Anouar CHENNOUFI
Africa-Press – Niger. Les trois pays qui composent la nouvelle confédération, à savoir les pays du Sahel africain (Niger, Mali et Burkina Faso), subissent des actes terroristes successifs, qui ont fait des dizaines de morts et de blessés. C’est ainsi que les capitales, Niamey, Bamako et Ouagadougou, sont confrontées à des défis économiques, sociaux et militaires, en raison de l’insécurité dans la région et de la multiplication des attaques perpétrées par les organisations d’Al-Qaïda et de Daech.
Dans ce contexte, plusieurs sources estiment que « l’OR et l’URANIUM sont à l’origine du conflit et des attaques répétitives contre les trois pays: Niger, Mali et Burkina Faso », qui ont été soumis récemment à plusieurs actes terroristes majeurs, ayant entraîné la mort et des blessures de plusieurs dizaines de soldats et de civils.
Ces actes terroristes, qui ont visé particulièrement les forces de sécurité et militaires des trois pays, ont commencé à se multiplier avec le retrait des forces américaines et françaises de leurs bases implantées dans ces pays.
Néanmoins, il faut avouer que la région sahélo-saharienne, en particulier les pays de la Confédération des Etats du Sahel, est témoin d’un conflit entre la Russie, qui soutient politiquement, économiquement et militairement ses gouvernements et ses régimes, et qui cherche une nouvelle influence sur le continent africain pour restaurer les gloires de l’Union soviétique (ex-URSS effondré le 26 décembre 1991), et entre la France et les Etats-Unis d’Amérique, déjà présents dans la région depuis des décennies.
• Importance stratégique de la région africaine du Sahel
La situation de la région africaine du Sahel, entre un vaste désert et de vastes ressources énergétiques sous ses sables dispersés, et entre la région de savane densément boisée, riche en d’énormes et diverses ressources naturelles telles que le « pétrole, l’or, le cuivre, l’uranium et le gaz naturel, ainsi que des ressources agricoles, d’élevage et autres », n’a pas été exploitée de manière optimale pour que les peuples de cette région puissent en profiter.
Tout cela a donné à la région une importance accrue en termes de dimensions géostratégiques, géopolitiques et économiques, qui sont de la plus haute importance pour les personnes influentes aux niveaux régional et international.
D’un point de vue géographique, la côte africaine gagne en importance à l’échelle mondiale et pas seulement à l’échelle de l’Afrique. Elle est considérée comme un pont terrestre reliant les deux continents américains et l’océan Atlantique, en passant par la Corne de l’Afrique, l’océan Indien, la mer Rouge et le golfe Persique. En plus d’être la principale route des caravanes commerciales qui reliaient le nord du continent à son sud et à son ouest tout au long de l’histoire.
• Le Sahel africain et le conflit entre puissances internationales entre motivations et conséquences
Il faut dire qu’après la fin de la guerre froide, des changements fondamentaux et radicaux se sont produits dans le monde à différents niveaux sécuritaire, militaire, politique, économique et social. Ces changements ont modifié la structure du système mondial et lui ont imposé des interactions de nature dynamique et à dimensions multiples. Au lieu que l’État demeure en tant qu’acteur central et influenceur sur les questions de sécurité nationale dans les relations internationales, les questions de sécurité nationale sont désormais soumises aux décisions de certaines institutions internationales, organisations de la société civile, groupes ethniques et blocs régionaux, qui ont un impact particulier sur les relations internationales.
Le concept de sécurité lui-même a pris, d’une manière ou d’une autre, un caractère pluraliste et une dimension internationale. La question de la sécurité nationale n’a pas été abordée séparément de la sécurité alimentaire, de la sécurité sanitaire, de la cyber-sécurité, de la sécurité régionale et de la sécurité internationale. Parfois, il est nécessaire de prendre en compte la sécurité des pays voisins et des pays de la région pour parvenir à la sécurité nationale.
C’est pourquoi, la région africaine du Sahel, puisqu’il s’agit d’elle particulièrement, est considérée comme l’une des régions les plus importantes soumise à une escalade d’interactions politiques internationales et multilatérales, et ce, en raison de la propagation des menaces sécuritaires et des crises aux dimensions régionales et internationales, telles que les groupes armés, le terrorisme, le trafic d’armes, la migration clandestine, etc.
Ceci dit, beaucoup n’accordent pas assez d’importance aux motivations et aux conséquences des conflits entre puissances internationales dans la région africaine du Sahel, ni même identifier les pays les plus importants en conflit et les mécanismes utilisés pour ce faire.
• Les puissances internationales en compétition pour la région du Sahel
De facto, la situation stratégique de la région africaine du Sahel et son abondance de ressources naturelles et minérales, a fait saliver les grandes puissances et a fait de la région un sujet de grand intérêt dans leurs agendas expansionnistes, et c’est ainsi qu’un conflit à différents niveaux s’est formé entre ces pays, dont chacun n’a cherché qu’à imposer sa présence « physiquement ou par procuration » afin d’obtenir une part de ressources naturelles (mieux encore du gâteau), ou une position d’ancrage qui lui permettrait d’acquérir une influence politique dans un laps de temps spécifique ou parfois infini, comme la France et ses alliés occidentaux.
