Que faut-il attendre du sommet de la Cedeao sur le Niger ?

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Que faut-il attendre du sommet de la Cedeao sur le Niger ?
Que faut-il attendre du sommet de la Cedeao sur le Niger ?

Manon Laplace

Africa-Press – Niger. Ce 10 décembre, les chefs d’État de l’organisation ouest-africaine se penchent de nouveau sur la situation à Niamey. Plus de quatre mois après le renversement de Mohamed Bazoum, la Cedeao continue de privilégier la voie diplomatique et le recours aux sanctions.

La médiation est en panne sèche. Quant à une intervention militaire au Niger, un temps envisagée pour réinstaller Mohamed Bazoum dans le fauteuil présidentiel, plus personne ne semble vraiment y croire. Dans le bras de fer qui oppose les putschistes nigériens du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) et la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), chaque camp semble ne rien vouloir céder à l’autre.

Depuis le coup d’État qui a renversé le chef de l’État nigérien, le 26 juillet, de lourdes sanctions économiques ont été imposées à Niamey. Un « défi injuste », selon les mots d’Ali Mahaman Lamine Zeine, Premier ministre nommé par la junte, que le Niger est tout de même « en mesure de surmonter », assurait-il dès le mois d’août.

Sous pression, le régime militaire nigérien a saisi la Cour de justice de la Cedeao afin de dénoncer les sanctions de l’organisation sous-régionale. Une requête jugée « irrecevable » par ses magistrats ce 7 décembre. « Une entité résultant d’un changement anticonstitutionnel de gouvernement et non reconnue par la Cedeao comme gouvernement d’un État membre ne peut pas, par nature, engager une procédure devant la Cour pour obtenir des avantages ou un sursis », a fait savoir l’instance judiciaire.

Condition sine qua non

Un désaveu pour les militaires au pouvoir à Niamey, qui intervient trois jours avant un nouveau sommet crucial des chefs d’État de la Cedeao sur le Niger. Ce dimanche 10 décembre, le président nigérian, Bola Tinubu, qui assure la présidence tournante de l’organisation régionale, recevra ses homologues à Abuja.

Le 20 octobre, les avocats de l’État nigérien ont rejeté les allégations de ceux de Mohamed Bazoum – ici, lors d’une rencontre avec les ministres français des Affaires étrangères et de la Défense à Niamey, en 2022 – selon lesquelles l’ex-président nigérien serait détenu arbitrairement.

Réaffirmant son soutien sans réserve au président Bazoum et son refus de reconnaître l’autorité du général Abdourahmane Tiani, le président de transition nigérien, la Cedeao accueillera plusieurs proches de Mohamed Bazoum pour représenter le Niger lors de ce sommet.

Ce 10 décembre, les chefs d’État de l’organisation ouest-africaine pourraient décider d’une reconduction ou d’un durcissement des sanctions économiques imposées au pays. Si la médiation reste la voie privilégiée, selon l’entourage de plusieurs présidents ouest-africains, la Cedeao continue d’exiger la libération de Mohamed Bazoum, de son épouse et de son fils, tous trois détenus à Niamey, comme un préalable aux négociations.

Une condition sine qua none de nouveau exprimée, début décembre, par le chef de la diplomatie du Nigeria, Yusuf Tuggar. « Nous demandons [au CNSP] de libérer Mohamed Bazoum pour qu’il puisse quitter le Niger. Il ne sera [alors] plus en détention. Il se rendra dans un pays tiers convenu d’un commun accord. Et ensuite, nous commencerons à parler de la levée des sanctions », avait-il déclaré lors d’un entretien télévisé.

Posture conciliante

Dans l’entourage du président Bazoum, on peine à croire que ce nouvel ultimatum puisse être respecté par la junte nigérienne. Jusqu’ici, toutes les tentatives de médiations de la Cedeao se sont heurtées au refus des putschistes de discuter. Ces dernières semaines, le CNSP a snobé plusieurs rendez-vous de méditation organisés par la Cedeao à Abuja. La junte nigérienne a préféré rencontrer – à plusieurs reprises – Faure Essozimna Gnassingbé, dont elle a officiellement demandé la médiation. La posture conciliante du président togolais à l’égard des putschistes sahéliens est peu appréciée de ses pairs de la Cedeao, dont certains estiment qu’elle parasite les discussions.

Ce jeudi 7 décembre, le chef de l’État togolais était d’ailleurs attendu à Niamey. Une visite annulée à la dernière minute et remplacée par le voyage, à Lomé, ce vendredi 8 décembre, du général Tiani.

Intervention armée

Le 10 décembre, « tous les scénarios devront de nouveau être évoqués », assure le collaborateur d’un chef d’État attendu à Abuja. Y compris celui de l’intervention armée, en cas d’échec des négociations.

Pourtant, comme le révélait Jeune Afrique en novembre, des centaines de soldats mis à disposition par le Bénin et la Côte d’Ivoire en vue d’une action armée au Niger, ont déjà été démobilisés. Pour autant, le Nigeria, qui fournirait le plus gros des troupes en cas d’intervention, n’aurait pas totalement renoncé à cette option militaire qu’il continue de considérer comme un ultime recours.

« Personne n’a jamais dit que l’intervention était notre premier choix. Toutes les options évoquées visaient à mettre la pression sur les militaires afin de parvenir à un consensus », confiait récemment Abdel-Fatau Musah, commissaire aux Affaires politiques de la Cedeao, assurant que l’organisation n’entendait pas adopter une position plus conciliante à l’égard des putschistes.

Plus fragile que jamais

Si elle piétine depuis plus de quatre mois, la résolution du cas nigérien pourrait être déterminante pour l’avenir de la Cedeao. Incapable d’imposer son autorité aux transitions malienne, guinéenne et burkinabè, et en perte d’influence en Afrique de l’Ouest, l’organisation est plus fragile que jamais.

Fin novembre, deux événements sont venus renforcer les craintes des présidents civils ouest-africains. Le 26 novembre, Freetown, la capitale de la Sierra Leone a été secouée par des coups de feu, présentés comme une tentative de coup d’État par les autorités. Quatre jours plus tard, c’était au tour de la capitale de la Guinée-Bissau d’être le théâtre d’affrontements entre la Garde nationale et l’armée. Une nouvelle tentative de putsch, selon l’exécutif bissau-guinéen.

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