Algérie et Niger… vers un Retour à la Normale des Relations ?

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Algérie et Niger… vers un Retour à la Normale des Relations ?
Algérie et Niger… vers un Retour à la Normale des Relations ?

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Niger. La visite d’une délégation nigérienne de haut niveau, conduite par le Premier ministre Ali Mahaman Lamine Zeine en Algérie, est porteuse d’une volonté bilatérale de sortir de l’impasse qui a terni les relations des deux pays voisins au cours de la période écoulée. D’ailleurs, il s’agit d’une visite qui constitue une opportunité pour l’Algérie d’intégrer la nouvelle alliance lancée par les trois pays du Sahel, dont fait partie le Niger.

D’aune part, c’est probablement dans cette optique, et pour bien d’autres raisons d’intérêts communs et régionaux, que la visite du Premier ministre nigérien en Algérie a été programmées pour venir confirmer que les deux pays amis et frères ont rétabli leurs relations normales, après une période de crise passagère qui a suivi le coup d’État perpétré contre le président Mohamed Bazoum et les développements ultérieurs qui ont assombri la région du Sahel dans son ensemble.

D’autre-part, la visite intervient dans un contexte régional tendu, qui a conduit à une escalade armée entre l’armée malienne, appuyée par les forces russes Wagner et la Turquie, avec les factions armées de l’Azawad proches de la frontière terrestre commune, et des tensions dans le conflit algéro-russe en raison du conflit sur les nouveaux rôles dans la région.

Les observateurs des affaires régionales estiment que le gouvernement nigérien souhaite traiter avec souplesse avec l’Algérie afin de préserver ses intérêts avec son plus grand voisin du nord, tandis que l’Algérie tente, à travers le lien restant avec l’État du Niger, d’atténuer la poigne de fer poursuivie par la junte militaire au pouvoir à Bamako.

Il importe de noter qu’il s’agit de la première visite de ce genre effectuée par un aussi haut responsable du Niger, actuellement dirigé par un régime militaire, sachant que le Premier ministre nigérien s’est entretenu longuement avec le président algérien Abdelmadjid Tebboune et lui a remis en cette occasion un message personnel du chef du Conseil militaire, le général Abdourahamane Tiani.

• Contacts fructueux entre les deux Premiers ministres

Les deux Premiers ministres nigérien et algérien « Ali Mahaman Lamine Zeine » et « Nadir Larbaoui »

Dès son arrivée la veille à Alger, le Premier ministre nigérien Ali Mahaman Lamine Zeine, a eu un tête-à-tête avec son homologue algérien Nadir Larbaoui, et au cours de leur entretien les deux hommes ont échangé des points de vue sur les relations entre les deux pays et les moyens de les développer.

Dans son speech, Larbaoui a souligné « l’importance particulière que le président Abdelmadjid Tebboune attache au développement des relations bilatérales avec la République sœur du Niger », mettant l’accent sur les relations fraternelles et historiques qui unissent les deux pays et peuples frères.

Le P.M algérien a souligné l’importance de « la coopération bilatérale, que les deux pays aspirent à porter à de meilleurs niveaux dans le cadre de mécanismes bilatéraux et à travers l’échange de visites de haut niveau, dans le but de mettre en œuvre les programmes de coopération existants et de mener à bien des projets de développement conjoints ».

De son côté, le Premier ministre nigérien a affirmé que sa visite en Algérie, accompagnée d’une importante délégation ministérielle, « est d’une grande importance », tout en exprimant sa « fierté d’être en Algérie, qui a toujours eu un rôle déterminant pour accompagner son pays dans ses efforts de développement et ses attitudes positives à l’égard de la République du Niger, surtout dans les moments les plus difficiles qu’elle a traversés ».

• Mégaprojet du Gazoduc transsaharien (TSGP) impliquant l’Algérie, le Niger et le Nigéria

Nous devons constater que le projet le plus important qui soit entouré d’une immense dimension régionale qui relie l’Algérie au Niger et au Nigeria, est probablement le « gazoduc transsaharien (TSGP) », au sujet duquel la dernière réunion ministérielle entre les trois pays s’était déroulée au mois de juillet 2022, à Alger.

