Le Niger Appelle au Départ des Militaires Américains Après Avoir Déjà Expulsé de Son Territoire Leurs Homologues Français

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Le Niger Appelle au Départ des Militaires Américains Après Avoir Déjà Expulsé de Son Territoire Leurs Homologues Français
Le Niger Appelle au Départ des Militaires Américains Après Avoir Déjà Expulsé de Son Territoire Leurs Homologues Français

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Niger. Des milliers de personnes se sont rassemblées à Niamey, la capitale du Niger, durant la journée du samedi 13 avril 2024, pour manifester en exigeant le départ immédiat des troupes militaires américaines stationnées dans le nord du Niger, après que le régime militaire ait annulé, le mois dernier, l’accord de coopération avec Washington.

Cet immense rassemblement qui s’est concentré devant le siège de l’Assemblée nationale (au centre de la capitale) a réuni plusieurs personnalités du régime militaire, dont le porte-parole officiel, le colonel Amadou Abderrahmane, le colonel Amadou Ebru, Chef de cabinet du chef du régime militaire, le général Abderrahmane Tchiani, ainsi que le commandant des forces terrestres, le colonel Maman Sani Kyaw.

« Synergy », un groupe d’une dizaine d’associations qui soutiennent le régime arrivé au pouvoir grâce au coup d’État contre le président Mohamed Bazoum, le 26 juillet 2023, a appelé à manifester communément avec des organisations islamiques locales.

A noter que les manifestants, dont de nombreux étudiants, ont défilé en rangs dans la capitale et brandi des drapeaux nigériens, et ce dans une marche qui rappelle les manifestations anti-Paris ayant conduit au retrait des forces françaises du pays, l’année dernière, et l’arrivée récente d’équipements et d’Instructeurs militaires russes le 10 avril, dans le contexte de la démarche du Niger vers l’approfondissement de ses relations avec la Russie, selon un contexte de fluctuations géopolitiques rapides dans la région.

Il importe de noter que tout le long de cette marche, à laquelle ont participé pour la première fois publiquement des soldats de l’armée nigérienne, les manifestants ont scandé:
• « A bas l’impérialisme américain »,
• « Vive la coalition sahélienne » (Mali, Burkina Faso et Niger)
• « La libération des peuples suit leur chemin ».

Retour sur les relations de coopération nigérienne/américaine

Manifestation anti-américaine à Niamey

Les relations nigéro-américaines ont connu un développement remarquable, notamment dans le domaine de la sécurité régionale, d’où la signature d’un accord militaire entre les deux pays en juillet 2012, prévoyant la création d’une « base aérienne à Agadez » pour un coût de 100 millions de dollars, qui fût inaugurée en 2016 sous le nom de « Base aérienne du Niger 201 ».

Cette base, ainsi que la base aérienne 101 de Niamey, ont toutes les deux contribué à soutenir les opérations de renseignement et à surveiller les groupes armés.

Néanmoins, les relations sont devenues tendues après le coup d’État militaire de juillet 2023 qui a renversé le président Mohamed Bazoum. Les États-Unis ont condamné le coup d’État et se sont retrouvés face à un dilemme entre « préserver leurs intérêts stratégiques et soutenir le retour de la démocratie ».

Par ailleurs, la situation s’est compliquée en mars 2024 lorsque le gouvernement nigérien a annulé l’accord militaire avec les États-Unis, après que ces derniers ont averti le Niger, sur un ton menaçant, semble-t-il, de son rapprochement avec la Russie et l’Iran.

Pour sa part, le Niger a justifié l’annulation dudit accord de sécurité avec les États-Unis, outre la condescendance américaine, en affirmant que la présence des forces américaines sur son sol viole les normes constitutionnelles, qui nécessitent l’approbation du peuple nigérien à travers ses représentants élus pour accueillir des forces étrangères.

