Au Mali, des concertations nationales pour fixer les termes de la transition

27

Jusqu’à samedi, les militaires du Comité national pour le salut du peuple (CNSP) organisent des débats afin d’essayer de trouver un avenir politique au pays

« M5, M5, la révolution ne nous sera pas confisquée. » Sur la route qui longe le fleuve Niger, ils semblent surgir de nulle part, à scander leur slogan, poings levés, entre les scooters et les voitures. Le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), celui qui a fait vaciller le pouvoir du président Ibrahim Boubacar Keïta (« IBK »), avant qu’il ne soit renversé par les militaires le 18 août, se cherche un avenir à l’heure où les militaires au pouvoir.

A l’entrée du Centre international de conférences de Bamako (CICB), où se déroulent les concertations nationales censées construire l’architecture de la transition, les forces de l’ordre sont vite débordées par d’autres partisans du M5-RFP qui brisent le cordon de sécurité sous les coups de matraque dans un nuage de gaz lacrymogène.

« Nous sommes là pour une transition civile et nous constatons que les militaires s’approprient progressivement le pouvoir. Ils ont émis un acte fondamental, ce qui représente une remise en cause implicite de notre Constitution. Doucement, le Mali est en train de glisser vers un régime militaire », regrette Bakary Keïta, membre de la jeunesse du M5-RFP et professeur de philosophie politique à l’Ecole normale supérieure (ENS) de Bamako. Déçu de l’hostilité de l’accueil, il rebrousse même chemin.

« Le M5 est mort de sa belle mort »

Seules quarante invitations ont été envoyées à la force d’opposition en sérieuse perte de vitesse depuis le coup d’Etat. « Le M5 est mort de sa belle mort », assume Issa Kaou N’Djim, figure de proue du mouvement et proche de l’imam Mahmoud Dicko, l’une des personnalités les plus influentes du pays, à l’origine de la contestation. « Le dénominateur commun de notre force hétéroclite était le départ d’« IBK ». C’est chose faite, alors désormais les partis reprennent leur rôle et de nouveaux acteurs vont émerger sur la scène politique », poursuit-il, conscient de la nature hétéroclite de la contestation initiale.

De l’autre côté de la route, en face de l’entrée du CICB, une centaine de jeunes brandissent le portrait du colonel Assimi Goita, président du Comité national pour le salut du peuple (CNSP) aujourd’hui à la tête de l’Etat. Le discours est clair et reflète une partie de l’opinion du pays. « Nous souhaitons un militaire car nous savons que c’est sur eux que les Maliens peuvent se reposer pour créer un rebond politique », explique Adama Mahamadou Ballo, porte-parole de la Coordination de soutien au CNSP (Co-CNSP), organisation créée au lendemain du coup d’Etat avec le ralliement des associations anciennement affiliées au M5-RFP.

A la veille des concertations nationales, les manifestations en faveur de l’armée se sont multipliées dans Bamako, la capitale malienne. Le 8 septembre, près d’un millier de personnes ont étourdi la place de l’Indépendance, lieu symbolique de la contestation, à l’appel du Mouvement populaire du 4 septembre (MP4), une coalition de quatre associations pourtant proches de l’ancien régime. Au son des vuvuzelas, des groupes de jeunes courant, sautant, embrassant l’actuel président, réclamaient qu’un militaire soit bien à la manœuvre lors de cette transition politique.

« Pour eux, le militaire est le mieux indiqué pour gérer la transition », observe Abdoulaye Guindo, coordinateur de la plate-forme de blogueurs Benbere qui a lancé le hashtag #MaTransition sur les réseaux sociaux. « Ils ont raison quelque part, car depuis l’avènement de la démocratie en 1991, les mêmes figures politiques qui ont échoué à gouverner reviennent », poursuit-il.

Cinq priorités évoquées dans les débats

Considérant les adeptes des réseaux sociaux représentatifs du pays, il estime, au vu des commentaires de ses nombreux followers, que trois tendances se font front : ceux qui souhaitent une transition civile dirigée par des technocrates, les partisans des politiciens, et enfin ceux qui ne veulent que des militaires. Et, selon son analyse, « les blogueurs sont clairement dans la première catégorie ».

« Je tiens à renouveler notre volonté de participer à la mise en place de l’architecture d’une transition et tout cela dans le respect de la volonté du peuple malien », leur répond Assimi Goita, comme en écho, lors de l’ouverture des trois jours de concertation. Devant aboutir à une charte consensuelle, Constitution temporaire qui encadrerait la transition, les débats portent sur cinq priorités – la sécurité, les réformes politiques et institutionnelles, l’adoption d’un pacte de stabilité, la bonne gouvernance et l’organisation d’élections – dégagées comme centrales par un groupe de vingt experts dits « indépendants ».

Des propositions issues des consultations nationales de la semaine passée, mais qui sont loin d’être érigées en dogme. « Nous sommes présents dans la salle pour écouter et intégrer les différentes observations des participants », rassure Soungalo Traoré, économiste membre du comité d’experts. Alors jeudi, le micro tourne dans les différents groupes. Education, industrie, place des femmes… Les sujets abordés nourrissent peu à peu le « diagnostic des maux qui minent notre système démocratique » évoqué par le colonel Assimi Goita lors de son discours d’ouverture.

Et si la durée de cet entre-deux démocratique est dans toutes les têtes comme l’une des questions à trancher, les suggestions n’arrivent pas jusqu’aux lèvres. « Nous devons d’abord nous entendre sur le contenu plutôt que sur le contenant », abonde l’ancien premier ministre Moussa Mara, particulièrement actif dans les débats. Dans la salle, beaucoup se rallieront derrière ses propositions d’amendements. Des suggestions auxquelles il faudra ajouter celles des quatre groupes de travail répartis dans le centre de Bamako, dont le résultat ne sera connu que samedi. Au plus tôt.

 

 

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here