Au Niger, Emmanuel Macron abandonne son intenable position

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Au Niger, Emmanuel Macron abandonne son intenable position
Au Niger, Emmanuel Macron abandonne son intenable position

Benjamin Roger

Africa-Press – Niger. Après deux mois d’intense bras de fer avec la junte au pouvoir à Niamey, la France a annoncé le rappel imminent de son ambassadeur et le retrait de ses 1 400 soldats basés au Niger d’ici la fin de l’année.

Terminé les rations de combat, les saisies de croissants par la junte ou encore les poulets dissimulés sous des capots de voitures. Dans quelques heures, Sylvain Itté, le représentant de la France au Niger, aura quitté l’ambassade de Niamey où il vivait reclus depuis que les putschistes l’ont déclaré persona non grata, le 26 août dernier.

La fin d’une impossible mission, décrétée le 24 septembre par Emmanuel Macron après deux mois de bras de fer entre Paris et Niamey. « La France a décidé de ramener son ambassadeur. Dans les prochaines heures, il rentrera en France avec plusieurs diplomates », a déclaré le président français dans une interview télévisée.

Dans le sillage de l’ambassadeur, les près de 1 400 militaires français présents au Niger feront leur paquetage « d’ici la fin de l’année » et de « manière ordonnée », a ajouté Emmanuel Macron. « Nous mettons fin à notre coopération militaire avec les autorités de fait du Niger, car elles ne veulent plus lutter contre le terrorisme », a-t-il précisé.

Ligne dure

Depuis le coup d’État du général Abdourahamane Tiani, le 26 juillet, la France refuse de reconnaître les putschistes et considère le président Mohamed Bazoum – toujours détenu dans sa résidence et qu’Emmanuel Macron a pris soin d’appeler pour l’informer de son choix – comme la seule autorité légitime au Niger.

De son côté, la junte au pouvoir à Niamey n’a cessé de hausser le ton face à l’ancienne puissance coloniale. Outre l’expulsion de l’ambassadeur, elle a rompu les accords de défense qui liaient le Niger et la France, et exigé le départ des troupes françaises présentes dans le pays. Ces dernières semaines, plusieurs manifestations ont réuni des milliers de personnes devant la base française à l’aéroport de Niamey.

Après avoir fait le pari d’une ligne dure dans le dossier nigérien, Macron a donc fini par plier. « On a tenu le plus longtemps possible, mais la situation n’était plus tenable, glisse une source diplomatique à Paris. Nous ne pouvions plus maintenir notre ambassadeur et son équipe dans de telles conditions. »

Idem pour les quelque 1 000 militaires cantonnés depuis fin juillet à la Base aérienne projetée (BAP) de Niamey, et les 400 autres répartis entre les bases avancées de Ouallam et Ayorou, dans la zone « des trois frontières » (Niger-Burkina Faso-Mali). Contraints de rester dans leurs camps, déployés dans des conditions de plus en plus difficiles – parfois sans électricité, avec un ravitaillement en eau et en vivres aléatoire –, certains soldats et leurs officiers ne cachaient plus leur mécontentement et leur incompréhension face aux choix politiques de leurs gouvernants.

L’hypothèse d’une intervention de la Cedeao s’éloigne

Si la France a finalement décidé de lâcher, c’est aussi parce que la perspective d’une intervention militaire de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), qu’elle soutient ouvertement depuis son évocation début août, semble chaque jour s’éloigner un peu plus.

Après avoir adopté un ton très martial et promis la foudre à la junte nigérienne si elle ne rendait pas le pouvoir, le président en exercice de l’organisation régionale, Bola Tinubu, chef de l’État nigérian, se montre désormais nettement moins offensif. Investi en mai, il est en effet confronté à des résistances internes – tant au Parlement qu’au sein de la chefferie traditionnelle du Nord – et sait qu’une intervention militaire au Niger voisin pourrait lui coûter cher. Lors de son récent discours à l’Assemblée générale des Nations unies, à New York, il a ainsi à peine évoqué le dossier, indiquant seulement que des « négociations » étaient toujours en cours avec Niamey.

Parmi ses pairs ouest-africains, plusieurs se montraient, jusqu’à très récemment, déterminés à déclencher une opération militaire au Niger. « Tout est prêt militairement, nous n’attendons plus que le feu vert des Nigérians », confiait l’un d’entre eux, mi-septembre. En première ligne : Alassane Ouattara et Patrice Talon ; Macky Sall aussi, bien que plus réticent.

En août, des force spéciales ivoiriennes avaient été mises en alerte, prêtes à partir à tout moment au Bénin. Des éléments béninois, eux, avaient été prépositionnés à Kandi, dans le nord du pays, à une centaine de kilomètres de la frontière nigérienne. « On nous a clairement dit que nous étions là en vue d’une intervention militaire de la Cedeao », assurait un militaire sur place.

Les États-Unis jouent leur partition

Mais les semaines ont passé et aucune opération n’a été déclenchée. « C’est un peu comme la dissuasion nucléaire : on montre les muscles pour ne pas avoir à les utiliser », explique une source sécuritaire régionale. Priorité est donc toujours donnée aux négociations, même si celles-ci n’ont guère progressé. « Tous, même ceux qui défendent une ligne plus dure, veulent éviter une intervention armée, estime un diplomate de la région. Tant que Tiani n’a pas prêté serment, cela laisse une porte ouverte. »

En coulisses, un autre acteur discret mais influent a pesé dans la balance : les États-Unis, opposés à toute opération militaire de la Cedeao au Niger. Une position plus conciliante avec les putschistes nigériens qui a, de facto, fragilisé Paris dans ce dossier.

Côté français, on reconnaît que la probabilité d’une intervention ouest-africaine pour faire plier la junte nigérienne est désormais « très faible mais pas inexistante » – tout en précisant que le rappel des troupes basées au Niger ne « change rien » au soutien à la Cedeao.

Défaite symbolique pour Macron

Pour Emmanuel Macron, arrivé en 2017 à l’Élysée avec l’ambition de « changer de logiciel » dans les relations entre la France et les pays africains, ce nouveau départ contraint d’un pays sahélien est une défaite symbolique. Après avoir été priée de plier bagages au Mali, en 2022, puis au Burkina Faso, en 2023, l’armée française doit maintenant se retirer du Niger.

En un peu plus d’un an, Paris a donc perdu pied dans ces trois pays sahéliens, hier au cœur de sa stratégie politico-militaire et aujourd’hui dirigés par des putschistes qui lui sont ouvertement hostiles. Quant à la situation sécuritaire dans cette région où la France a dépensé des centaines de millions d’euros et déployé des milliers de soldats pendant une décennie, beaucoup d’analystes redoutent qu’elle se dégrade encore dans les semaines et mois à venir – notamment avec la reprise de la guerre entre l’armée malienne et les anciens groupes rebelles dans le nord du Mali.

Source: JeuneAfrique

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