Par ailleurs, on peut dire que cette visite fait suite à l’initiative de l’Algérie d’envoyer, il y a un peu plus d’une semaine, son ministre de l’Energie, Mohamed Arkab (en poste depuis le 1er Avril 2019), accompagné du directeur général de l’illustre groupe algérien « Sonatrach », au Niger, où plusieurs projets y ont été convenus, dont le plus important était le retour de Sonatrach au Niger.

La visite d’Arkab a été l’occasion de réintroduire tous les projets communs entre les deux pays, qui représentent un grand espoir pour développer la région du Sahel et lui faire profiter de ses richesses à exploiter dans le domaine du développement.

Entre-autres, parmi les sujets abordés, les deux parties ont évoqué l’évaluation des derniers développements des activités de Sonatrach en République du Niger au niveau du champ pétrolier de Kafra, après la signature en février 2022 (avant le coup d’État) d’un contrat d’actualisation et de renouvellement du contrat conclu en 2015, qui vise à assurer une meilleure évaluation des réserves disponibles d’hydrocarbures au niveau de la zone de Kafra, en fonction des gisements découverts lors des opérations d’excavation.

Le ministre algérien de l’Energie, Mohamed Arkab avait évoqué « la disposition de l’Algérie à transférer son expérience et son savoir-faire à la partie nigérienne et à l’accompagner dans le développement de son industrie pétrolière ». Il a également souligné l’intérêt de son pays pour le domaine de la formation des pneumatiques nigériens dans les instituts algériens spécialisés.

Arkab avait suggéré « de poursuivre les réunions de coordination pour étudier les aspects du projet » et de renouveler « l’engagement des trois pays à poursuivre et achever le travail des équipes d’experts pour concrétiser ce projet stratégique », et d’affirmer avec force la volonté des parties participantes d’avancer dans sa réalisation.

• Le TSGP: un projet en cours d’achèvement

Il importe de noter que l’Algérie, le Nigeria et le Niger sont convaincus de l’importance du projet de gazoduc transsaharien au regard de son impact positif sur le développement social et économique des trois pays, ainsi que sur la zones de transit, « dans un contexte géopolitique et énergétique particulier, caractérisé par une forte demande en carburants, notamment en gaz naturel ».

C’est pourquoi, malgré les nombreux obstacles qui ont été franchis, il ne reste plus que 1 800 kilomètres sur les 4 000 kilomètres de ce gazoduc. L’Algérie s’est engagée à achever la partie liée à l’État du Niger, qui est située au cœur du projet, levant ainsi les dernières entraves qui faisaient obstacle à son déroulement, compte tenu de son coût élevé, que l’État du Niger pourrait ne pas supporter, en tant que pays « corridor » du projet.

Quant au Nigeria, pays en amont du gazoduc, il est considéré comme l’un des pays producteurs de gaz les plus importants du continent africain, et l’Algérie, considéré comme étant le pays en aval de ce projet, elle dispose d’une infrastructure solide dans le domaine du raffinage du gaz et de son exportation via des pipelines déjà prêts, notamment vers l’Italie et l’Espagne et de là vers le reste des pays européens. Une fois que le projet soit mis en œuvre, il devrait transporter 30 milliards de mètres cubes par an, ce qui signifie doubler les exportations de l’Algérie.

• Le point sécurité était du ressort des généraux: Saïd Chengriha (Algérie) et Salifou Modi (Niger)

Les généraux Saïd Chengriha (Algérie) et Salifou Modi (Niger)

L’Algérie et le Niger partagent des défis communs à leurs frontières, dont les plus importants sont la lutte contre le terrorisme, la prévention de la propagation des groupes armés et des bandes organisées, la lutte contre les groupes de passeurs et la lutte contre le phénomène du trafic d’êtres humains.

