Corriger la Carte du Monde pour L’Afrique

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Corriger la Carte du Monde pour L’Afrique
Corriger la Carte du Monde pour L’Afrique

Africa-Press – Mali. La jeune militante nigériane Abimbola Ogundairo, âgée de 28 ans, a lancé une campagne mondiale pour corriger la représentation de l’Afrique sur la carte du monde. Elle appelle à abandonner ce qu’elle qualifie de « modèle cartographique le plus trompeur », en référence à la projection de Mercator, largement utilisée dans les écoles, les cartes numériques et les références officielles.

La campagne, intitulée « Correct the Map », est menée par l’organisation Africa No Filter. Elle vise à faire pression sur les institutions internationales telles que les Nations unies et la Banque mondiale, ainsi que sur les systèmes éducatifs, pour qu’ils adoptent des cartes plus précises et équitables, reflétant la taille réelle des continents et des pays, en particulier l’Afrique, qui, selon les organisateurs, a longtemps souffert d’un « rétrécissement intentionnel » dans l’imaginaire visuel mondial.

Dans un entretien avec Al Jazeera, Ogundairo a déclaré: « Quand j’ai dit à mon oncle que les États-Unis, la Chine et l’Inde pouvaient tous tenir dans l’Afrique, il a été choqué et s’est senti trompé. Ce n’est pas une exagération, mais une réalité soutenue par les chiffres, absente de la conscience collective à cause de la carte de Mercator. »

La projection de Mercator, développée en 1599 pour faciliter la navigation maritime, montre les continents du Nord global – comme l’Europe et l’Amérique du Nord – de manière exagérément agrandie, tandis qu’elle réduit considérablement la taille de l’Afrique et de l’Amérique du Sud. Par exemple, le Groenland y apparaît presque aussi grand que l’Afrique, alors que cette dernière est en réalité plus de 14 fois plus vaste.

Les experts en géographie soulignent que la projection de Mercator préserve les angles et les formes, ce qui la rend utile pour la navigation, mais complètement inadéquate pour représenter les superficies.

Le professeur Lindsay Frederick Braun, de l’Université de l’Oregon, affirme que « Mercator n’est pas une conspiration en soi, mais il reflète une vision biaisée du monde qui a servi les grandes puissances pendant des siècles ». Il ajoute que sa large diffusion est due à sa disponibilité dans les cartes maritimes et au fait qu’elle propose une vision confortable du monde pour ceux qui veulent voir leurs pays comme plus grands.

En 1973, l’Allemand Arno Peters a présenté une nouvelle projection, connue sous le nom de projection de Peters, qu’il a qualifiée de « seule carte précise », la proposant comme une alternative équitable à celle de Mercator, qu’il a décrite comme « eurocentrée ».

En 2016, la projection de Peters a été adoptée par la ville de Boston aux États-Unis, car elle propose une représentation plus juste des surfaces. Toutefois, certains l’ont critiquée pour sa déformation des formes géométriques et son manque d’équilibre visuel.

Dans le contexte du débat actuel sur les projections cartographiques, une équipe de chercheurs dirigée par le cartographe Tom Patterson a annoncé en 2018 une nouvelle projection appelée « Equal Earth ».

Cette projection montre l’Afrique dans sa taille réelle et est aujourd’hui considérée comme l’une des plus précises en termes de superficie. C’est le modèle adopté par la campagne d’Ogundairo. La carte Equal Earth présente le Groenland dans sa véritable dimension, contrairement à la version exagérée de Mercator. La nouvelle carte a été soutenue par des institutions renommées, ayant été adoptée par la NASA et officiellement retenue par la Banque mondiale en 2024.

Dans une déclaration à Al Jazeera, un porte-parole de la Banque mondiale a affirmé que « le groupe est engagé à représenter équitablement tous les peuples du monde sur toutes ses plateformes ». Mais Ogundairo insiste: le changement ne viendra pas seulement de l’extérieur. Elle affirme que les Africains doivent eux-mêmes prendre leurs responsabilités: « Pendant des siècles, la carte du monde a été dessinée par des mains non africaines, reflétant des intérêts extérieurs. Il est temps de prendre nous-mêmes le crayon et de raconter notre propre histoire visuelle, au lieu d’accepter encore la version des autres. »

Ogundairo ajoute: « Cette carte n’affecte pas seulement la géographie, mais aussi l’économie, le tourisme, l’éducation et l’imaginaire collectif. Tant qu’on continuera à représenter l’Afrique comme petite et insignifiante, elle sera traitée comme telle sur les plans politique et économique. »

Malgré les divergences entre les écoles cartographiques, la campagne africaine s’accorde sur un point central: « Il est temps de cesser d’utiliser des modèles coloniaux pour façonner la conscience des générations futures, et de passer à des cartes qui reflètent une réalité plus honnête. »

Ogundairo conclut en soulignant que « la carte n’est pas seulement un outil pédagogique, c’est un instrument de pouvoir. Et tant que l’image de l’Afrique y sera déformée, sa perception dans l’esprit du monde le sera aussi. »

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