DAECH sur le point de conquérir la bande frontalière entre le Mali et le Niger ?

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DAECH sur le point de conquérir la bande frontalière entre le Mali et le Niger ?
DAECH sur le point de conquérir la bande frontalière entre le Mali et le Niger ?

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Niger. En faisant nos recherches pour consolider notre analyse, nous avons constaté que, pendant la dernière décennie, plusieurs groupes armés (terroristes) se sont propagées au Sahel. Ces regroupements, qui suivent diverses interprétations de la signification du mot « djihadisme », ont vu leur présence caractérisée par des affiliations complexes et temporaires, des coopérations opportunistes, voire des confrontations violentes.

C’est ainsi qu’en particulier, Daech a pu renforcer sa présence au Sahel, en établissant des relations tantôt concurrentielles, tantôt de coopération tactique avec les mouvances extrémistes liées à l’organisation Al-Qaïda au Maghreb islamique, désignée par AQMI.

Par conséquent, le Sahel connaît un risque d’enracinement durable de ces groupes armés qui pourraient menacer à la fois et le Maghreb et l’Afrique subsaharienne.

Les risques de connexion avec les groupes situés en Libye et la perméabilité de certaines communautés locales à l’influence religieuse sont particulièrement préoccupants, en fonction de ce qui suit :

• Daech dans le Grand Sahara, est actif dans la région des trois frontières entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso. Il a également démontré une montée en puissance à l’ouest du Niger.

• Le groupe Jama’at Nusrat al-Islam wal-Muslimin (JNIM), la branche officielle d’AQMI au Mali, est actif dans le Centre et le Nord du pays. Il a mis en œuvre une stratégie expansionniste qui, en 2019, a également investi le Burkina Faso.

• Boko Haram et sa partie sécessionniste liée à Daech dans l’Afrique de l’Ouest, sont actifs dans la région du lac Tchad.

A noter qu’en 2020, des combats intenses près de la frontière entre le Mali et le Burkina Faso, entre les groupes liés à AQMI et ceux inspirés de Daech, ont fait des dizaines de morts de chaque côté.

Aggravation du danger

Le niveau de gravité de la situation sécuritaire à la frontière entre le Mali et le Niger s’est accru il y a sept mois au cours de l’année 2022, alors que Daech a intensifié ses attaques terroristes sur la zone frontalière depuis mars dernier, dans une tentative de l’organisation de contrôler cette zone frontalière, et à la suite de ces attaques, des centaines de civils ont été tués et environ un demi-million de Nigériens ont fui leur pays.

Bien que les gouvernements du Mali et du Niger, ainsi que les forces françaises (encore présentes dans la région), aient mené des frappes aériennes visant Daech et ses affiliés, ces frappes n’ont pas été en mesure de saper l’organisation ou de protéger la population locale, ce qui a soulevé les questions suivantes :

• La bande frontalière entre le Mali et le Niger est-elle devenue un refuge pour Daech ?

• L’organisation réussira-t-elle à contrôler complètement cette zone ?

• Et quels sont les facteurs qui ont contribué à faire de cette zone une base pour les organisations terroristes ?

Cibles frontalières

Zones considérées très dangereuses

Le rythme des opérations perpétrées par Daech au Niger depuis 2021 est passé du rythme des opérations du groupe Boko Haram, connu pour son contrôle du théâtre d’opérations au Niger, à celui d’un groupe ayant une activité locale au Nigeria et son activité s’étend jusqu’au Niger, où Daech est arrivée en tête des groupes terroristes en termes de nombre d’attaques que l’organisation a menées au Niger en 2021, ayant atteint 32 attaques, et a dépassé ce nombre depuis le début de 2022 à ce jour, rendant Daech responsable de la mort de près de 60% des victimes civiles au Niger au cours de l’année dernière.

Il importe de rappeler que la décision de l’État français de retirer ses troupes militaires du Mali en juin 2022 et de se repositionner au Niger en raison des risques frontaliers qu’il percevait à ce moment-là, a conduit à un net redressement de l’organisation de Daech dans le grand Sahara.

Bien que la France ait adopté une politique de « chasse aux leaders » dans ces zones confuses, l’annonce du retrait militaire a donné aux groupes terroristes l’occasion de s’implanter et de contrôler des zones dépourvues de forces militaires, et cela n’a pas empêché Daech d’intensifier ses attaques en réponse au ciblage par l’armée française en décembre 2021 du chef de « Daech au Niger, Soumana Boura », ainsi que les forces françaises visant le chef de « Daech dans le Grand Sahara, Adnan Abu Walid al-Sahrawi » dans la même période, ce qui a fait croire à certains que l’activité de l’Organisation devrait décliner…mais c’était le contraire qui s’est passé.

