Pourquoi le Mali demande le retrait de la Mission onusienne

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Pourquoi le Mali demande le retrait de la Mission onusienne
Pourquoi le Mali demande le retrait de la Mission onusienne

Par Le Point Afrique

Africa-Press – Mali. DÉCRYPTAGE. Le 16 juin dernier, la junte a exigé la fin de la mission onusienne Minusma, présente depuis dix ans dans le pays et dont le mandat expire ce vendredi.

Ce vendredi 30 juin, le Conseil de sécurité de l’ONU n’examinera pas comme prévu le renouvellement du mandat de la mission de l’ONU au Mali, la Minusma, mais la perspective de son retrait. En effet, le 16 juin dernier, prenant tout le monde de court, le ministre malien des Affaires étrangères Abdoulaye Diop avait exigé le « retrait sans délai » de la force onusienne du pays, dénonçant son « échec ». Les quinze membres du Conseil de sécurité, dont la France, les États-Unis, la Russie et la Chine, doivent trouver des compromis mais les discussions étaient toujours au cours ces dernières heures, car les enjeux sont immenses tant sur le plan de la sécurité intérieure du Mali. Les principaux points d’achoppement autour des négociations portent sur les aspects tant techniques que politiques.

Que sait-on des négociations en cours ?

Alors que le consentement de l’État hôte est l’un des principes du maintien de la paix, le projet de résolution proposé par la France, à la manœuvre sur le dossier malien au Conseil de sécurité, propose de mettre un terme à la mission, tout en prévoyant une période de six mois pour le retrait des plus de 12 000 soldats et policiers déployés, selon des sources diplomatiques.

Mais en raison de discussions qui se poursuivent entre les membres du Conseil, l’ONU et le Mali, le vote prévu jeudi a été reporté à vendredi, dernier jour du mandat en cours de la Minusma, selon une des sources diplomatiques.

Le Mali a notamment demandé de raccourcir cette période de six mois, a précisé une autre source diplomatique à l’AFP. Une durée plus courte poserait la question des conditions pratiques du retrait.

Quels sont les enjeux autour du retrait de la Minusma ?

« Déplacer des milliers de Casques bleus, et leur équipement, leurs installations, le personnel de soutien prend du temps », a déjà averti Farhan Haq, porte-parole adjoint du secrétaire général de l’ONU, demandant un « calendrier raisonnable ».

Les États-Unis, qui ont regretté la décision malienne, avaient de leur côté réclamé un « retrait ordonné et responsable ».

Dès les déclarations du ministre malien, le chef de la Minusma El Ghassim Wane avait estimé que la poursuite de la mission créée en 2013 notamment pour aider à stabiliser cet État menacé d’effondrement sous la poussée djihadiste et pour protéger les civils devenait « presque impossible ».

Comment en est-on arrivé là ?

La question des raisons de maintenir la Minusma dans le pays n’a cessé de se poser avec plus d’acuité ces derniers mois. Notamment en raison des obstacles dressés par la junte à l’accomplissement du mandat de la mission, des obstructions ouvertement dénoncées par l’ONU.

Cette détérioration a coïncidé avec la réorientation stratégique opérée par la junte, qui a rompu la vieille alliance du pays avec l’ancienne colonie française et s’est tournée militairement et politiquement vers la Russie.

Elle a eu lieu sur fond d’aggravation continue de la situation du pays non seulement sur le plan sécuritaire, avec l’emprise exercée par des groupes affiliés à Al-Qaïda et l’organisation État islamique sur de grandes parties du territoire, mais aussi humanitaire, avec des centaines de milliers de personnes déplacées et des millions ayant encore besoin d’aide cette année.

Comme dans d’autres pays, la mission onusienne, présente depuis 2013, s’est vu chroniquement reprocher son impuissance par les populations et leurs dirigeants, malgré le déploiement de plus de 12 000 soldats à ce jour et un budget annuel de 1,26 milliard de dollars.

Au Mali, un tournant a eu lieu en mai 2021 quand les colonels putschistes de 2020 ont mené un nouveau coup de force pour écarter toute entrave à leur mainmise.

Et quand la France annonce le retrait de sa force antidjihadiste en 2022, la question de la sécurité de la Minusma se pose. Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres dit alors redouter le « vide » laissé par le désengagement français.

En juillet 2022, 49 militaires ivoiriens censés participer à la sécurité du contingent allemand des Casques bleus sont arrêtés à Bamako et détenus plusieurs mois. Les autorités maliennes les accusent d’être des mercenaires. La junte fait expulser dans la foulée le porte-parole de la Minusma, de nationalité française, lui reprochant d’avoir posté sur les réseaux sociaux des « informations inacceptables » sur l’affaire.

Dans ce contexte, un certain nombre de pays dont l’Allemagne, le Royaume-Uni ou la Côte d’Ivoire annoncent la fin de leur participation à la Minusma, compliquant considérablement des opérations, par exemple pour mener des missions de reconnaissance.

Au même moment, l’ONU évoque publiquement d’innombrables interdictions de vol de ses appareils par Bamako. La question du respect des droits humains, dont la surveillance fait partie du mandat de la Minusma, nourrit par ailleurs les tensions.

La junte fait barrage aux investigations de la Minusma sur les abus dont les forces maliennes sont régulièrement accusées. Bamako parle « d’instrumentalisation » du sujet. L’ONU s’émeut de ne pouvoir accéder aux lieux des abus présumés. En février 2023, le gouvernement malien fait expulser le chef de la division des droits de l’homme de la Minusma.

La querelle culmine avec la publication en mai 2023 d’un rapport accablant de la Minusma accusant l’armée malienne et des combattants « étrangers » d’avoir exécuté au moins 500 personnes lors d’une opération présumée antidjihadiste à Moura en mars 2022. La junte dénonce non seulement un « rapport biaisé, reposant sur un récit fictif », mais annonce l’ouverture d’une enquête contre la mission d’enquête pour « espionnage, atteinte à la sûreté extérieure de l’État » et « complot militaire ».

Le secrétaire général Antonio Guterres avait recommandé au Conseil de sécurité de « reconfigurer » la mission pour la concentrer sur un nombre limité de « priorités » pour la rendre plus efficace. Un plan qui apparaît bien compromis par la demande malienne de voir la Minusma quitter le pays « sans délai ».

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