
Africa-Press – Niger. Le Niger se trouve à un tournant critique alors qu’il se prépare à organiser un dialogue national visant à guider le pays dans sa transition politique actuelle et à fixer la durée de la période de transition entamée avec le renversement du président civil, Mohamed Bazoum, en 2023.
A noter que le Niger est l’un des nombreux pays de la région du Sahel où l’armée a pris le pouvoir par le biais de coups d’État ces dernières années, tandis que les menaces et les attaques terroristes se poursuivent.
Compte tenu de la complexité de son paysage sociopolitique, le succès de ce dialogue pourrait bien ne pas être garanti.
Toutefois, le présent article va tenter d’examiner les conditions nécessaires à la réussite du dialogue, ainsi que les obstacles potentiels auxquels il pourrait être confronté.
• Un Dialogue national fixé du 15 au 19 février
En effet, le ministère nigérien de l’Intérieur et de la Décentralisation, le général de brigade Mohamed Toumba, en poste depuis le coup d’État du 26 juillet 2023, a annoncé que le régime militaire au pouvoir organiserait du 15 au 19 février un « Dialogue national », visant notamment à fixer la durée de la période de transition.
D’après des informations publiées par certains médias à ce sujet, le ministère a révélé la date dans un communiqué lu à la télévision d’Etat dans la soirée du samedi 8 du mois courant, ajoutant que ce dialogue se tiendra dans la capitale, Niamey.
Pour rappel, peu après sa prise du pouvoir, le chef du conseil militaire, le général Abdourahamane Tiani avait annoncé, en août 2023, l’organisation d’un « dialogue national global » pour déterminer les priorités de gouvernance et la durée de la période de transition.
Il avait parlé à l’époque d’une durée maximale de trois ans, mais il n’a plus abordé la question depuis.
Néanmoins, des consultations ont eu lieu au début de l’année dernière dans les huit régions du pays pour établir les bases des réunions de la semaine à venir, tandis qu’un comité national a été déjà formé par décret présidentiel pour superviser les travaux de cet important dialogue qui se déroulera sur quatre jours, et dont le principal objectif vise à élaborer un « projet initial de charte de transition ».
La réunion avait attendu prés de trois semaines plus tard pour soumettre un projet de « rapport final » au général Tiani.
• Lancement du processus d’organisation de ce dialogue national
Dans un nouveau développement qui reflète les orientations des autorités au pouvoir au Niger depuis le coup d’État survenu au mois de juillet 2023, les autorités militaires ont publié un décret exigeant que « les organisations non gouvernementales harmonisent leurs activités avec la vision et les priorités du nouveau gouvernement ».
Ce décret, qui a été publié le vendredi 7 février dernier, stipule la création d’un comité sous la supervision du ministre de l’Intérieur pour suivre et s’assurer que les interventions des ONG sont cohérentes avec les quatre axes stratégiques fixés par le Conseil militaire dirigé par le général Abdourahamane Tiani. Ces axes comprennent notamment:
-/- le renforcement de la sécurité et de la cohésion sociale,
-/- le développement des bases de la production pour parvenir à la souveraineté économique,
-/- le soutien à la bonne gouvernance,
-/- et le renforcement de l’identité nationale.
Ledit comité sera chargé de suivre les activités des organismes sur le terrain, d’examiner leurs rapports annuels et d’évaluer leur conformité aux nouvelles directives gouvernementales.
Par ailleurs, le décret a conféré au comité « de larges pouvoirs » pour évaluer les performances des organisations et recommander des mesures punitives si nécessaire, y compris la suspension ou le retrait des licences d’exploitation.
• La durée de transition au Niger et le mauvais œil dirigé vers les ONG soulèvent toujours des questions
Il importe de rappeler que les autorités nigériennes avaient annoncé, deux mois après le coup d’Etat militaire de 2023, la suspension des activités des ONG, organisations internationales et agences onusiennes dans des zones d’opérations militaires « en raison de la situation sécuritaire du moment ».
Certes, les zones concernées n’ont pas été précisées, mais selon le bureau local de l’agence humanitaire de l’ONU (Ocha), les localités autour de Banibangou, Sanam, Anzourou et Bankilaré, situées toutes dans la région de Tillabéri, sont visées, en raison de la « recrudescence de la présence et d’activités » des groupes armés.
Dans le même contexte, les Nations unies d’Amérique avaient voulu prendre contact avec les militaires après cette décision pour « mieux comprendre ce que cela signifie et quelles sont les conséquences pour l’activité humanitaire ».
Il ne faut pas oublier que les États-Unis avaient auparavant critiqué « la longueur des périodes de transition au Niger et dans un certain nombre de pays du Sahel », soulignant à ce propos qu’ils sont préoccupés par le retard croissant des périodes de transition dans ces pays.
Et à l’époque, les USA avaient appelé à la nécessité de continuer à promouvoir la justice, l’État de droit et l’utilisation équitable des ressources nationales au profit des pays, au lieu de finir dans les poches de certains dirigeants ou d’être exploitées par des gouvernements étrangers.
