Africa-Press – Niger. Le bras de fer aura duré deux mois entre les autorités françaises et la junte nigérienne. Mais la France est finalement contrainte de se retirer du pays. La stratégie de Paris était au fil du temps devenue intenable. Les 1 500 soldats Français présents sur place vont quitter le Niger d’ici la fin de l’année. L’annonce a été faite ce dimanche soir par Emmanuel Macron. Le président français a également acté le départ de l’ambassadeur de France.
La France n’entend donc pas pour l’heure dévier de sa ligne même si elle ressort affaiblie de cet épisode. Paris a perdu son bras de fer avec la junte. L’ambassadeur est contraint de partir tout comme les 1500 soldats français. Un vrai coup dur pour la stratégie militaire française au Sahel.
Ce départ devrait avoir lieu dans les prochains jours et non dans les prochaines heures, comme l’a annoncé hier Emmanuel Macron. Car, celui-ci fait toujours l’objet de négociations entre Paris et la junte. Ce départ était quoi qu’il en soit devenu inéluctable tant la pression s’était accentuée ces derniers jours sur Sylvain Itté, dont les militaires nigériens réclamaient l’expulsion.
Privé de son immunité diplomatique depuis le 29 août, l’ambassadeur vivait reclus dans la résidence de France, une résidence qui était depuis près d’un mois sous quasi-blocus. Aucun produit alimentaire ne pouvait entrer, les véhicules étaient systématiquement fouillés. Le 5 septembre, les ambassadeurs de l’Union européenne et de l’Espagne avaient été interdits d’entrée. Des mesures d’intimidation qui ne cessaient de se multiplier.
La situation « commençait à devenir très pénible »
Récemment, l’accès à Internet avait été coupé. Plus inquiétant, cinq pick-up équipés de mitrailleuses étaient venus stationner une nuit pendant plusieurs minutes devant l’ambassade… Résultat : la situation « commençait à devenir très pénible, et très dégradée » sur un plan sécuritaire, explique-t-on ce matin dans l’entourage du président français.
Emmanuel Macron a donc dû se rendre à l’évidence. Il était impossible désormais pour Sylvain Itté de rester à Niamey. Le président français a appelé Mohamed Bazoum hier après-midi pour l’informer de ce départ. « Un départ qui n’est pas un lâchage », assure-t-on à l’Élysée. Nous continuerons à œuvrer pour sa libération ».
Mohamed Bazoum se trouve toujours détenu à la résidence présidentielle, avec son épouse et son fils depuis deux mois. Selon plusieurs de ses proches, il garde le moral même si ses conditions de vie sont difficiles : électricité coupée, accès à des aliments frais seulement une fois par semaine… L’entourage de Mohamed Bazoum affirme qu’un contact a eu lieu avec l’ambassadeur français avant ces annonces, et qu’il ne se sent pas lâché par le président français, dans la mesure où ce dernier ne reconnait toujours pas le pouvoir du CNSP. Selon Omar Moussa, son directeur de cabinet adjoint, son état d’esprit reste le même : Mohamed Bazoum n’entend pas signer sa démission.
Plusieurs pays et organisations, la Cédéao, la France, les États-Unis continuent de réclamer sa libération et un retour à l’ordre constitutionnel. De son côté, le CNSP avait annoncé mi-août vouloir le poursuivre pour haute trahison et atteinte à la sureté de l’État. Une vingtaine de personnalités proches de lui sont actuellement recherchées par Niamey.
Le M62 et le MPCR satisfaits
Peu après l’annonce du président français, le CNSP se félicitait d’une « nouvelle étape vers la souveraineté du Niger », « un moment historique qui témoigne de la détermination et de la volonté du peuple nigérien ». Le coordonateur national du M62, mouvement mobilisé contre la présence française au Niger, y voit lui aussi une victoire du peuple nigérien. Pour Abdoulaye Seydou, il ne doit plus y avoir de relations diplomatiques entre Paris et Niamey : « c’est une victoire d’étape, mais on ne crie pas victoire tant que le dernier soldat français n’aura pas quitté notre territoire. La France s’est mise dans une situation où elle est victime de sa propre politique. Malheureusement, Macron a terni l’image de la France. Nous apprécions les valeurs qu’incarne le peuple français. Nous n’avons aucun problème avec le peuple français. Nous devons mettre fin aux relations diplomatiques jusqu’à ce qu’il y ait des autorités capables d’écouter les autres pays et de nous traiter d’égal à égal. »
Ibrahim Namaywa, membre du Mouvement pour la promotion de la citoyenneté responsable, exprime lui aussi sa « satisfaction ». « Ce n’est pas à Emmanuel Macron de dire qui peut être légitime à la tête de notre pays, jusqu’à refuser d’obtempérer à la décision de nos autorités », estime-t-il. « Nous sommes mobilisés et nous allons continuer à redoubler d’efforts. »
Source: rfi
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