Affaire Paramount : au-delà des spéculations

26
Affaire Paramount : au-delà des spéculations
Affaire Paramount : au-delà des spéculations

Africa-Press – Mali. La justice malienne a émis la semaine dernière un mandat d’arrêt international contre quatre personnalités qui ont servi sous l’ancien régime. Elle les accus de « faux, usage de faux et d’atteinte aux biens publics » dans une affaire d’achat d’équipements militaires à l’entreprise sud-africaine Paramount. On n’en sait, depuis, un peu plus sur cette affaire où au moins trois personnalités affirment n’avoir pas été entendues par la justice.

Au Mali, l’achat d’équipements dans le cadre de la mise en œuvre de la Loi d’orientation et de programmation militaire (LOPM) et la Loi de programmation pour la sécurité intérieure, objet du contrat passé entre l’entreprise sud-africaine Paramount (grand fabricant et spécialiste de matériels militaires) et le ministère de la Défense et des Anciens combattants, défraie la chronique. Chacun, à tort ou à raison, y va de son commentaire sans connaître le fond du dossier.

Un bourdonnement né de l’annonce par la justice d’un mandat d’arrêt international contre l’ancien ministre de la Défense, Tiéman Hubert Coulibaly, les anciens ministres de l’Economie et des Finances, Mamadou Igor Diarra et Dr. Boubou Cissé, et l’ancien directeur général de la Banque malienne de solidarité (BMS), Babaly Bah. Ils sont accusés par la Cour suprême des « faits qualifiés de crime de faux et usage de faux d’atteinte aux biens publics et de complicité de ces infractions ».

La plus haute instance judiciaire dans son communiqué ne donne aucun autre détail pouvant permettre de cerner le dossier notamment la structure de contrôle qui a fait le rapport incriminant les quatre personnalités. Car, selon des informations relayées par la presse, aucune structure de contrôle de l’Etat n’a produit un rapport incriminant les personnalités ci-dessus citées dans ce dossier qu’il convient désormais d’appeler « affaire Paramount ».

De quoi s’agit-il ? En fin 2015, le Conseil supérieur de la défense valide sur la proposition du ministère de la Défense et des Anciens combattants, l’acquisition de 36 véhicules blindés Marauder auprès de l’entreprise sud-africaine Paramount pour un montant de l’ordre de 36 milliards de Fcfa. Le contrat, nous a-t-on dit, prévoyait d’autres prestations connexes dont la formation, des réparations d’aéronefs appartenant aux Forces armées maliennes.

C’est Tièman Hubert Coulibaly, ministre de la Défense au moment des faits, qui a piloté le dossier avec la hiérarchie militaire. Pour rendre les conditions du contrat conformes à la règlementation nationale, des réunions regroupant les conseillers du ministère de la Défense, de l’état-major particulier du président de la République et l’état-major général des Armées ont été organisées avec des Directions des services financiers comme le Budget, le Trésor, la Dette publique, les marchés publics et celle du Contrôle financier.

Au terme des négociations entre le ministère de la Défense, Autorité contractante, et le fournisseur, la société Paramount, un contrat a été signé en novembre 2015. Soumis à son approbation, le ministre de l’Economie et des Finances d’alors, Mamadou Igor Diarra, l’a approuvé comme le prescrit d’ailleurs la réglementation des finances publiques à partir du moment où la dépense est prévue au budget du département. Ce qui fait dire à des sources dignes de foi que le marché présenté comme faux n’en était véritablement pas un. Ce d’autant qu’il a été signé par les autorités nationales.

Un remaniement ministériel intervient alors en janvier 2016. Le banquier Diarra, pour des questions de principe, décide de quitter le gouvernement et est remplacé par Dr. Boubou Cissé au ministère de l’Economie et des Finances.

Ce dernier, sur conseil de ses conseillers et face aux réalités du moment, décide de remettre en cause le contrat existant en contestant certaines conditions de paiement dont les billets à ordre et la monnaie de la transaction préférant l’Euro plutôt que le dollar américain, monnaie du contrat initial.

Huit engins blindés Marauder livrés Pour ce faire, Dr. Cissé, alors patron de l’Hôtel des Finances, a aussitôt dépêché une mission d’inspection jusqu’en Afrique du Sud afin d’avoir des informations précises sur la société et le contrat, comme le rapporte du reste le journal « 22 Septembre ».

Un nouveau contrat a été signé en juin 2017. Il faut dire qu’entre- temps, la société Paramount a connu des difficultés économiques et était tout proche d’un dépôt de bilan. Ce qui du reste donne raison à Dr. Boubou Cissé de remettre en cause le contrat initial, qui permettra au Mali de faire une économie substantielle.

Toutefois, la société Paramount avait déjà reçu une avance de 7 milliards FCFA contre caution bancaire délivrée par la BMS et dont les fonds y ont été logés. Cela conformément aux clauses du contrat signé en 2015, qui stipulent le paiement d’une avance de 20%. Le reliquat des 80% du prix contractuel sera versé en trois versements annuels.

Depuis, chacun des ministres chargés de la Défense : Abdoulaye Idrissa Maïga, Tiéna Coulibaly, Tiémoko Sangaré et Ibrahim Dahirou Dembélé se sont battus bec et ongles pour pouvoir faire aboutir l’exécution de ce contrat. Sans succès.

Il a fallu attendre 2019 pour que la société sud-africaine livre huit engins blindés Marauder. Un nombre dont le coût n’atteigne pas le montant de la somme versée par l’Etat malien qui équivaut à 12 engins blindés.

« C’est là où résident les soupçons de la justice qui veut savoir la destination du reliquat de 3,7 milliards FCFA », explique une source proche du dossier. Laquelle estime « qu’on a voulu faire croire à la justice que ce montant a été frauduleusement soustrait ». Ce qui n’est pas le cas, nous a-t-on dit, puisque l’entreprise Paramount a reçu la totalité des montants décaissés par le Mali.

Toutefois, les soupçons de la justice, à travers la Cour suprême, sont d’autant plus légitimes que la société sud-africaine n’a jusqu’ici pas livré les quatre autres engins blindés. Cela malgré toutes les tentatives des tenants du pouvoir jusqu’aux évènements du 18 août 2020, où l’affaire connaît un nouveau soubresaut.

Paramount doit près de 4 milliards FCFA au Mali Au regard des faits ci-dessus évoqués, il appartient aux autorités de la transition de suivre le dossier afin d’exiger à la société Paramount d’honorer sa part du contrat. Puisque jusqu’à preuve du contraire, l’entreprise sud-africaine dispose de près de quatre milliards Fcfa du contribuable malien.

De deux choses l’une, soit les autorités actuelles exigent à l’entreprise de fabrication d’armes le remboursement intégral de l’argent des Maliens, soit elles décident de poursuivre le contrat. Dans l’un comme l’autre cas, les tenants du pouvoir se doivent de tenir le langage de la vérité aux Maliens.

Car, selon des sources concordantes, nous sommes beaucoup plus dans un contentieux entre un État qui a mal suivi l’exécution d’un contrat et une entreprise sud-africaine dont la réputation est connue mondialement dans son domaine.

En tout état de cause, plusieurs personnalités inculpées dans cette affaire affirment n’avoir pas été entendues par la justice. Et rejettent en bloc les accusations de la justice à leur encontre et se disent déterminées à laver leur honneur.

L’une d’entre elles, en l’occurrence Tiéman Huber Coulibaly, dans un communiqué, dit avoir « pris l’initiative de constituer une équipe de conseils qui l’accompagne dans l’éventualité souhaitable d’une confrontation ».

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Mali, suivez Africa-Press

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here