Au Mali, l’opposition durcit le ton face à une transition qui s’éternise

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Au Mali, l’opposition durcit le ton face à une transition qui s’éternise
Au Mali, l’opposition durcit le ton face à une transition qui s’éternise

Africa-Press – Mali. Les appels à l’organisation d’élections se multiplient au sein de la classe politique malienne, qui craint qu’Assimi Goïta ne se maintienne au pouvoir, comme l’y invitent les conclusions du récent dialogue intermalien.

Depuis l’avènement de la transition, en 2020, la classe politique s’est longtemps tenue silencieuse, dans l’attente d’une feuille de route censée mener aux élections. Alors qu’ont défilé les mois et les « chronogrammes », toutes les échéances électorales envisagées ont successivement été repoussées. Recommandations des Assises nationales de la refondation (ANR), adoption d’une nouvelle Constitution, sécurisation du territoire ou, plus récemment, « raisons techniques«… En près de quatre ans de régime militaire, les motifs invoqués par les colonels au pouvoir n’ont pas manqué.

À ce jour, la date de l’élection présidentielle n’est toujours pas fixée. Début mai, Assimi Goïta a même été invité par les recommandations du dialogue intermalien à se maintenir au pouvoir entre deux et cinq années supplémentaires. Bien que non exécutoires, ces recommandations pourraient permettre au chef de la junte de s’adjuger un mandat plus long que le quinquennat prévu pour un président élu.

Face à ce nouveau risque de prorogation, la classe politique a décidé de hausser le ton. À travers un communiqué conjoint, une vingtaine de partis et organisations ont dénoncé une « mascarade ». « Les recommandations du dialogue intermalien ont été préfabriquées et dictées par le sommet de l’État. Il devait s’agir d’un dialogue sur la paix, la sécurité et la réconciliation. On réalise désormais qu’il ne s’agissait que d’une excuse pour légitimer une prolongation de la transition », peste un cadre de l’Alliance pour la démocratie au Mali-Parti africain pour la solidarité et la justice (Adema- PASJ

Union de circonstance

Avec le parti des abeilles, nombre d’anciens adversaires politiques ont mis leurs différends de côté pour réclamer la fin de la transition. Ainsi, le M5-Mali Kura, qui avait férocement combattu l’ancien président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) dans la rue, cosigne le texte avec le Parena de Tiébilé Dramé, qui fut ministre des Affaires étrangères d’IBK, ou encore le parti Yelema, dont est issu l’ancien Premier ministre (lui aussi d’IBK) Moussa Mara.

« Pour la première fois, des partis politiques qui ne s’étaient pas parlé depuis le coup d’État se sont unis pour réclamer la fin de cette transition et l’organisation d’une élection présidentielle », se félicite un ancien ministre.

Une union de circonstance, qui fait écho à celle signée à l’occasion de la « Déclaration du 31 mars ». Ce jour-là, plus de 80 partis politiques et organisations de la société civile réclamaient d’une seule voix l’organisation sans délais d’élections, estimant que la période transitoire avait légalement pris fin le 26 mars. La réponse des autorités avait été brutale avec, le 10 avril, l’annonce de la suspension des activités des partis politiques, accusés de « subversion ».

« Le mécontentement a métastasé au Mali. Quand des forces politiques de l’ampleur de l’Adema ont commencé à hausser le ton, les militaires ont pris peur », croit savoir un responsable de la « ruche » (le surnom donné à la formation, qui fut longtemps le premier parti du Mali).

« Une sortie ordonnée »

Longtemps, pourtant, l’Adema s’est montrée conciliante avec le régime militaire. « En tant que première force politique du pays, nous avions estimé qu’il était de notre responsabilité d’accompagner la transition. Mais toutes nos suggestions ont été ignorées et il est devenu clair que les militaires avaient pour seul objectif de se maintenir au pouvoir », explique le cadre précité.

Interdits de rassemblements et d’activités à teneur politique, les partis cherchent désormais des voies de contournement. « Il y a une réelle détermination de la quasi-totalité des acteurs politiques et de la société civile. Les Maliens ne sont pas dupes face à la dégradation générale de la situation du pays, explique un ancien ministre d’Ibrahim Boubacar Keïta. Mais nous ne cherchons pas non plus à créer la pagaille ou les conditions d’un nouveau soubresaut. Nous voulons simplement une sortie ordonnée de la transition. »

Certaines coalitions, elles, sont prêtes à battre le pavé. C’est le cas de la Synergie d’action pour le Mali, composée d’une trentaine de partis et formations d’opposition, dont les partisans de l’influent imam Mahmoud Dicko, qui appelle à manifester le 7 juin contre les délestages électriques et la vie chère.

Institutions parallèles

Ce contexte de frémissement contestataire a aussi vu émerger un nouvel acteur: le Panel des démocrates maliens. S’appuyant essentiellement sur des citoyens maliens installés à l’étranger, le panel a posé les bases d’une « transition civile » composée d’un parlement et d’un gouvernement.

Des « institutions parallèles », dont on ne connaît pas encore la composition mais qui bénéficient du soutien de Cheikh Mohamed Chérif Koné. Le magistrat frondeur, radié pour ses critiques contre Assimi Goïta, pourrait bien devenir le Premier ministre de ce gouvernement parallèle, souffle-t-on au sein de la structure.

Face à une transition qui n’a « que trop duré » et à une situation générale « fortement dégradée », il s’agit de « réconcilier les Maliens avec la vie démocratique, de proposer des voies différentes à l’opinion publique et d’imprimer auprès de la conscience collective qu’un autre modèle et possible », explique Adaman Touré, constitutionnaliste et membre d’un parti politique à l’origine de l’initiative.

Proposant un modèle alternatif, basé sur une « monarchie parlementaire » à la tête de laquelle se succèderaient les autorités coutumières, le Panel fait déjà réagir à Bamako, où les autorités ont ouvert une enquête contre ce que la justice considère comme des « organisations dénuées de toute existence juridique [ayant] tenu dans le cyberespace des propos qui troublent l’ordre public ».

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