C’est dans cette optique que, sur le plan militaire et sécuritaire, devenu une pierre angulaire importante dans les relations des pays de la région, le chef d’état-major de l’armée algérienne, le général de corps d’armée Saïd Chengriha, s’était entretenu avec le ministre d’État et ministre de la Défense nationale de la République du Niger, le général Salifou Modi.

Saïd Chengriha a considéré que cette visite constitue une preuve de la volonté des deux parties de renforcer la coordination sécuritaire et la coopération militaire bilatérale entre les armées des deux pays, et a souligné que son pays, attaché aux principes établis, est convaincu que la résolution des problèmes internes des pays du continent africain ne peut être obtenue qu’à l’intérieur, grâce aux compétences, aux capacités et aux forces vives des pays du continent.

Pour sa part, le général Salifou Modi a souligné que « le consensus de visions des deux parties sur toutes les questions de sécurité abordées dans les entretiens bilatéraux », et son espoir de « renforcer les relations de coopération » entre son pays et l’Algérie, qui, a-t-il souligné, « reposent sur la consultation et le respect mutuel ».

• Le Niger a réellement besoin de l’Algérie

Le président Abdelmadjid Tebboune lors d’entretiens élargis avec la délégation nigérienne conduite par le PM Ali Mahaman Lamine Zeine

A l’issue des entretiens qui ont duré deux heures, malgré l’agenda chargé du président Abdelmadjid Tebboune, le Premier ministre nigérien Ali Mahaman Lamine Zeine a affirmé que la réunion a permis de lever les zones d’ombre qui peuvent exister entre les deux pays, indiquant que « les précisions du Président Tebboune nous ont profondément touchés et nous les transmettrons au Président Nigérien ».

Il faut tout de même reconnaître que le Niger est un pays riche en ressources naturelles et l’Algérie, forte de son expérience, peut jouer un rôle majeur dans son développement au bénéfice des deux peuples.

L’émissaire nigérien a souligné également que la réunion avait pour objectif de passer en revue les aspects de la coopération entre les deux pays, assurant à cet effet qu’elle a abouti à des accords politiques communs sur « les trois valeurs fondamentales sur lesquelles repose la coopération entre l’Algérie et le Niger, qui sont:
-/- le bon voisinage en vertu de nos longues frontières communes,
-/ la fraternité
-/- et l’amitié ».

Pour rappel, le Premier ministre du Niger était accompagné lors de sa visite de huit ministres du gouvernement nigérien, menés par les ministres de l’Industrie, du Commerce, des Transports et de l’Equipement, ce qui lui confère un caractère économique, outre le ministre de la Défense, le général Salifu Modi.

• Et si l’on revenait sur l’origine de la crise ?

Depuis le coup d’État dont le Niger a été témoin en juillet 2023, les relations algéro-nigériennes ont connu plusieurs secousses, dont la plus marquante a été la position volatile du gouvernement nigérien face à l’initiative de réconciliation proposée par l’Algérie et mobilisée en faveur de celle-ci au niveau international.

En octobre dernier, la déclaration officielle algérienne sur l’acceptation par le Niger d’une médiation algérienne pour résoudre politiquement la crise dans ce pays a suscité une réaction rapide des autorités de Niamey, qui ont déclaré rejeter les interprétations qui ont accompagné cette annonce quant à la durée de la période de transition proposée dans le Initiative algérienne. A ce propos, les déclarations de responsables nigériens qui ont suivi attaquaient vivement l’Algérie et l’accusaient même d’ingérence dans ses affaires intérieures.