• L’OR: ce métal jaune si précieux et convoité par tous
Des groupes politico-militaires qui se sont opposés ou s’opposent encore à l’Etat cherchent à s’accaparer des ressources aurifères des pays du Sahel en particulier. En prenant le contrôle de mines d’or ou en assurant la sécurité des sites et des routes d’évacuation de ce minerai de grande valeur, ces groupes (ou certains de leurs membres) peuvent y trouver un moyen de financement.
C’est déjà le cas dans la région de Kidal (Mali), bastion de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), une alliance de groupes rebelles formée en octobre 2014 qui compte plusieurs milliers de membres, et à un moindre degré dans le Djado (Niger), où évoluent des groupes armés rebelles et trafiquants circulant entre le Niger, le Tchad et la Libye.
Les Etats sahéliens et des organisations internationales, comme l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), s’alarment du risque d’accaparement par les groupes armés et rebelles de ressources aurifères dans des zones où l’autorité des institutions étatiques est faible, voire absente. Alors que les rançons des prises d’otage, source importante de revenus pour ces groupes au Sahel, se raréfient, l’or peut constituer pour eux un nouvel enjeu, soit un atout à des fins de financement mais également de recrutement. Ce risque est d’autant plus élevé que les orpailleurs considèrent parfois la présence des groupes armés comme étant une aubaine, et non comme une menace.
Il importe de rappeler que le boom aurifère au Sahel ouvre de nouvelles perspectives, notamment en matière d’emplois, et suscite de nombreux défis environnementaux, sanitaires, sociaux et sécuritaires. Le risque sécuritaire est particulièrement élevé dans un contexte régional où la faiblesse de l’Etat favorise le développement de groupes armés, y compris extrémistes, qui mènent des opérations de sécurité sur les sites d’extraction et/ou taxent les exploitants à la place des pouvoirs publics.
• L’URANIUM: ce minerai vital pour le nucléaire pour lequel courent derrière les grandes puissances
L’uranium est vital pour l’industrie nucléaire. Si les gisements sont répartis à travers le monde, la production est limitée à quelques pays, dont plusieurs en Afrique.
La demande d’uranium devrait connaitre entre 2021 et 2030 une croissance de 27%, puis grimper de 38% entre 2031 et 2040. Selon un rapport publié en mars 2023 par Ecofin Pro, la plateforme de l’agence Ecofin dédiée aux professionnels de plusieurs secteurs.
La Namibie, le Niger, l’Afrique du Sud, le Malawi et la Mauritanie sont les cinq pays africains les mieux placés à l’heure actuelle pour profiter des nouvelles opportunités du marché uranifère.
A vrai dire, l’uranium africain se dirige vers un nouvel âge d’or, et les trois premiers pays cités font partie du top 10 des pays détenant les plus grandes ressources du combustible nucléaire. La Namibie et le Niger sont les plus grands producteurs d’uranium du continent, et devraient le rester sur les prochaines années.
Jetons un coup d’œil sur la répartition des réserves exploitables d’uranium par pays en 2022 (en %):
29,2% Australie
9,5% Russie
8,7% Canada
8,3% Kazakhstan
7,4% Namibie
6,7% Niger
4,1% Afrique du Sud
3,3% Inde
2,8% Chine
2,1% Ukraine
Et 17,9% dans le reste du monde.
Depuis la découverte puis l’exploitation de l’uranium dans certains pays du Sahel africain, dont le Niger, s’observe une tendance à la corrélation entre la violence politique et armée dans cet État et la demande internationale d’uranium par l’industrie du nucléaire.
Une filière de puissance et de souveraineté structurellement et stratégiquement tributaire de cette matière fissible dont le Niger détient, à Arlit, la plus grande mine du monde.
Ainsi, et à la faveur de la hausse des cours mondiaux d’uranium, les nouvelles autorités du Niger comptent bien utiliser de manière plus importante cette richesse nationale afin de garantir d’importantes rentrées de devises étrangères. Elles pourraient être tentées de le vendre au plus offrant, dont l’Iran évidemment.
Dans le cadre de compétition autour de l’uranium, les Etats-Unis et probablement le Canada, sont particulièrement inquiets de l’arrivée de l’Iran comme potentiel client de l’uranium du Niger, des interrogations apparaissent sur les motifs de celles-ci, car le programme nucléaire iranien n’est peut-être pas la seule et unique raison.
• Le mot de la fin
Outre l’OR et l’URANIUM, il convient de rappeler que le contexte général dans les pays sahéliens est caractérisé par des crises multiples aux temporalités différentes qui s’accumulent, se croisent, et créent un environnement propice à l’intervention de puissances extérieures qui saisissent le moment pour s’affirmer.
Ce contexte caractérisé par de nombreuses crises est un terreau fertile pour des puissances étrangères qui tentent de s’implanter et d’influencer ces pays, notamment au plan religieux, sans oublier de mentionner bien évidemment certaines puissances, dont la Russie directement ou via la milice Wagner, qui veulent également positionner leurs pions. Il s’agit ici d’une influence politique, diplomatique, mais aussi économique du fait de l’exploitation de mines d’or et d’usines par exemple, qui implique d’autres puissances telles que la Chine, ou les pays de l’Occident, aussi bien que la Turquie.
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