
Africa-Press – Niger. Le nord du Bénin, confronté à des attaques djihadistes de plus en plus meurtrières, paie le prix fort d’une coopération sécuritaire défaillante entre ce pays du golfe de Guinée et ses voisins sahéliens, le Burkina Faso et le Niger, qui ouvre la voie aux islamistes, selon des experts interrogés par l’Agence France-Presse (AFP).
Les assauts contre l’armée béninoise se sont intensifiés ces derniers mois dans le nord du pays où une attaque djihadiste a fait 54 morts la semaine dernière dans les rangs des militaires, le plus lourd bilan officiel dans cette région de plus en plus ciblée par des islamistes venant du Burkina Faso et du Niger.
« Si le Bénin fait des efforts en solo et que de l’autre côté il n’y a pas de répondant, il restera en crise avec des groupes terroristes qui auront trouvé un eldorado à ses frontières », fait observer à l’AFP le chercheur béninois Emmanuel Odilon Koukoubou, politologue au cercle de réflexion Civic Academy for Africa’s Future.
Constat partagé par les autorités béninoises. « Notre situation serait autrement plus facile si nous avions une belle coopération avec les pays qui nous entourent », a souligné mercredi 23 avril le porte-parole du gouvernement béninois, Wilfried Léandre Houngbédji. « Si de l’autre côté de la frontière il y avait un dispositif [sécuritaire] au moins comme le nôtre, ces attaques ne se dérouleraient pas de cette façon ou ne se produiraient même pas », a-t-il insisté.
Le Sahel, épicentre du « terrorisme »
Le Burkina Faso et le Niger, dirigés par des juntes militaires souverainistes qui ont tourné le dos à l’Occident, accusent le Bénin d’abriter des bases militaires étrangères en vue de les déstabiliser. Ce que Cotonou nie. Conséquence: une coopération militaire défaillante entre le Bénin et ses deux voisins sahéliens sur fond de brouille diplomatique.
La région du Sahel est l’épicentre du « terrorisme » avec plus de la moitié des décès dans le monde en 2024, selon le dernier indice mondial du terrorisme publié en mars. Le Burkina Faso reste le pays le plus touché au monde pour la deuxième année consécutive et le Niger occupe le cinquième rang mondial.
« La présence accrue de djihadistes dans le sud du Burkina Faso et du Niger, la capacité limitée des forces armées sahéliennes le long des frontières ont permis aux groupes djihadistes de créer des cellules dans des territoires tels que le nord du Bénin », explique à l’AFP Beverly Ochieng, analyste à Control Risks.
Les zones forestières des parcs du W et de la Pendjari, aux frontières du Burkina Faso et du Niger, « fournissent une couverture supplémentaire pour les activités djihadistes car, avec une surveillance aérienne limitée, les islamistes sont en mesure de se déplacer dans ces zones sans être détectés », ajoute Mme Ochieng.
« Nécessité d’une coopération »
Le Groupe de soutien de l’islam et des musulmans (GSIM), affilié à Al-Qaida, a revendiqué l’attaque du 17 avril dans le parc national du W, qui a causé la mort de 54 militaires. C’est le groupe « le plus influent » dans le nord du Bénin, « car il y a une continuité sociologique, ethnique et territoriale avec le sud du Burkina Faso, qui échappe au contrôle de cet Etat », explique Lassina Diarra, directeur de l’Institut de recherche stratégique de l’Académie internationale de lutte contre le terrorisme de Jacqueville, près d’Abidjan.
Selon Beverly Ochieng, « il est probable que le GSIM veuille utiliser cette zone pour encercler le Burkina Faso, renforçant ainsi son influence et sa présence ». Jeudi, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a réitéré « l’impérieuse nécessité d’une coopération indispensable et renforcée entre tous les Etats membres ».
Mais la tâche semble ardue dans une Afrique de l’Ouest plus que jamais fracturée. Le Burkina Faso, le Niger et le Mali se sont retirés de la Cedeao, qu’ils estiment notamment inféodée à la France, pour se réunir dans la confédération de l’Alliance des Etats du Sahel (AES). Ils ont créé une armée unifiée et mènent des opérations antidjihadistes conjointes de leur côté, sans collaboration avec certains pays du golfe de Guinée, comme le Bénin et la Côte d’Ivoire, accusés d’être trop pro-Occidentaux.
Mais l’AES coopère avec le Togo et le Ghana depuis l’élection du président John Dramani Mahama en décembre 2024. Le Nigeria, de son côté, multiplie les efforts diplomatiques pour une reprise de la coopération sécuritaire avec le Niger, qui patine depuis le coup d’Etat de juillet 2023.
Pour les analystes, le Bénin doit adosser l’approche militaire au volet social, en renforçant des initiatives de développement communautaire pour prévenir un recrutement massif de Béninois dans les groupes djihadistes. « Toutefois, cela restera difficile sans la coopération du Sahel, car c’est là que se trouve la racine de l’insurrection [djihadiste] », prévient Mme Ochieng.
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