Africa-Press – Mali. Au Mali, il faut « rapidement un plan de relance économique à marche forcée piloté par l’État, afin de remettre les gens au travail et assurer les besoins alimentaires, agricoles et sanitaires, notamment en ce qui concerne la lutte contre le Covid-19 », affirme auprès de Sputnik, Édouard Bizimana, ambassadeur du Burundi à Moscou.
Après près de sept mois de bras de fer avec les autorités maliennes de transition, la France, le Canada et leurs partenaires européens, au sein de l’opération Barkhane et de la Task Force Takuba, ont annoncé officiellement le retrait de leurs forces armées du Mali, mettant ainsi fin à leur présence militaire dans le pays, laquelle a duré pas moins de neuf ans.
« Nous ne pouvons pas rester engagés militairement aux côtés d’autorités de fait dont nous ne partageons ni la stratégie ni les objectifs cachés », et qui ont recours à « des mercenaires de la société Wagner », a affirmé Emmanuel Macron lors d’une conférence de presse conjointement organisée avec les Présidents du Conseil européen, du Sénégal et du Ghana.
Que doit faire le gouvernement malien de transition pour remplacer le départ des forces occidentales afin de sécuriser complètement le pays? Quels sont les chantiers prioritaires auxquels doit s’attaquer le Président Assimi Goïta pour stabiliser le pays, renforcer et accélérer le processus de transition et prendre en charge rapidement les besoins urgents de la population? Dans cette optique, quels sont les partenaires qui peuvent épauler le Mali dans sa stratégie d’émancipation et de développement? Comment faire pour intégrer tous les pays de la région ayant la même vision de la situation?
« Être, ou, ne pas être, telle est la question! »
« La situation que vit le Mali est inédite par le fait que, pour pratiquement la première fois, le peuple dans toutes ses composantes a décidé de prendre en main son destin en soutenant contre vents et marées les autorités de la transition dirigées par le Président Assimi Goïta », affirme le diplomate, rappelant la célèbre formule « du poète et philosophe allemand Friedrich Hölderlin (1770-1843). +Là où croît le péril croît aussi ce qui sauve+, disait-il pour expliquer que les crises politiques, économiques et sociales peuvent également générer les bases de leur propre dépassement ».
Dans le même sens, afin de bien dépeindre le tableau des différents défis futurs que doivent relever les Maliens, aussi bien ceux qui sont aux commandes que le reste des citoyens, pour mettre leur pays sur le chemin de la paix, de la sécurité et du développement, et qui plus est dans un contexte des plus sensibles et dangereux, M.Bizimana rappelle la célèbre citation de William Shakespeare dans sa pièce Hamlet: « Être, ou, ne pas être, telle est la question! »
« Il faut prendre le taureau par les cornes! »
Afin de mieux étayer son propos, le diplomate estime que « le gouvernement de transition doit instaurer sans tarder un dialogue politique, franc, inclusif et tourné vers le futur sur la base d’une feuille de route consensuelle. Toute la classe politique, les représentants de toutes les régions et de toutes les ethnies doivent laisser de côté leurs différends et se concentrer sur comment trouver une issue sûre, rapide, fédératrice, viable et efficace au blocage actuel, pour ne pas perdre beaucoup de temps dans les questions politiques, nonobstant leur importance. Les citoyens maliens doivent également se mobiliser de manière continue pour accompagner le processus de changement, mais également pour le surveiller. Il faut bien voir qu’un compromis solide et rapide est nécessaire pour faire taire les armes, en particulier dans le nord du pays, afin d’éloigner le spectre de la partition du territoire, de mettre en place les réformes politiques, administratives et institutionnelles et de se consacrer sérieusement à la lutte antiterroriste ».
Quid de la relance économique?
Alors que les autorités au Mali ont choisi d’étendre la durée de la transition à cinq ans, l’interlocuteur de Sputnik estime que « bien que cette question regarde uniquement les Maliens entre eux, il est quand même nécessaire de leur rappeler que le temps économique est en conflit avec le temps politique! Ceci dit qu’il faut mettre en place rapidement un plan de relance économique à marche forcée piloté par l’État, afin de remettre les gens au travail et assurer les besoins alimentaires, agricoles et sanitaires, notamment en ce qui concerne la vaccination et la lutte contre le Covid-19. Un contrôle doit être instauré sur les mouvements financiers et bancaires pour prévenir et empêcher le cas échéant la fuite des capitaux vers l’étranger, ce qui pourrait provoquer l’asphyxie financière du pays. Ces mesures doivent également être accompagnées de réformes structurelles à même de redynamiser l’économie malienne et de préserver l’éducation et la santé ».
Conclusion
Dans le nouveau contexte mondial où les États-Unis tentent de freiner l’ascension de la Chine, l’Iran et de la Russie, « l’axe Moscou-Pékin-Téhéran s’avère être une chance pour l’Afrique et ce, pour plusieurs raisons », affirme-t-il. « La première est que la Russie, vu ses richesses qui demeurent sous-exploitées, ne viendra pas en Afrique pour piller les ressources du continent. La Russie, qui cherche à se redéployer à l’international conformément à sa vision d’un monde multipolaire, peut participer à la sécurisation de l’Afrique en aidant ses États à bâtir des armées de dissuasion à même de faire face à toutes les guerres et tentatives de déstabilisation incessantes. Les Russes pourraient aider ces pays à développer leurs propres industries militaires avec toutes les possibles applications dans le civil dans le cadre de partenariats gagnant-gagnant [via par exemple un fond souverain, ndlr] ».