Suite à ce qui précède, les tentatives des forces françaises et locales de saper l’activité de Daech dans cette région n’ont pas abouti, contrairement aux attentes des analystes à chaque fois après avoir ciblé l’un des dirigeants de l’organisation. Depuis mars 2022, l’organisation Daech a réussi à maintenir sa position dans la région entre le Mali et le Niger, surtout après que l’armée malienne a poursuivi le groupe Jama’at Nusrat al-Islam wal-Muslimin au début de cette année, l’obligeant à se déplacer vers la frontière avec la Mauritanie, tandis que les forces maliennes n’ont pas réussi à contrôler Daech dans la même zone, au cours de cette période, où l’organisation a lancé une attaque préventive avec 300 motos, conduites par des terroristes, qui a provoqué un massacre parmi les civils, et a même conduit à des manifestations qui ont encore compliqué la situation.

Dangereux foyers

Plusieurs facteurs ont contribué à la stabilité puis à l’augmentation de l’activité de Daech dans la bande frontalière entre le Mali et le Niger. Ces facteurs ont plutôt conduit à accroître les capacités de l’organisation et à augmenter ses possibilités de contrôler certaines zones.

Nous pensons que ces facteurs sont divisés en facteurs géopolitiques et techniques, dont les plus importants sont décrits ci-après :

• Facteurs géopolitiques

A- Sécurisation du processus de financement : Toutes les parties de cette région luttent pour les ressources naturelles et minérales, tandis que les groupes extrémistes ont réussi à contrôler une grande partie de ces richesses, ce qui a contribué à assurer le financement nécessaire à ces groupes.

B- Étendre les espaces vides : le retrait par la France d’une partie de son influence au Mali a contribué à une augmentation de l’activité de Daech, et la Russie en a profité pour conclure un accord avec le gouvernement malien pour déployer 1 000 éléments paramilitaires russes privés relevant de « Wagner », non pas pour affronter les groupes armés, mais pour déployer des géologues en vue d’explorer les ressources minières du pays.

C- Création de nouveaux avant-postes de localisation : Daech a pris le contrôle des zones frontalières, a facilité la contrebande de minerais à travers celles-ci, déplaçant des civils et entrant en conflit avec les patrouilles de « Wagner » à propos de ces richesses, ce qui a contribué à s’attaquer au bulldozer à ces zones frontalières en faveur des avant-postes de l’organisation Daech.

D- Exploiter les faibles capacités des cibles : l’organisation a profité de la préoccupation de l’opinion mondiale braquée sur la guerre russo-ukrainienne et a doublé la perpétration de meurtres et de déplacements, profitant du manque de capacités de renseignement et de surveillance aérienne de l’armée malienne et nigérienne menées par les forces françaises.

E- Exploitation du rapprochement tribal dans certaines zones : présence d’intérêts tribaux de leurs chefs dans les zones frontalières pour coopérer avec Daech qui possède des ressources provenant du commerce du bétail grâce à la coopération avec les tribus dans certaines régions. En conséquence, ces tribus ont cherché à expulser les habitants de certaines zones frontalières de leurs terres en informant les dirigeants de l’organisation terroriste que leurs habitants refusaient de coopérer avec elle, ce qui a poussé le mufti de Daech « Yusuf Ibn Shuaib » à émettre une fatwa déclarant que les habitants de ces zones étaient des infidèles et la nécessité de les tuer.

F- Erreur de calcul et idée de dialogue avec les groupes : La crainte du président nigérien Mohamed Bazoum du retrait des forces françaises du Niger, comme elles l’ont fait au Mali, l’ont poussé à mener des négociations avec les factions armées pour former une force opérationnelle conjointe pour protéger les frontières, en plus de la déclaration du Niger de disponibilité au dialogue avec les groupes extrémistes. Ces groupes ont une grande confiance dans leurs capacités à contrôler la frontière.

