Pourquoi le Mali a-t-il été exclu par les Etats-Unis de l’accord commercial AGOA ?

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Pourquoi le Mali a-t-il été exclu par les Etats-Unis de l’accord commercial AGOA ?
Assemblée de l’AGOA

Africa-Press – Mali. Nous avons appris que l’administration américaine a décidé d’exclure le Mali de l’accord commercial AGOA, qui lie les Etats-Unis au continent africain, décision prise également contre l’Ethiopie et la Guinée. De facto, l’accès au marché américain sans droits de douane pour les exportateurs de ces trois pays, a donc été fermé à compter du 1er janvier 2022.

Dans le communiqué rendu public par l’administration Biden, le samedi 1er Janvier 2022, on peut lire ceci : « Les États-Unis ont exclu aujourd’hui l’Éthiopie, le Mali et la Guinée du programme de préférences commerciales de l’Agoa, en raison d’actions prises par chacun de leur gouvernement en violation des statuts de l’accord », selon la représentation américaine au Commerce (USTR).

En plus de : « L’administration Biden s’est dite profondément préoccupée par le changement anticonstitutionnel des gouvernements de Guinée et du Mali ».

Dans ce contexte, la même source (USTR) a exprimé sa profonde inquiétude à l’encontre des « violations flagrantes des droits humains internationalement reconnus », tout en soulignant que « chaque pays possède des repères clairs pour une voie vers la réintégration, et l’administration travaillera avec leurs gouvernements pour atteindre cet objectif ».

Pour sa part, S. E. l’Ambassadrice Katherine Tai, représentante des États-Unis au commerce extérieur, a indiqué que : « Les États-Unis exhortent ces gouvernements à prendre les mesures nécessaires pour répondre aux critères statutaires afin que nous puissions reprendre nos précieux partenariats commerciaux »

Tai a également fait savoir que : « le Mali, qui a connu son deuxième coup d’État militaire en un an, en mai dernier, a été cité pour ne pas avoir établi, ou ne pas avoir fait de progrès continus vers l’établissement, la protection de l’Etat de droit, du pluralisme politique et des droits des travailleurs internationalement reconnus, et pour ne pas lutter contre les violations flagrantes des droits de l’homme internationalement reconnus également ».

Suite à ces sanctions, le Mali, autant que l’Ethiopie et la Guinée, se voie privé des exonérations américaines de frais de douane sur les exportations, qui leur étaient accordées par les États-Unis.

En effet, l’accord stipule que des milliers de produits africains ont la possibilité de bénéficier de réductions de taxes à l’importation, sous réserve de conditions remplies concernant les droits de l’Homme, la bonne gouvernance et la protection des travailleurs, mais aussi de n’appliquer aucune interdiction douanière pour les produits américains sur leur territoire.

L’accord AGOA : c’est quoi exactement ?

Mise en place de l’accord Agoa (Etats-Unis / Afrique)

Il faut d’abord comprendre ce qu’est l’accord AGOA.« African Growth and Opportunity Act », en anglais, et « Loi sur la croissance et les opportunités de développement en Afrique », en français, est un accord commercial mis en place durant l’année 2000, adopté par le Congrès des Etats-Unis et signé par le président US Bill Clinton, dont le principal objectif est de faciliter et réguler les échanges commerciaux entre les États-Unis et l’Afrique.

Pour l’histoire
De 2001 à 2015, le nombre de bénéficiaires du programme AGOA a doublé, et leurs échanges commerciaux avec les États-Unis ont atteint 50 milliards de dollars en 2014, avec un pic de 100 milliards en 2008.

Les produits pétroliers représentent 69% des exportations africaines sous les termes de l’AGOA aux États-Unis, en 2014. Un an plus tard, le président américain Barack Obama signa le prolongement jusqu’en 2025 de l’African Growth and Opportunity Act.

Son assistant Michael Froman qualifiait alors l’AGOA de « pierre angulaire [. . . ] depuis 15 ans » des relations commerciales entre les États-Unis et l’Afrique, à un moment où 39 pays africains avaient adhéré au dit accord.

Quel est l’objectif de cet accord ?

Le but de cette loi est de soutenir l’économie des pays africains en leur facilitant l’accès au marché américain, suivant les principes de l’économie libérale.

Cette union représente un intérêt réciproque pour les deux parties, les pays africains ayant ainsi la possibilité de s’affirmer progressivement sur la scène mondiale en entrant dans la mondialisation, et les Etats-Unis bénéficiant ainsi d’une nouvelle source d’approvisionnement, notamment en pétrole.

De ce fait, l’AGOA offrait ainsi une vaste gamme d’avantages aux entreprises commerciales et industrielles, aux travailleurs et aux agriculteurs des pays éligibles.

Cette loi a été mise en place afin de soutenir l’accession des pays d’Afrique sub-saharienne dans les échanges mondiaux par la facilitation de leur accès sur le marché américain.

Par les possibilités qu’elle offrait, elle vise également à entraîner les pays bénéficiaires vers une croissance économique durable grâce à la diversification de la structure productive, au soutien des investissements directs étrangers, à l’accès au crédit et à l’expertise technique.

Bien que l’évaluation d’un accord commercial puisse être effectuée à travers certains variables bien distincts, il n’en demeure pas moins, à la fin, que l’objectif de tout accord commercial et plus spécifiquement de l’AGOA est de conduire les pays bénéficiaires sur un sentier de croissance économique durable.

Que reproche-t-on à l’AGOA ?

Les critiques à l’encontre de l’AGOA reposent sur des incertitudes et des limitations portant notamment sur le fait que les exemptions se concentrent dans les faits sur quelques produits exportés par quelques pays.

En effet, la majorité des exemptions de droits tarifaires concédés par l’AGOA sont accessibles à tous les pays en développement en passant par le système généralisé de préférences.

Selon Rob Davies, le ministre sud-africain du Commerce et de l’Industrie, le but de l’AGOA n’est clairement pas d’aider les pays d’Afrique sub-saharienne à se développer, mais à les maintenir dans leur statut de producteurs et d’exportateur de matières premières sans valeur ajoutée.

Rob Davis – ministre sud-africain du Commerce et de l’Industrie

Des voix s’élèvent également aux États-Unis contre le caractère unilatéral de l’accord, les pays africains n’ayant pas à accorder de préférences aux produits américains pour bénéficier de l’accord.

Entre-autres, un certain nombre de difficultés liées aux capacités, aux infrastructures, aux institutions, aux économies, à la commercialisation, au risque politique et aux prescriptions du marché américain continuent d’empêcher les pays africains répondant aux conditions de la loi de tirer pleinement parti du potentiel de l’AGOA.

Conclusion

Pour conclure, on doit reconnaître que l’AGOA concrétise les aspirations des États-Unis et de l’Afrique subsaharienne. Comme prévu, le programme pourrait créer d’importantes opportunités pour les pays répondant à ses conditions et changer fondamentalement la structure des économies bénéficiaires.

Même s’il a suscité un accroissement de 500% des exportations africaines aux États-Unis ces dix dernières années, et créé près d’1,3 million d’emplois, il doit s’améliorer au niveau de la diversification des produits et de la modification des structures économiques africaines.

En se trouvant exclu de l’AGOA, le Mali se trouve donc beaucoup plus perdant que gagnant, même si en 2020, les exportations du Mali les Etats-Unis n’ont pas dépassé les 2,2 millions de dollars, en comparaison à l’Ethiopie dont les exportations ont été estimées à 525 millions de dollars.

Anouar CHENNOUFI

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