Le Niger, « laboratoire » du nouveau dispositif militaire français en Afrique

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Le Niger, « laboratoire » du nouveau dispositif militaire français en Afrique
Le Niger, « laboratoire » du nouveau dispositif militaire français en Afrique

Africa-Press – Niger. Plus de six mois après l’annonce de la fin officielle de l’opération Barkhane, où en est le dispositif militaire français au Sahel ? Alors que l’opération Barkhane a compté jusqu’à 5 500 hommes au plus fort de son déploiement, l’armée française a quitté le Mali en août 2022, après neuf ans de présence, poussée par la junte au pouvoir, qui travaille désormais – même si elle s’en défend – avec le sulfureux groupe paramilitaire russe Wagner. L’exécutif et l’état-major français assurent avoir appris de leurs erreurs et tentent ces derniers mois de mettre en pratique une nouvelle approche qui consiste à « agir en appui et non à la place » des pays partenaires. Les défis de cette transformation sont immenses.

Exemple, au Niger, où s’est mis progressivement en place un partenariat discret, ajusté sur-mesure aux demandes de Niamey. « Au Niger et de façon même globale partout en Afrique, la position philosophique est différente de ce qui se faisait au Mali. Aujourd’hui, notre aide part d’abord du besoin du partenaire », résume le commandant des forces françaises au Sahel (FFS), le général Bruno Baratz, en poste depuis 10 mois, dans un entretien à l’Agence France-Presse.

Un changement de paradigme nécessaire après le départ du Mali des militaires français de l’opération Barkhane, sous la pression d’une junte hostile. Mais pas seulement. Le Burkina Faso voisin, également dirigé par des militaires putschistes, a quant à lui exigé en janvier le retrait des forces spéciales françaises de son territoire et se trouve dans le viseur de Wagner.

Pour moins prêter le flanc aux critiques contre la présence militaire en Afrique de l’ex-puissance coloniale, le président Emmanuel Macron a ordonné une action collant strictement aux demandes spécifiques des pays concernés et restant à bas bruit.

Une consigne respectée à la lettre au Niger, qui accepte en retour 1 500 militaires français sur son sol pour faire monter en puissance ses armées, alors que le groupe État islamique au Sahara (EIS) a repris du poil de la bête à la frontière malo-nigérienne. « Le Niger tient lieu pour l’armée française de laboratoire pour son approche rénovée », résume Michael Shurkin, expert américain spécialiste du monde militaire tricolore. « La France menait sa propre guerre en parallèle de ce que faisaient les forces armées maliennes. Aujourd’hui elle veut faire différemment. »

Rester en deuxième ligne demande toutefois une « débarkhanisation des esprits », glisse un officier français, rappelant qu’une génération entière de soldats a traqué les groupes djihadistes pendant une décennie dans les sables sahéliens, dans des conditions bien plus autonomes qu’aujourd’hui.

Engagé dans une montée en puissance de leurs forces armées (FAN), qui doivent atteindre 50 000 hommes en 2025 puis 100 000 en 2030, le Niger semble satisfait. « Aujourd’hui le commandement est nigérien, maître du terrain et des besoins. On ne peut que s’en féliciter. Les Français nous apportent la formation militaire, du matériel, du renseignement, et des moyens aériens qui nous manquent », souligne à l’AFP l’ex-ministre nigérien de la Défense (2016-2019), Kalla Moutari. « Nous devons mettre à profit leur présence et celle d’autres partenaires, car la menace s’enracine de plus en plus dans le centre Mali et à l’est et déborde sur le Niger. »

Alors qu’auparavant le Niger servait essentiellement de base de transit pour les opérations au Mali, les Français y ont renforcé leur présence et détaché des centaines d’hommes dans le sud-ouest du pays, près de la frontière malienne.

L’opération franco-nigérienne Almahaou, dans la région de Tillaberi, a déjà produit des effets positifs, fait valoir le colonel Grégoire Servent, commandant de la base aérienne projetée (BAP) française de Niamey. « Nous sommes passés de 33 % des terres cultivées dans ce secteur il y a un an à 65 % aujourd’hui. Cette zone est considérée comme prioritaire, car c’est le grenier à blé du pays. »

La coopération fonctionne d’autant mieux que « le Niger a une stratégie de contre-insurrection particulièrement efficace », qui vise à « sécuriser les populations et permettre le retour de l’État dans les zones contestées par les groupes terroristes », renchérit le général Baratz.

Au Mali, malgré d’indéniables victoires tactiques françaises contre les groupes armés, le pouvoir politique n’est jamais parvenu à réimplanter son autorité dans les zones semi-désertiques ratissées par Barkhane. Et l’armée nationale (FAMa) est restée fragile, malgré les efforts pour l’aguerrir depuis des années.

Désormais, les domaines de coopération s’étendent au domaine aérien, au gré des besoins nigériens. « La BAP, à l’époque de Barkhane, avait beaucoup moins d’interactions avec les Nigériens. Une bascule s’est vraiment opérée avec le retrait du Mali », constate l’adjoint au partenariat de combat, le lieutenant-colonel Fabien.

Drones et avions de chasse français décollent quotidiennement de Niamey pour appuyer les opérations nigériennes au sol. Et un séminaire a récemment réuni Français et Nigériens sur l’usage de leurs drones respectifs – Reaper américain pour les premiers, Bayraktar turc pour les autres. « Au fur et à mesure que l’armée nigérienne montera en puissance, l’objectif est d’adapter notre dispositif à la baisse », promet le commandant des forces françaises au Sahel.

L’idée générale est d’être les plus légers possible. Avec les avions de transport A400M, on peut assez facilement renforcer un dispositif ponctuellement. Il est possible d’imaginer être moins présents, d’uniquement conserver le nécessaire pour répondre aux besoins de formation et de partenariat de ces pays. Certains sont plus demandeurs d’exercices et d’entraînement conjoints, sur des courtes périodes, plutôt que d’avoir de gros contingents permanents de soldats français chez eux.

C’est un peu le modèle que l’on veut promouvoir : ne plus être visible sur le temps long. Les parachutistes français viennent par exemple de mener une opération au Niger et ils repartent immédiatement en France.

Nous sommes environ 2 500 au Sahel, dont 1 500 au Niger et 1 000 au Tchad. Au fur et à mesure que l’armée nigérienne montera en puissance, l’objectif est d’adapter notre dispositif à la baisse. En 2025, les forces armées nigériennes (FAN) auront déjà de solides capacités, d’autant que le Niger a une stratégie de contre-insurrection particulièrement efficace. D’autres partenaires occidentaux sont également à leurs côtés.

La Source: Le Point

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