• Facteurs techniques

Les mécanismes de recrutement, de formation, de suivi et de ciblage auraient été développés en utilisant les dernières technologies électroniques modernes par l’Organisation Daech, afin d’atteindre les meilleurs résultats ciblés comme défini ci dessous :

1- Utilisation de l’alternative technique

L’organisation utilise les meilleures techniques pour promouvoir ses activités et ses idées via Internet, ce qui a contribué à une augmentation des taux de recrutement, pour compenser les éléments perdus de l’organisation du fait du ciblage par les parties locales et internationales.

2- L’injection financière pour promouvoir ses idées

L’organisation alloue d’importantes sommes d’argent pour ses chaînes et stations numériques à travers Internet, de sorte que les moyens de promouvoir les idées de l’organisation se sont multipliés après ses débuts avec le lancement de son magazine « Dabiq ». Selon les adeptes, les chaînes et les studios de l’organisation se sont équipés des dernières technologies, tels que Ajnad Studio, les chaînes Al-Furqan, Al-Sitam et Al-Hayat, et l’organisation a publié des bulletins périodiques pour promouvoir les services qu’elle fournit à la population et aux résidents locaux dans les zones dans lesquelles elles sont stationnées.

(Remarque : Le magazine Dabiq est le magazine officiel de Daech. Le premier numéro a été publié en Ramadan 1435 de l’Hégire, correspondant à juillet 2014 et « Le retour du califat » était le titre du 1er numéro).

3- Sécurité précise de ses éléments

L’organisation dispose également de capacités techniques élevées pour sécuriser sa correspondance et ses mises à jour par les moyens de communication, ce qui rend difficile pour les gouvernements de surveiller l’organisation et de prendre des mesures proactives pour saper ses plans et ses opérations.

4- Exactitude de l’observation et l’exactitude dans la définition des objectifs

Daech a réussi à posséder des moyens modernes de surveillance et de suivi pour surveiller et identifier les cibles, qu’il s’agisse de sites ou de personnes, et maintenir la confidentialité, ce qui lui a permis d’atteindre ses objectifs avec précision et succès dans ses zones de concentration en Afrique.

5- Stratégie d’amélioration de l’image

L’organisation Daech utilise les dernières technologies pour traduire le contenu médiatique qu’elle fournit, dans le but d’annoncer ses crimes ou d’élaborer des théories juridiques à leur sujet avec une qualité qu’aucun autre groupe terroriste n’a pu atteindre auparavant, augmentant ainsi le recrutement de jeunes de différents pays pour ses actions en Afrique.

Avenir ambigu

L’avenir de la zone frontalière entre le Niger et le Mali, et l’étendue de la capacité de l’organisation à la contrôler, dépendent de l’activation du dispositif international, en matière de lutte contre le financement du terrorisme et du crime organisé, sur le terrain ou sur les réseaux sociaux, quels que soient les considérations politiques et les intérêts des parties internationales impliquées dans la région, en tenant pour responsables les parties qui facilitent et soutiennent l’activité des groupes du crime organisé et des parties internationales qui soutiennent la survie des groupes extrémistes dans la région pour profiter de l’instabilité et du chaos dans la région.

C’est d’ailleurs pourquoi la stratégie des Nations Unies pour lutter contre le terrorisme, qui représente ses premiers piliers pour s’attaquer aux conditions propices à la propagation du terrorisme, fût activée en aidant les pays politiquement instables à se stabiliser par le biais de gouvernements consensuels qui cherchent à améliorer les conditions de détérioration et à développer les zones reculées, et à assurer la présence de forces internationales pour maintenir la paix et la sécurité dans ces régions.

Finalement, en lisant la réalité politique et internationale, la possibilité pour Daech de contrôler entièrement la zone frontalière entre le Niger et le Mali est devenue grande à la lumière de ces trois facteurs :

• retrait des forces françaises,

• détérioration de la situation sécuritaire, sociale et politique à l’intérieur des deux pays « Niger et Mali »

• faible capacité de l’armée des deux pays à éliminer l’organisation qui se renforce jour après jour dans les zones fragiles.

Reste à savoir si les forces conjointes dans le Sahel africain, dont le Mali s’était retiré depuis Mai 2022, seraient capables de se « restructurer et de s’unir », ou non, pour « court-circuiter » le plan expansionniste de Daech, d’Al-Qaïda, et de Boko Haram (et leurs alliés) dans la bande frontalière malo-nigérienne, en particulier, et dans la zone des trois frontières, en général !

Mais avant tout, elles devraient s’unir et se mettre d’accord contre les puissances étrangères « soupçonnées » de « tendre discrètement la main » aux terroristes.

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