Le Crime Organisé Menace la Faune Africaine

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Le Crime Organisé Menace la Faune Africaine
Le Crime Organisé Menace la Faune Africaine

Africa-Press – Mali. Une enquête d’investigation récente révèle l’ampleur et la complexité du trafic de faune sauvage à travers l’Afrique, mettant en lumière un réseau entremêlé de corruption, de criminalité organisée et de défaillances systémiques qui sapent les efforts de conservation et alimentent les marchés illicites.

Intitulée Chaos et désordre: analyse du trafic de pangolins et d’ivoire 2015-2024, l’enquête trace un tableau inquiétant du commerce illégal de la faune de l’Afrique vers l’Asie, couvrant les années précédant et suivant la pandémie de Covid-19.

Ce rapport de la Wildlife Justice Commission est l’une des études les plus complètes à ce jour sur la manière dont les failles juridiques, les interférences politiques et la faiblesse institutionnelle permettent à ce commerce illégal de prospérer.

Les chiffres sont saisissants. Il existe huit espèces de pangolins, grands et petits. Un pangolin pèse en moyenne 5 kg et porte entre 500 et 600 g d’écailles. Il faut tuer plus de 1 800 pangolins pour obtenir une tonne d’écailles.

La nature en contrebande

En 2024, les douanes nigérianes ont saisi plus de 9,4 tonnes métriques d’écailles de pangolins cachées dans des conteneurs sombres, dissimulées sous du bois ou des sacs de noix de cajou, avec des milliers de défenses d’éléphants. Cette cargaison équivaut à plus de 18 000 pangolins tués.

En 2019, les saisies mondiales d’écailles de pangolins ont dépassé 100 tonnes. Le rapport estime que ces saisies ne représentent qu’environ 10 % du volume total trafiqué, ce qui signifie des millions de pangolins tués.

Le pangolin, également appelé « fourmilier écailleux », est l’un des mammifères les plus braconnés au monde. Il y a quatre espèces en Afrique et quatre en Asie. Depuis le début des années 2010, le trafic d’écailles africaines a explosé pour répondre à la demande asiatique: plus de 370 tonnes ont été exportées en une décennie.

En 2019, Singapour a intercepté deux cargaisons d’écailles totalisant plus de 25 tonnes. D’autres saisies record d’ivoire ont été effectuées au Vietnam, à Singapour et en Chine.

La même année, environ 50 tonnes d’ivoire ont été confisquées, ce qui correspond à quelque 50 éléphants tués. Entre 2015 et 2024, plus de 193 tonnes d’ivoire ont été saisies, ce qui signifie potentiellement la mort de 193 000 éléphants – soit près de la moitié de leur population africaine.

L’augmentation rapide du volume des cargaisons trahit l’implication de réseaux criminels organisés, dotés de capitaux importants, de chaînes logistiques sophistiquées et d’une coordination transnationale.

Le braconnage destiné au commerce illégal de l’ivoire aurait causé une chute de 30 % de la population mondiale d’éléphants, surtout en Afrique.

Traditionnellement, la Chine est une destination majeure pour l’ivoire et les écailles de pangolins. Depuis la pandémie, elle a intensifié la répression: en 2020, de nombreuses arrestations ont eu lieu, et des peines plus sévères ont été imposées, en particulier contre les espèces suspectées de transmission zoonotique.

Les saisies d’une valeur de 176,1 millions de dollars sur dix ans témoignent de la rentabilité de ce commerce. Si les saisies ne représentent que 10 %, les profits totaux pourraient atteindre 1,58 milliard de dollars.

Le rôle central des réseaux africains et asiatiques

La Wildlife Justice Commission souligne le rôle des courtiers africains au sein des réseaux criminels vietnamiens et chinois. Ces intermédiaires ne se contentent pas de fournir les produits, mais organisent aussi les itinéraires, les moyens de transport, le stockage et les expéditions.

Les réseaux chinois montrent des structures typiques du crime organisé, avec des hiérarchies, des responsabilités bien définies (financement, logistique, blanchiment), et une continuité d’activité sur plusieurs années.

Les réseaux nigérians impliqués dans le trafic de pangolins et d’ivoire opèrent selon des logiques moins structurées, avec des collaborations plus informelles et temporaires.

Évolutions juridiques et répression

La pandémie a momentanément freiné le trafic. Mais des efforts renforcés de répression ont permis des arrestations majeures de trafiquants de haut niveau dans plusieurs pays, notamment au Vietnam, en Malaisie et au Mozambique.

En Chine, l’interdiction du commerce de l’ivoire entrée en vigueur en décembre 2017, conjuguée à une approche méthodique de l’enquête, a pratiquement démantelé certains réseaux.

Malgré la baisse, le Programme des Nations unies pour l’environnement affirme que les pangolins et les éléphants restent les espèces les plus tuées et trafiquées après les rhinocéros, et que l’Europe continue de servir de route de transit active.

Ce commerce illégal représente une menace grave pour la biodiversité africaine, l’intégrité des institutions et la sécurité environnementale globale.

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