Le Niger et la Russie nouent des liens militaires – Trois façons de contrarier les anciens alliés

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Le Niger et la Russie nouent des liens militaires - Trois façons de contrarier les anciens alliés
Le Niger et la Russie nouent des liens militaires - Trois façons de contrarier les anciens alliés

Africa-Press – Niger. En juillet 2023, des militaires nigériens ont pris le pouvoir lors d’un coup d’État, deux ans seulement après la transition du pays vers le pouvoir civil. Ce coup d’État a mis en lumière le rôle des pays étrangers dans la politique nigérienne.

Avant le coup d’État, la France et les États-Unis étaient les principaux alliés du Niger en matière de sécurité. Mais les putschistes, menés par le général Abdourahamane Tchiani, ont ouvertement exprimé leur hostilité à l’égard de la France, l’ancienne puissance coloniale du pays, et ont ordonné le départ des militaires français. Depuis lors, l’attention de nombreux Nigériens se porte sur la Russie.

Depuis ce coup d’Etat, plusieurs analystes ont souligné le rôle de Moscou. Certains analystes et experts régionaux pensent que la Russie pourrait avoir joué un rôle direct ou indirect dans la prise du pouvoir par les militaires.

D’autres (moi y compris) soutiennent que la Russie renforce son emprise sur le pays et cherche activement à tirer profit du coup d’État. Cela est apparu clairement lorsque la Russie et le Niger ont récemment convenu de développer des liens militaires.

Bien que les contours de ce partenariat soient encore flous, Moscou a promis d’accroître la “préparation au combat” de l’armée nigérienne. En outre, des discussions sont en cours en vue d’un partenariat dans les domaines de l’agriculture et de l’énergie.

Cela fait plus de dix ans que je me penche sur les dynamiques sécuritaires de la région. La proximité de la junte nigérienne avec la Russie pourrait avoir des conséquences pour la paix et la sécurité dans la région et au-delà.

J’ai identifié trois principales conséquences potentielles pour le Niger et d’autres pays alliés:

l’escalade des tensions entre le Niger et la France;

le mécontentement entre le Niger et ses alliés régionaux;

la perturbation probable d’un projet de gazoduc de 13 milliards de dollars reliant le Nigeria à l’Union européenne en passant par le Niger.

La Russie dans la région

Après le coup d’État de 2023, la France et la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) ont menacé d’intervenir militairement pour rétablir le président déchu, Mohamed Bazoum.

La Russie a mis en garde contre une telle initiative.

La junte militaire a alors expulsé les soldats français. La France a réagi en fermant son ambassade au Niger.

Les États-Unis ont également réduit leur coopération militaire et économique. Washington a diminué l’aide au pays de plus de 500 millions de dollars et a retiré le pays de son programme d’exportation en franchise de droits.

L’Union européenne a également imposé des sanctions. Le Niger a alors annulé ses accords de sécurité et de migration avec l’Union européenne.

La Cedeao a sanctionné le Niger. Un autre allié majeur, le Nigeria, a coupé l’électricité et a imposé d’autres sanctions.

Les sanctions, associées à une augmentation de l’insécurité, ont affaibli et isolé le Niger.

Mais plutôt que de céder, la junte a cherché d’autres partenaires, comme la Russie et la Chine. Elle s’est récemment jointe au Mali et au Burkina Faso pour annoncer son retrait de la Cedeao.

De son côté, la Russie s’est positionnée comme un allié fiable. En décembre 2023, une délégation russe s’est rendue au Niger et en janvier 2024, le Premier ministre nigérien Ali Mahamane Lamine Zeine s’est rendu à Moscou pour discuter de leurs relations militaires et économiques.

La Russie n’est pas étrangère à la région. Au cours des trois dernières années, elle a conclu des accords de sécurité avec les juntes qui dirigent les pays voisins du Niger: Mali et Burkina Faso. Cela s’est fait par l’intermédiaire du groupe Wagner, une société de sécurité privée soutenue par Moscou, dont les opérations en Afrique ont été rebaptisées Africa Corps au début de l’année 2024.

Des conseillers militaires russes opèrent au Mali depuis 2021. En outre, le groupe Wagner compte 400 mercenaires dans le pays. La Russie a également livré du matériel militaire au pays en 2022.

Les conséquences

Trois conséquences majeures sont envisageables pour le Niger et d’autres pays alliés.

Tout d’abord, on peut assister à une possible escalade des tensions entre le Niger et la France. Cela se produira si le Niger accorde à la Russie des droits d’exploration de l’uranium qui affectent les entreprises françaises disposant déjà de licences. Le Niger a suspendu l’octroi de nouveaux permis d’exploitation minière et procède actuellement à un audit des permis existants. Cela pourrait affecter les entreprises françaises. La France a promis de protéger ses intérêts économiques au Niger.

La suite dépendra de l’évolution du partenariat entre la Russie et le Niger, et notamment de la manière dont Niamey entendra financer sa part d’une éventuelle coopération militaire. Si cela implique le groupe Wagner, comme c’est le cas dans les partenariats de sécurité entre la Russie et le Burkina Faso et le Mali, la question des concessions minières entrera en jeu. Le Mali et le Burkina Faso ont payé pour l’implication de Wagner en offrant des concessions minières en échange d’armes, de munitions et de mercenaires.

Deuxièmement, tout lien sécuritaire impliquant le groupe Wagner accentuerait les tensions entre le Niger et ses alliés régionaux, en particulier le Nigeria, le Tchad et le Cameroun.

À la suite du coup d’État, le Niger a annoncé son retrait du G5 Sahel, qui avait été créé pour coordonner les opérations de sécurité dans le Sahel. Cette décision a attiré l’attention sur la participation du pays à la Force multinationale mixte (FMM).

Ces deux institutions ont été créées pour lutter contre l’insurrection dans la région et le Niger y a activement contribué. Les autres pays membres de la FMM, tels que le Nigeria, le Tchad, le Cameroun et la République du Bénin, hésiteront à travailler avec le Niger si celui-ci est en partenariat actif avec le Wagner, qui est notoirement connu pour ses violations des droits de l’homme.

La troisième conséquence majeure probable de l’implication de la Russie concerne les relations du Niger avec l’UE. L’UE construit actuellement un gazoduc de 13 milliards de dollars reliant le Nigeria à l’Union européenne en passant par le Niger. Ce projet de gazoduc vise à réduire la dépendance de l’UE à l’égard du gaz russe.

Compte tenu de l’animosité de la Russie à l’égard de l’UE, la Russie pourrait être tentée d’utiliser l’alliance de sécurité pour perturber le projet afin de garantir ses propres livraisons de gaz à l’UE. La junte peut utiliser le projet de gazoduc comme levier contre l’UE en exigeant d’importantes concessions financières, ce qui mettrait en péril la réalisation du projet et renforcerait la position de la Russie.

La migration est un autre sujet de discorde avec l’UE. Le Niger autorise désormais l’immigration illégale de masse à travers son territoire en vue de poursuivre le voyage vers l’Europe. Cette situation ne fera qu’aggraver les problèmes de l’UE.

La présence active de la Russie au Niger pourrait ainsi modifier le paysage sécuritaire et économique de la région et avoir des répercussions sur toutes les parties impliquées.

Je maintiens ma position initiale selon laquelle, plutôt que d’opter pour la force, il convient d’encourager la junte nigérienne à rétablir la démocratie dès que possible. Dans le même temps, certaines sanctions devraient être levées pour favoriser le dialogue et réduire l’influence de la Russie.

Olayinka Ajala, Senior lecturer in Politics and International Relations, Leeds Beckett University

Source: allAfrica.fr

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