La France aux frontières Malo-Nigériennes : Entre les deux « mon cœur balance »

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La France aux frontières Malo-Nigériennes : Entre les deux « mon cœur balance »
Camp dans la base militaire française à Gao

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Niger. Comme prélude à ce dossier, nous avons jugé utile de revenir un peu sur les séquelles de la politique coloniale.

Il n’échappe à personne que les politiques coloniales ont créé des Etats dans la région du Sahel africain, sans tenir compte des données humaines objectives qui garantissent l’harmonie culturelle et ethnique, et des données géographiques qui conditionnent les ressources et la possibilité de les exploiter.

Les pays africains, en général, sont apparus en tant qu’entités artificielles souffrant de nombreux problèmes structurels. D’ailleurs, les pays du Sahel en sont un exemple vivant.

Une telle situation a empêché leur intégration et leur développement, ces dernières décennies, et les a exposés à l’instabilité et à des crises successives. Avec le temps, ces crises se sont exacerbées pour arriver à menacer l’existence même de tous les Etats de cette région sahélienne, restée longtemps en proie aux querelles intestines et aux guerres civiles.

Le pari, lancé par les puissances coloniales pendant leur domination dans la région du Sahel, de nourrir les conflits raciaux et la division sociale, a valu certes pour la période de l’après indépendance. En effet, ces puissances ont nourri de nombreuses querelles internes et guerres civiles qui ont éclaté dans certains Etats, et ont aussi œuvré à la poursuite de ces conflits au Soudan, au Tchad, au Niger et au Mali.

Instabilité politique

Ce qui est certain, aujourd’hui, c’est que les coups d’Etat militaires sont parmi les plus importants facteurs d’instabilité. En plus, le climat qui accompagne en général les coups d’Etat survenus a pour effet de faire émigrer les capitaux nationaux vers l’extérieur, d’arrêter les flux d’investissements étrangers, de faire partir les cerveaux, sinon d’arrêter ou de ralentir toute entreprise dans un contexte marqué par la peur et le manque de libertés.

Tous ces facteurs, ajoutés à la gabegie financière et administrative qui accompagne en général le pouvoir militaire dans le monde, font que les coups d’Etat sont la première entrave au développement.

Bien évidemment, les autorités françaises ont tenté, durant plus de 9 ans, par le biais de leurs opérations militaires « Serval, Barkhane, et autres », et les bases qu’elle avait implantées dans le Sahel africain, notamment au Mali, d’assurer la sécurité des habitants en luttant contre les groupes armés extrémistes, sans toutefois parvenir, selon les Maliens, à des résultats satisfaisants.

A propos des objectifs des opérations françaises à la frontière nigérienne avec le Mali à Gao

Unités de l’armée française dans la zone proche des frontières nigériennes

Unités de l’armée française dans la zone proche des frontières nigériennes
Après que Paris ait mis fin à l’opération militaire Barkhane dans la région du Sahel africain, l’attention s’était tournée vers le Niger pour être le principal point focal de la nouvelle stratégie française dans la région, compte tenu de plusieurs indicateurs, dont :

• Après la fin de l’opération Barkhane, le quartier général du commandement des opérations militaires a déménagé de N’Djamena à Niamey,
• Le président du Niger, Mohamed Bazoum, est le seul dirigeant à avoir participé au sommet virtuel du groupe Sahel depuis Paris, aux côtés de Macron,
• Et Macron ne veut pas apparaître comme le « père de l’opinion » en tant que partisan des putschistes en Afrique, des mois avant la présidentielle française.

Face à ces indicateurs, les médias français eux-mêmes n’y voyaient pas une coïncidence, ce qui confirme que Macron a fixé son choix sur « Bazoum » pour être le gendarme de la région, depuis l’assassinat du président tchadien Idriss Deby Itno, principal allié de la France, et la preuve de ce changement de stratégie française au Sahel, c’est bien le choix par Macron du Niger pour devenir le centre de sa nouvelle stratégie dans la région, un choix qui a soulevé plusieurs questions, étant donné qu’il ne dispose pas de l’armée la plus puissante dans le Sahel comme l’armée tchadienne, ni du bastion de la rébellion partie du nord du Mali.

