Africa-Press – Niger. Plus de deux mois après la prise de pouvoir des militaires au Niger, les États-Unis ont finalement qualifié, mardi, le putsch de « coup d’État » et annoncé la suppression de quelque 500 millions de dollars d’aide économique. Bien que réduit, le partenariat militaire n’est pour l’heure pas tout à fait rompu avec le pays, qui abrite une base militaire hautement stratégique pour Washington.
Plus de deux mois après la prise de pouvoir des militaires au Niger, les États-Unis ont finalement qualifié, mardi, le putsch de « coup d’État » et annoncé la suppression de quelque 500 millions de dollars d’aide économique. Bien que réduit, le partenariat militaire n’est pour l’heure pas tout à fait rompu avec le pays, qui abrite une base militaire hautement stratégique pour Washington.
C’est un tournant majeur dans la relation entre les États-Unis et le Niger, jusqu’ici son premier allié dans la région du Sahel. Washington a finalement reconnu, mardi 10 octobre, le « coup d’État » à Niamey, suspendant la majeure partie de ses programmes de soutien au pays, pour un montant avoisinant les 500 millions de dollars.
Après le putsch militaire du 26 juillet – marquant la fin abrupte de la présidence de Mohamed Bazoum au profit du général Tiani, jusqu’alors commandant de la garde présidentielle nigérienne – la diplomatie américaine s’était démarqué de la France et des partenaires régionaux du Niger, adoptant une position plus conciliante.
“Il s’agit à ce stade d’une tentative de prise de pouvoir par les militaires », déclarait toujours, le 8 août, le porte-parole du département d’État, estimant qu’un chemin vers la restauration de l’ordre constitutionnel était encore possible.
Comment expliquer aujourd’hui le retournement de la position américaine ? Marque-t-elle la fin de la coopération militaire entre Washington et Niamey ? France 24 fait le point.
Pilier américain de la lutte anti-jihadiste
La prudence des États-Unis vis-à-vis de la situation au Niger est tout d’abord liée au cadre légal qui régit l’aide octroyée par Washington aux pays tiers. Car la loi sur les crédits annuels du département d’État restreint de manière très stricte l’assistance fournie à un pays « dont le chef de gouvernement dûment élu est déposé par un coup d’État militaire ».
Or Washington a alloué ces dernières années plusieurs centaines de millions de dollars au pays, via des programmes d’aide au développement, mais aussi pour renforcer le partenariat militaire avec Niamey, considéré comme le pilier de la lutte anti-terroriste américaine dans la région.
Symbole de cet ancrage, l’ouverture en 2019 de la base militaire américaine 201 à Agadez, le principal pôle américain de renseignement et de surveillance au Sahel, dont on estime qu’elle aurait couté à Washington 100 millions de dollars. Quelques 1 100 soldats américains sont présents dans le pays.
La stratégie américaine vouée à l’échec ?
« Au départ la stratégie américaine était de rester coûte que coûte » explique Wassim Nasr, spécialiste des mouvements jihadistes à France 24. « Ils espéraient faire politiquement comme ils ont fait avec l’Égypte après le coup d’État du maréchal Abdel Fattah al-Sissi : ménager le nouveau pouvoir pour garder leur place ».
Conscients qu’ils ne pourraient maintenir longtemps une position ambiguë, les États-Unis avaient enclenché des négociations dans l’optique du retour rapide d’un gouvernement civil au pouvoir. Sans succès.
Dépêché début août à Niamey, l’émissaire américaine Victoria Nuland avait alors reconnu des discussions « assez difficiles » avec les nouvelles autorités. Elle n’avait pu voir ni le chef des putschistes, Abdourahamane Tiani, ni le président déchu, Mohamed Bazoum.
Pour le correspondant de France 24 à Washington, Matthieu Mabin, cette position n’était de toute façon pas viable. « Même si Mohammed Bazoum avait été rétabli dans ses fonctions, la coopération aurait de toute manière été interrompue jusqu’à la tenue d’un nouveau scrutin, puisque techniquement pour Washington il y a vacance du pouvoir ».
En tardant autant à reconnaitre le coup d’État au Niger, « le président des États-Unis a clairement enfreint les règles de sa propre diplomatie » souligne-t-il, puisqu’elle impose de dénoncer clairement « tout renversement par une force armée d’un leader partenaire et démocratiquement élu ».
Autre coup dur pour Washington, le rapprochement militaire entre le Niger et ses voisins putschistes au Mali et au Burkina Faso, qui ont conclu mi-septembre une alliance défensive « des États du Sahel ». Car pour les États-Unis, le maintien du partenariat militaire est aussi une manière de barrer la route à la Russie et en particulier aux milices de Wagner, présentes au Mali.
Isolationnisme « jusqu’au-boutiste »
L’annonce américaine intervient alors que la France a débuté le retrait de ses troupes, exigé par les nouvelles autorités, qui sont en cours de redéploiement au Tchad voisin. Dans un contexte de fortes tensions avec l’ONU, la junte a également ordonné le 11 octobre à sa coordonnatrice de quitter Niamey, dénonçant les « entraves » à la participation du Niger à l’Assemblée générale de l’organisation en septembre.
Autre évènement marquant, l’Algérie a suspendu, lundi, sa médiation initiée auprès de Niamey, basée sur une transition de six mois maximum. Alors qu’Alger avait indiqué avoir reçu l’accord du Niger, la junte affirme, de son côté, qu’il y a eu “incompréhension” et que les deux parties ne se sont pas accordées en amont sur “le contenu de l’initiative”.
“La position américaine, basée sur la préservation de sa présence militaire dans le pays, a évolué au gré des évènements” explique Thierry Vircoulon, chercheur associé au Centre Afrique de l’Institut français des relations internationales (Ifri). “Washington voit que la junte s’isole de plus en plus et comprend qu’il va être très compliqué, voire impossible, de traiter avec le nouveau pouvoir. Il faut dire que la stratégie d’isolation jusqu’au-boutiste du Niger, si l’on peut parler de réelle stratégie, est pour le moins obscure car le pays est complétement dépendant économiquement de ses alliés”.
La junte nigérienne a annoncé le 7 octobre une spectaculaire réduction de son budget national de 5 à 3 milliards d’euros, qu’elle impute aux sanctions internationales imposées après le putsch. Fin août, l’ONU a pour sa part alerté sur les risques de malnutrition infantiles “de plus en plus grands”, dans ce pays parmi les plus pauvres au monde, du fait de l’instabilité politique et de l’aggravation de la situation sécuritaire.
L’entre-deux américain
Pour l’heure, ni les États-Unis ni le Niger n’ont évoqué le départ des forces américaines du pays. Un responsable américain a indiqué que ces soldats n’assistaient plus et ne formaient plus activement les forces nigériennes mais continuaient à surveiller la menace jihadiste.
« Les États-Unis entendent poursuivre leur collaboration avec les gouvernements de la région, y compris le Niger, pour faire avancer leurs intérêts communs en Afrique de l’Ouest » peut-on lire dans le communiqué américain.
Washington a par ailleurs fait savoir qu’il maintenait « l’aide humanitaire, alimentaire et sanitaire », sans plus de détails quant au montant de ces aides. Un signe supplémentaire, pour le correspondant de France 24 à Washington, que les discussions continuent.
« Cela laisse penser que des négociations sont toujours en cours. Des négociations, qui bien entendu, côté américain, visent à préserver la puissance militaire américaine au Niger et notamment au travers de la base d’Agadez ».
Source: France 24
Pour plus d’informations et d’analyses sur la Niger, suivez Africa-Press