Pourquoi la France veut-elle réellement sortir du Mali ?

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Rapporté par
Anouar Chennoufi

Africa-PressMali. Plus de huit ans après l’intervention de la France au Mali – une des anciennes colonies françaises en Afrique – le président français Emmanuel Macron a clairement fait savoir qu’il en avait “assez”, mais que les Etats-Unis n’ont pas soutenu cette requête.

Les mesures françaises sont intervenues quelques semaines seulement après que des officiers maliens aient organisé un coup d’État militaire – le deuxième en moins d’un an – qui a suscité des inquiétudes à Paris quant à la crédibilité de l’un des plus importants partenaires « antiterroristes » du gouvernement français dans la région.

Plus tôt, Macron avait annoncé son intention de retirer une force armée constituée de plus de 5.000 soldats français de la région, dans le cadre de l’opération Barkhane, laissant derrière lui une force résiduelle des forces spéciales africaines et internationales.

« Il est temps pour un changement en profondeur des opérations militaires françaises dans la région du Sahel », a déclaré Macron lors d’une conférence de presse.

Résistance américaine
Le retrait français intervient après que les États-Unis ont réduit leurs campagnes de lutte contre le terrorisme, y compris des plans visant à réduire leur présence militaire en Syrie et à se retirer d’Afghanistan avant la fin de l’année (chose déjà faite au mois d’Août 2021).

Cependant, Paris s’est retrouvé confronté à une résistance aux Nations Unies, dans le contexte de sa stratégie pour la région du Sahel et de sa tentative d’élargir le rôle de soutien de l’organisation internationale dans les efforts de lutte contre le terrorisme.

Les États-Unis ont fait part de leurs inquiétudes quant au coût de la proposition française d’étendre la mission de maintien de la paix des Nations Unies au Mali, et ont exprimé également leur inquiétude quant au fait que le soutien de l’ONU à une opération antiterroriste africaine pourrait entraîner l’organisation dans une bataille régionale « inappropriée ».

C’est d’ailleurs pourquoi Washington a renoncé à une initiative française d’autoriser l’envoi de 2.000 casques bleus supplémentaires au Mali, ce que les Français avaient espéré.

Les États-Unis ont noté entre-autres l’absence d’un plan détaillé de l’ONU pour la mission, ses coûts et ses obligations, et la nécessité d’informer le Congrès dans les deux semaines suivant l’approbation de nouveaux engagements de maintien de la paix, selon des sources diplomatiques proches des négociations.

Toutefois, il importe de noter que la France peine à gagner le soutien américain à sa stratégie de sortie, à un moment où l’opinion publique française est tendue par une guerre lointaine et ouverte pour la défense d’un gouvernement qui a échoué à plusieurs reprises à parvenir à la paix avec ses voisins.

Néanmoins, au milieu de l’aggravation des crises politiques et sécuritaires dans la région du Sahel africain, la France a quand même décidé de réduire son déploiement militaire dans le nord du Mali.

Quelles sont les raisons de ce déménagement ?
Selon la directrice de l’Institut d’études des relations internationales et stratégiques de Paris, Leslie Farren, il n’y aurait pas de retrait complet des Français du littoral, mais seulement un retrait partiel, car il s’agit de réorganisation, étant donné que le président français Emmanuel Macron l’a fait pour des raisons liées à la politique intérieure du pays, d’autant plus que la stratégie a dû changer au Sahel.

Elle ne s’attendait pas à ce que la France se retire et quitte la côte, notant que les forces françaises n’avaient pas intérêt à subir des pertes militaires, car cela affecterait la réélection future de Macron.

Quant au professeur de sociologie politique et expert des affaires de la région du Sahel et du Sahara, Mohamed Sid Ahmed Val, il a estimé que la démarche française est le résultat de pressions politiques avant les élections présidentielles, notant qu’il y a une fuite financière et humaine au Mali, et constatant que Paris a souffert de doublons dans le traitement des dossiers tchadien et malien. .
Il a souligné que la France a été pionnière dans la récupération du Mali après son effondrement en 2012, mais qu’elle n’a pas suivi le rythme, donc l’annonce de son échec et sa révision de sa démarche ont été calculées dans le temps et dans l’espace, tout en étant planifiées.

Des résultats positifs mais…
Pour sa part, le professeur de sciences politiques et directeur de l’École supérieure des sciences politiques, Mustafa Sayej, a déclaré que l’opération “Barkhane” avait obtenu des résultats positifs pour la France, comme mentionné dans ses rapports, mais en retour, la Russie a réussi à atteindre deux objectifs, dont le premier est la conclusion d’accords et traités de défense et d’appui logistique au Burkina Faso, au Niger et au Mali, ce qui constitue une menace pour l’influence française.

Le second objectif atteint, est que la Russie a pu influencer, grâce à des outils cyber, pour que le mécontentement populaire au Mali exige le départ de la France et porte le drapeau russe. Le soft power de Moscou est devenu plus influent et menaçant pour Paris.

Seulement, il ne faut pas oublier qu’Emmanuel Macron avait annoncé son intention d’opérer un « remake profond » de la présence militaire française dans la région du Sahel africain et de mettre fin à l’opération Barkhane au nord du Mali, sans préciser toutefois la nouvelle forme de la future présence française dans cette région.

Macron a également annoncé que l’opération Barkhane sera remplacée par un processus de soutien et de coopération pour les armées des pays de la région qui souhaitent empêcher toute perturbation sécuritaire en faveur des groupes armés, ce qui revient en pratique à mettre les forces de ces pays sur les premières lignes pour affronter les groupes opérant dans cette région tentaculaire.

Défis communs
Il n’échappe à personne que le Sahel soit un vaste territoire de près de 100 millions d’habitants, couvrant le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad (constituant le G5 Sahel).
D’innombrables défis se dressent donc devant cette région, dont on peut citer principalement :
• La progression de la menace terroriste et du crime organisé,
• Le changement climatique,
• L’expansion démographique…
Face à ces défis communs, la réponse devrait être à la fois :
• politique,
• militaire
• et favoriser le développement.
Il ne faut pas oublier tout de même que la France, aux côtés de ses partenaires européens et internationaux, affiche pleinement son engagement à soutenir les pays du Sahel dans leurs efforts et leur sécurité.

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