Africa-Press – Mali. Les ministres des Affaires étrangères malien et burkinabè ont adressé, mardi 8 août, un courrier au Conseil de sécurité des Nations unies pour réaffirmer l’opposition de leurs pays respectifs à toute intervention militaire de la Cedeao au Niger, laquelle serait « improductive, voire contre-productive ».
Le Mali d’Assimi Goïta et le Burkina Faso d’Ibrahim Traoré continuent de soutenir le général Abdourahamane Tiani, président du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), qui retient en otage le président nigérien, Mohamed Bazoum, depuis le 26 juillet dernier. Mardi 8 août, leurs ministres des Affaires étrangères respectifs, Abdoulaye Diop et Olivia Rouamba, ont ainsi écrit au Conseil de sécurité des Nations unies afin de marquer la ferme opposition de Bamako et de Ouagadougou à toute intervention militaire de la Cedeao au Niger.
« Volonté populaire »
« Le peuple du Niger, expliquent-ils, a décidé, en toute responsabilité et de manière pacifique, sans aucune effusion de sang, de prendre son destin en main et d’assumer devant l’histoire la plénitude de sa souveraineté. » « En dépit de cette volonté populaire clairement manifestée, la Cedeao, en rupture totale avec la légalité internationale et la légitimité, a fait le choix de privilégier les mesures coercitives, y compris le recours à la force armée, contre un pays souverain », ajoutent les diplomates malien et burkinabè dans ce courrier adressé à l’Américaine Linda Thomas-Greenfield, représentante permanente des États-Unis auprès de l’Organisation des Nations unies (ONU) et actuel présidente du Conseil de sécurité.
Leurs pays « réitèrent leur ferme condamnation de toute intervention militaire de la Cedeao ou de toute autre force internationale » et en appellent au Conseil de sécurité des Nations unies « pour empêcher, par tous les moyens à sa disposition, une action armée contre un État souverain, dont l’ampleur des conséquences serait imprévisible ». Abdoulaye Diop et Olivia Rouamba assurent en outre de leur « attachement à la recherche de solutions par les voies exclusives de la diplomatie et de la négociation, seules à même de garantir la paix et la stabilité du Niger et de la région ».
L’ONU soutient pour le moment les efforts de la Cedeao pour obtenir un retour à l’ordre constitutionnel et un rétablissement au pouvoir de Mohamed Bazoum. Mais son Conseil de sécurité pourrait avoir à se prononcer si la Cedeao décidait d’activer l’option militaire et de demander un blanc-seing onusien. Le chapitre VII de la charte des Nations unies permet au Conseil de constater « l’existence d’une menace contre la paix, d’une rupture de la paix ou d’un acte d’agression » et de faire des recommandations ou de recourir à des mesures militaires ou non militaires « pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales ».
Le Conseil de sécurité peut ainsi autoriser une organisation régionale, en l’occurrence la Cedeao, à employer la force et à mener sa propre opération de maintien de la paix. Une telle décision pourrait toutefois être bloquée par un veto d’un membre permanent du Conseil de sécurité, notamment la Russie. En 2017, malgré la réticence de plusieurs membres, le Conseil avait décidé de soutenir les efforts de la Communauté ouest-africaine en Gambie, ouvrant ensuite la voie à une opération militaire de la Cedeao – majoritairement menée par le Sénégal – pour installer le président élu Adama Barrow au pouvoir.
Alliance putschiste
Le Mali et le Burkina Faso ne comptent pas leurs efforts depuis le début du coup d’État au Niger, le 26 juillet dernier. Assimi Goïta et Ibrahim Traoré ont notamment assuré que toute intervention militaire de la Cedeao serait considérée comme un acte de guerre contre leurs propres pays. Ils se sont déclarés prêts à assister militairement les putschistes dans une éventuelle résistance face aux opérations de l’organisation ouest-africaine. La Guinée de Mamadi Doumbouya, qui a elle aussi dénoncé les plans de la Cedeao, est plus en retrait.
Assimi Goïta, Ibrahim Traoré et Abourahamane Tiani entretiennent des contacts réguliers depuis le coup d’État. Le vice-président du CNSP nigérien, l’ancien chef d’état-major Salifou Mody, a ainsi été reçu à Bamako, dès le 2 août. Outre ses entretiens avec les haut gradés maliens, il aurait également pu nouer des contacts avec des représentants du groupe de mercenariat russe Wagner, présent au Mali, qui aurait offert ses services aux putschistes nigériens. Salifou Mody a ensuite pris le chemin de Ouagadougou, où il a été accueilli par Ibrahim Traoré, lui-même tout juste de retour de Saint-Pétersbourg, comme Assimi Goïta.
Le Mali et le Burkina Faso ont ensuite envoyé à Niamey, le 7 août, une délégation notamment composée du ministre de la Sécurité burkinabè, Lassina Zerbo, du chef d’état-major particulier d’Ibrahim Traoré, le lieutenant-colonel Ismaël Diouari, du colonel malien Abdoulaye Maïga et du ministre de la Défense d’Assimi Goïta, Sadio Camara. Ce dernier est le principal artisan de l’arrivée des Russes de Wagner à Bamako, dès la fin de l’année 2021. S’adressant à quelques journalistes à l’issue d’une réunion avec le CNSP, les deux Maliens ont « réitéré » le soutien des présidents Goïta et Traoré à la junte et assuré de la « participation active [de leurs pays] aux opérations de légitime défense en cas d’agression de la Cedeao ».
Par Mathieu Olivier
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