D’une part, l’accord, imposé unilatéralement et oralement par les États-Unis, n’imposait aucune obligation aux forces américaines de soutenir le Niger dans la lutte contre le terrorisme, mais laissait plutôt ce soutien à leur propre discrétion, ce qui laissait parfois le Niger seul face aux menaces terroristes.

D’autre-part, le Niger reproche aux américains les charges financières importantes imposées par l’accord, notamment le coût des taxes sur les avions militaires américains qui auraient dû être supportées par les États-Unis.

C’est ainsi que le 3 avril dernier, des milliers de Nigériens étaient descendus dans la rue pour réclamer le départ des forces américaines, trois jours seulement après l’arrivée des instructeurs militaires russes dans le pays.

Retour sur le soutien militaire russe

Avant le coup d’État, le Niger était un partenaire de sécurité majeur pour la France et les États-Unis, qui l’utilisaient comme base dans le cadre des efforts internationaux visant à contrôler la rébellion des mouvements armés actifs depuis une décennie dans la région du Sahel, en Afrique de l’Ouest.

Mais les nouvelles autorités (putschistes) au Niger ont suivi l’exemple des juntes militaires du Mali et du Burkina Faso voisins, en mettant fin aux accords militaires avec les alliés occidentaux, en se retirant de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et en renforçant les relations avec la Russie.

Emboitant de facto le pas à l’expulsion de l’armée française fin 2023, le régime nigérien n’a pas eu froid aux yeux pour annoncer en mars dernier l’abandon pur et simple et « avec effet immédiat » d’un accord de coopération militaire avec les États-Unis datant de 2012, le jugeant (illégal), visant ainsi prés d’un millier de soldats américains déployés au Niger pour lutter contre les groupes armés extrémistes dans la région du Sahel, et disposant d’une importante base de drones à Agadez, dans le nord.

L’annonce du gouvernement nigérien est intervenue quelques jours seulement après la visite d’une délégation américaine comprenant le commandant du commandement militaire américain en Afrique, le général Michael Langley, et Molly Fee, la secrétaire d’État adjointe américaine aux Affaires africaines, et où les déclarations du Conseil militaire et son manque de transparence quant aux personnes qui participeront au processus de gouvernance ont été critiquées.

Dans ce contexte, Niamey a confirmé que les Etats-Unis présenteraient prochainement un projet sur le retrait de leurs soldats, que Washington n’a pas souhaité commenter, indiquant simplement avoir contacté les autorités de transition au Niger « pour obtenir des éclaircissements ».

En échange, une centaine de formateurs russes sont arrivés à Niamey, sachant que le Niger a confirmé également la réception d’un premier lot de matériel militaire russe dans le cadre de sa nouvelle coopération sécuritaire avec Moscou.

Que représente le Niger pour les Etats-Unis ?

Base militaire américaine 101 à Agadez

Il faut reconnaître que le Niger représente un pilier fondamental de la stratégie américaine dans la région du Sahel, comme l’a confirmé le général Langley, commandant de l’AFRICOM, lors d’une audition au Congrès américain cette année.

La fermeture de la base américaine au Niger entraînera incontestablement « la perte de la capacité de surveillance et de détection des dangers » à l’avance, ce qui affecte directement la protection des intérêts américains, surtout que le Niger a fait preuve de prouesse stratégique en gardant les États-Unis à l’écart du conflit avec la France, puis n’a pas hésité à exploiter la présence russe pour pousser les USA à partir. Cette démarche reflète l’habileté des petits pays à exploiter les équilibres internationaux à leur avantage.

Ainsi, tout laisse à croire que la perte des bases militaires américaines au Niger n’est pas la seule perte potentielle. Par exemple, après le retrait français et la fermeture de leurs bases militaires, la société minière américaine « Global Atomic » a pu élargir le champ de ses opérations dans le secteur minier de l’uranium au Niger, placé auparavant sous le contrôle de la société française « Orano Mining », et après l’éventuel retrait américain, des concessions d’exploration pourraient être sûrement accordées à la Russie.