Rester dans les parages, au Mali, non loin des zones les plus délicates telle que la ville de Gao*, à proximité des frontières nigériennes, est « PRIMORDIAL » pour la France qui n’a pas encore dit son « véritable dernier mot » quant au maintien de sa présence au Mali, pour pouvoir agir en peu de temps, et peut-être renverser certaines situations.

Pour le président Emmanuel Macron, sa vraie raison étant de ne pas vouloir se retrouver « entouré » d’un groupe de Chefs militaires qui ne sont pas parvenus au pouvoir par les « urnes », mais par des « coups d’Etat », et ce à moins d’un an avant les élections présidentielles françaises.

Il ne faut pas oublier que Macron fait face à des critiques internes et externes pour son soutien au Conseil militaire de transition au Tchad, dirigé par Mahamat Idriss Deby, que l’opposition accuse, jusqu’à présent, d’avoir pris le pouvoir après le meurtre de son père, et d’avoir outrepassé la constitution.

*GAO : est une ville et une commune du Mali, chef-lieu du cercle et de la région de Gao, située sur le fleuve Niger. Elle a été, de 2012 au 25 janvier 2013, capitale autoproclamée de groupes armés extrémistes sécessionniste de l’Azawad.

Opérations menées précédemment par l’armée française à Gao

La France impuissante devant les putschistes au Mali

Il importe de rappeler que le succès des militaires dans la prise du pouvoir au Tchad pourrait être l’une des raisons qui ont encouragé le colonel Assimi Goïta, à mener un deuxième coup d’État au Mali le 24 mai dernier, contre le président par intérim Bah N’Daw, 9 mois seulement après son premier coup d’État contre le président Boubacar Keita, en se proclamant « Président direct du pays ».

Malheureusement, pour Goïta, Macron avait refusé cette fois-ci de se ranger du côté des putschistes au Mali et de leurs affiliés russes, après avoir renversé un président qui était supposé « dans la poche » de la France, déclarant dans ce contexte que « la France ne soutiendra pas les pays qui n’ont pas de légitimité ou une transition démocratique du pouvoir ».

Et malgré la menace de Macron de retirer ses forces du Mali pour faire pression sur les putschistes, et même de suspendre pendant environ un mois les opérations militaires conjointes avec l’armée malienne avant de décider de retirer progressivement ses forces du nord du pays, cela n’a pas empêché Goïta de devenir le Président au Mali.

C’est pourquoi la France, qui excellait en « faisant » des présidents en Afrique francophone, se retrouve impuissante face à un colonel dans une armée qui a perdu de nombreuses batailles face à de multiples groupes armés, notamment sur les fronts nord et centre.

Pour les français, ce n’est pas une simple « claque », mais plutôt une « GIFFLE » qui lui a été assénée par le colonel Assimi Goïta.

Pour conclure

Base militaire française au Mali

La France cherche à construire une stratégie de sécurité au Sahel en s’appuyant sur des régimes démocratiques, après avoir été accusée à plusieurs reprises de soutenir les régimes militaires de la région au détriment des aspirations de ses peuples.

C’est dans ce cadre que la position ferme de Bazoum sur le coup d’État au Mali n’est pas seulement un « soutien à la position française », mais le fait que lui aussi (Mohamed Bazoum) a failli être victime d’un coup d’État vers la fin du mois de mars 2021, deux jours avant sa prestation de serment.

A noter que le Niger et le Mali, ainsi que le Burkina Faso, partagent la région des « Trois Frontières », qui connaît les opérations des groupes armés extrémistes les plus violentes contre les civils et les forces de sécurité, et ces différences affaibliront la fragile alliance dans la région du Sahel.

Pour l’Etat français, la plaie qui lui a été causée par le régime militaire du Mali et qui ne se cicatrisera pas sans « séquelles » sera certainement assez coûteuse pour les militaires au pouvoir, sachant que la France ne restera pas les bras croisés.

Entre-autres, alors que la guerre d’Ukraine marque un tournant fondamental pour la sécurité européenne, la France et ses partenaires s’emploient à retirer les ressources militaires du Mali, soulevant ainsi des questions sur la meilleure façon de faire face aux menaces terroristes persistantes et à l’empreinte russe croissante dans les régions environnantes.

C’est pourquoi les véritables intentions de la France envers ce régime seront connues « bien avant les élections présidentielles françaises ». Attendons voir…

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