Cette crise a pris de l’ampleur lorsque des manifestations sont devenues plus apparentes après que l’Algérie a procédé à des expulsions de migrants irréguliers vers l’État du Niger, ce qui a incité les autorités de Niamey à convoquer l’ambassadeur d’Algérie pour protester et l’informer que « ces opérations ont été menées dans des conditions de non-respect des règles et d’une manière portant atteinte à la dignité et à la sécurité des ressortissants nigériens et de leurs biens ». L’Algérie a répondu en convoquant de la même manière son ambassadeur du Niger, lui rappelant qui’« il existe un cadre bilatéral dédié à cette question liée à l’expulsion des clandestins ». Il a également attiré son attention sur le fait que ce cadre doit rester l’espace privilégié pour discuter et aborder toutes les données et toutes les évolutions liées à cette problématique.

Pour rappel, le président algérien Abdelmadjid Tebboune avait déclaré il y a quelque temps, en réponse aux tensions avec les pays du Sahel, que l’Algérie ne s’était jamais imposée au Mali et au Niger et les traitait depuis l’indépendance sur la base du « principe de bon voisinage ».

Il a souligné également que si les parties au Mali ou au Niger rejettent aujourd’hui les performances de l’Algérie, elles ont toute la liberté pour gérer les affaires de leur pays, réitérant que l’Algérie n’a jamais été un Etat colonial ou un exploiteur de richesses ou de pays, « mais traite plutôt en partant du principe que nous sommes des pays frères ».

D’ailleurs, depuis que le Niger a rejoint l’Alliance du Sahel, composée du Mali, du Niger et du Burkina Faso, soutenu par la Russie, le Niger a fait preuve de flexibilité dans ses relations avec l’Algérie, contrairement à d’autres gouvernements qui ont engagé des débats politiques et diplomatiques avec elle, notamment le Mali qui a annoncé la fin de l’accord de réconciliation nationale que l’Algérie parraine depuis l’année 2015, et est entrée dans une rupture sans précédent, puisqu’elle a été classée sur la liste des pays avec lesquels il n’est pas souhaitable de coopérer, comme c’est le cas avec la France et les États-Unis.

On peut effectivement dire que la crise d’octobre 2023 entre l’Algérie et le Niger est terminée et est devenue un mauvais souvenir du passé.

• Pour un avenir bilatéral prospère et des horizons fructueux

Le Niger cherche à accroître ses échanges commerciaux avec l’Algérie et à sécuriser ses besoins énergétiques auprès de ce grand pays d’Afrique du nord, après:
-/- la décision prise par le Bénin de fermer ses frontières terrestres avec le Niger,
-/- la suspension par le Nigeria de l’approvisionnement de Niamey en électricité et en énergie,
-/- et les répercussions des sanctions décidées par le groupe de la CEDEAO à l’encontre du Niger depuis le coup d’État perpétré contre le président Mohamed Bazoum, en 2023.

Dans ce contexte, le Premier ministre nigérien a réitéré « l’importance des projets structurants communs en plus de ceux alloués par l’Agence algérienne de coopération internationale pour la solidarité et le développement sous les hautes directives du président Abdelmadjid Tebboune ».

Il a également souligné l’importance des discussions qu’il a eues avec son homologue algérien, au cours desquelles les deux parties ont exprimé leur intention de redynamiser les relations commerciales et économiques et de lancer des projets communs, et dans ce contexte, il a évoqué les partenariats économiques et les événements commerciaux entre les deux pays, comme l’exposition qui se tient chaque année à Tamanrasset, et le projet de zone de libre-échange entre l’Algérie et le Niger, dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine « ZELICAF ».

Le mot de la fin

Pour terminer ce dossier, nous devons admettre que l’Algérie, qui a rejeté en août 2023 une demande de Paris visant à autoriser les avions français à utiliser l’espace aérien algérien en prévision d’une opération militaire imminente au Niger, est très satisfaite de l’expulsion des soldats français comme américains du territoire nigérien, qui étaient tout de même considérés comme une « bombe à retardement » aux frontières algéro-nigériennes.

En effet, ce jour-là, l’Algérie, qui a toujours été opposée à l’usage de la force, n’a pas répondu à la demande française de traverser l’espace aérien algérien pour attaquer son voisin le Niger, et sa réponse a été stricte et claire.

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