Qu’en dit la diplomatie américaine

La diplomatie américaine a annoncé que « les Etats-Unis reviendront avec un projet » lié aux modalités de retrait des forces américaines du territoire nigérien, qui comptent plus d’un millier de soldats, sans préciser de délai précis pour cela.

De son côté, le porte-parole du Département d’Etat américain, Matthew Miller, a refusé de commenter la déclaration nigérienne, soulignant que le statut des forces américaines au Niger restait inchangé à l’heure actuelle.

Miller a ajouté que les États-Unis sont « en contact avec les autorités de transition à Niamey pour obtenir des éclaircissements à cet égard », soulignant que parler du contenu de ces discussions ne sera pas fructueux.

Réaction du Pentagone

Commentant la décision nigérienne, la porte-parole adjointe du Pentagone, Sabrina Singh, a déclaré il y a quelques jours: « Nous sommes au courant de la déclaration publiée par le Niger qui met fin à la coopération militaire avec les États-Unis, ainsi qu’à la présence militaire américaine là-bas dans ce pays ».

Elle a confirmé que les États-Unis avaient exprimé leur inquiétude quant aux relations établies entre le Niger, la Russie et l’Iran, en référence aux pourparlers qui ont eu lieu entre une délégation américaine dirigée par la secrétaire d’État adjointe américaine aux Affaires africaines, Molly Fee, avec un certain nombre de responsables nigériens.

Singh a ajouté: « Nous comptons sur la voie diplomatique pour obtenir des éclaircissements du Niger. Je n’ai pas de calendrier pour un éventuel retrait de nos forces implantées là-bas ».

Le mot de la fin

Le retrait potentiel des forces américaines du Niger, peut être donc considéré comme une victoire temporaire pour la Russie, mais la compétition pour le pouvoir en Afrique de l’Ouest n’en est qu’à ses balbutiements.

Quant au renforcement des relations du Niger avec la Russie, il découle de sa conscience de son besoin urgent d’un partenaire qui lui apporte un soutien efficace et mutuellement bénéfique, notamment à la lumière de ses expériences avec des conditions occidentales souvent injustes.

Ce partenariat vise entre-autres à renforcer la sécurité nationale du Niger, son indépendance dans le domaine énergétique et son efficacité dans la lutte contre le terrorisme. C’est un partenariat qui a commencé à prendre une dimension pratique avec l’arrivée au Niger de l’avion russe « Ilyushin-76 » à Niamey le 10 avril dernier, chargé d’équipements militaires avancés et d’experts en défense, ce qui représente une forte impulsion pour armer le Niger en matière de défense et de sécurité à renforcer sa lutter contre le fléau du terrorisme, y compris l’installation d’un système de défense aérienne qui améliore ses capacités de défense.

Idem sur le plan énergétique, le partenariat avec la Russie et les offres que le Niger pourrait faire à « Rosatom » (La société nationale d’énergie atomique), représentent la pierre angulaire pour développer les capacités du Niger dans le domaine de l’énergie nucléaire, bénéficiant de ses immenses richesses en uranium.

Cette coopération améliorera non seulement l’exploitation économique de l’uranium à des conditions plus avantageuses que celles proposées par la France, mais contribue également à résoudre la crise chronique des pannes d’électricité dont souffre le pays, sachant que prés de 94 % de la population nigérienne vit sans électricité.

Les observateurs estiment d’ailleurs que les parties concernées devraient éviter de se réjouir excessivement, car les défis les plus difficiles de cette nouvelle guerre hybride n’ont pas encore commencé, sachant qu’avec l’émergence actuelle du bloc sino-russe en tant qu’acteur puissant, l’Afrique reste malheureusement une arène où l’on expérimente de nouveaux conflits internationaux.

Ce dossier connaître certainement des bouleversements dans les prochains mois, et nous tiendrons au courant nos fidèles lecteurs des conséquences qui pourraient bien en découler…

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