche.
En plus, selon le même communiqué, les membres de la médiation auraient souligné que les processus de désarmement, de démobilisation et de réintégration doivent être menés à bien rapidement, compte tenu des positions prises par le Conseil de sécurité des Nations Unies sur cette question, et ont appelé à des progrès rapides dans d’autres aspects du processus de paix, y compris les réformes institutionnelles qui nécessitent la mise en œuvre complète et équilibrée des quatre piliers d’un réel accord de paix.
Un rappel au gouvernement de Bamako
La demande relative à l’accélération de la mise en œuvre de l’Accord d’Alger au Mali serait due à des changements radicaux à venir dans la région, en termes de lancement du processus électoral en Libye pour sortir de sa crise politique, et aussi, le début du retrait par la France de ses forces militaires de certaines régions, pour les redéployer dans d’autres zones, ainsi que l’intention du gouvernement malien de conclure un contrat avec une société de sécurité privée russe « Wagner ».
Par conséquent, la médiation internationale a voulu placer l’autorité centrale de Bamako devant ses responsabilités, rien que pour accélérer la mise en œuvre de l’Accord d’Alger et accompagner ces changements tout en œuvrant pour sortir l’État malien de sa crise, ont indiqué certaines sources, qui ont ajouté que l’équipe de médiation internationale, dont l’Algérie qui est considérée comme le principal acteur, a tenu à rappeler au gouvernement de Bamako que ses accords extérieurs, notamment avec la Russie ou ses sociétés de sécurité privées, ne doivent pas se faire au détriment de ses responsabilités internes, soulignant qu’il faut se concentrer sur un point fondamental et essentiel, c’est que l’Accord d’Alger prévoit explicitement l’intégration d’éléments armés actifs dans les rangs des mouvements « azawadiens », estimés à 13.000 éléments, dans les services de sécurité du gouvernement malien , qui est considéré avant tout comme une protection pour eux contre l’intrusion de mercenaires qui devront quitter la Libye après les élections, et contribue également à la sortie du Mali de sa crise et au rétablissement de son ordre constitutionnel.
On ne peut pas donc dire que l’Accord d’Alger est obsolète, il est au contraire le seul garant de la confiance entre les parties concernées par la crise malienne, et la seule plateforme qui rassemble ces parties pour l’échange et le dialogue et la recherche des voies possibles et disponibles pour sortir de cette crise.
Rappelons que la médiation internationale est composée de représentants des pays voisins, à savoir : le Burkina Faso, la Mauritanie, le Niger, le Nigeria et le Tchad, en plus des membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU représentés par la Chine, la France, la Russie, le Royaume-Uni et le Etats-Unis. Elle comprend également des pays qui représentent des partenaires techniques et financiers au Mali, qui sont l’Allemagne, le Canada, et des représentants d’organisations internationales, continentales et régionales, dont les Nations Unies à travers la mission « MINUSMA », l’Organisation de la coopération islamique, l’Union africaine à travers la Mission de l’Union africaine au Mali et au Sahel, ainsi que la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest.
Rôle de l’Algérie

Quant à l’Algérie, elle a fourni de gros efforts pour la stabilité du Mali, qui est sa profondeur stratégique, dont la plus récente a été sa supervision il y a un mois à Alger, sur des consultations conduites par le ministre algérien des Affaires étrangères Ramtane Lamamra, et en présence du ministre malien pour la Réconciliation nationale, le colonel Ismail Waghi, ainsi que les premiers responsables des mouvements signataires de l’accord de paix et de réconciliation au Mali qui a émergé de l’initiative de l’Algérie, afin de permettre aux parties concernées de donner un nouvel élan à la voie de la paix et de la réconciliation en malienne.
Mais, la grosse épine à laquelle bute la médiation internationale, qui se trouve d’ailleurs dans une impasse, c’est que l’Autorité de transition malienne considère l’Accord d’Alger comme une menace pour le pays, car ses objectifs vont au-delà de l’autonomie dans le nord après avoir permis aux responsables de la région d’exploiter les ressources souterraines pour devenir un « État dans l’État », et que la tension entre l’Algérie et la France avait une grande répercussion sur la situation au Mali, sachant que le gouvernement malien actuel chercherait à lancer un dialogue plutôt « malien – malien », qui sera une alternative à l’accord d’Alger, ce qui nous pousse à croire en fin de compte que l’accord serait déjà « mort et enterré ».
Attendons voir les prochaines réactions officielles des hautes autorités maliennes à ce sujet…
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