• Suspension de la Croix-Rouge
Dans le même ordre d’idées, les autorités nigériennes ont récemment demandé au Comité international de la Croix-Rouge de « quitter le pays » sans fournir de justifications claires, suscitant une vive inquiétude dans les cercles internationaux quant à l’avenir du travail humanitaire au Niger.
Cette décision pourrait être liée à des tensions politiques, des questions de souveraineté ou des désaccords sur les opérations humanitaires.
D’ailleurs, bien avant l’expulsion signifiée au CICR, le Niger avait retiré en novembre 2024 les licences d’exploitation de l’organisation française ACTED et de l’organisation locale « Action Pour le Bien-être », sur fond d’accusations de non-respect des politiques gouvernementales.
Dans des déclarations antérieures, le général Mohamed Toumba, ministre de l’Intérieur et haut responsable du conseil militaire, a déclaré que « les ONG n’ont jamais développé aucun pays, et leur aide n’a jamais développé aucun pays. Nous pouvons accepter cette aide, mais nous devons l’orienter en fonction de nos priorités ».
« Certaines ONG ont des liens avec des partenaires qui nous font la guerre à travers des missions subversives ou un soutien indirect à des groupes terroristes », a-t-il ajouté.
Cette décision soulève plusieurs questions sur la mesure dans laquelle ces nouvelles politiques affecteront la situation humanitaire dans un pays confronté à de graves défis sécuritaires et économiques, notamment à la lumière des attaques continues des groupes armés liés à Daech et à Al-Qaïda, depuis plus d’une décennie.
Ces développements suscitent également des inquiétudes quant à un déclin de l’action humanitaire au Niger et à une détérioration des conditions de vie des groupes les plus vulnérables, compte tenu du resserrement de l’étau sur les organisations qui fournissent un soutien essentiel dans les domaines de la santé, de l’éducation et de l’alimentation.
• Dialogue national sur la transition au Niger: perspectives et défis
L’objectif principal du dialogue national est d’établir un consensus sur la future structure de gouvernance et de rétablir la stabilité après la période de transition. Il vise à unifier les différentes factions politiques et à renforcer la confiance du public dans le gouvernement. En outre, le dialogue vise à résoudre les problèmes socio-économiques urgents qui ont émergé au milieu des divers troubles politiques.
A- Principaux acteurs
Pour que le dialogue réussisse, il doit impliquer un large éventail de parties prenantes, notamment les partis politiques, la société civile, les communautés locales et les partenaires internationaux. Chaque groupe représente des intérêts et des perspectives divers, et leur participation active est essentielle pour la légitimité.
B- Obstacles potentiels
Plusieurs obstacles peuvent entraver le succès du dialogue:
-/- Tout d’abord, des rivalités politiques bien ancrées peuvent entraver la collaboration et les compromis entre les parties prenantes,
-/- Ensuite, des préoccupations sécuritaires persistantes, notamment les menaces de groupes extrémistes, peuvent limiter la participation et contribuer à un climat de crainte,
-/- Troisièmement, le défi consistant à assurer une représentation équitable des groupes marginalisés exige une planification et une attention minutieuses.
-/- Quatrièmement, la question relative à la situation du président déchu « Mohamed Bazoum », sachant que le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a appelé le Niger à le libérer. Cette demande s’inscrit dans le cadre des préoccupations internationales concernant le respect des droits de l’homme et de l’État de droit au Niger.
Mohamed Bazoum étant le premier président arabe à avoir dirigé le Niger, et le premier président à être arrivé au pouvoir à travers des élections sans coup d’État militaire, puisqu’il a été élu en février 2021 après avoir occupé le poste de ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, dont il a démissionné pour se présenter à la présidence.
Les Nations Unies ont confirmé que Bazoum et son épouse Khadija sont soumis à une détention arbitraire et empêchés de communiquer avec le monde extérieur, considérant cela comme une violation flagrante des lois.
Dans le même contexte, l’équipe de défense de Bazoum a appelé à sa libération immédiate, accusant les autorités de l’isoler du monde extérieur et d’empêcher toute visite ou communication avec lui. L’équipe de défense a appelé également la communauté internationale et les organisations de défense des droits de l’homme à intervenir et à faire pression sur les autorités de Niamey pour qu’elles libèrent le président déchu.
Les autorités nigériennes n’ont pas encore répondu officiellement à cet appel. La situation reste encore tendue, avec des implications locales, régionales et internationales significatives.
C- Soutien et coopération internationale
Le rôle des entités internationales ne peut être sous-estimé. Le soutien d’organisations telles que l’Union africaine et la CEDEAO peut fournir des orientations et des ressources essentielles. Cependant, le recours à l’aide extérieure risque également de compromettre l’appropriation locale du processus de dialogue.
Dans ce contexte, le Chef de la diplomatie nigérienne, Bakary Yaou Sangaré, a évoqué dernièrement le « flou » entourant la possibilité de la suspension de l’adhésion du Niger à l’Union africaine (UA), et à l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), soulignant que Niamey « ne cherche à plaire à aucune partie extérieure et que sa seule loyauté est envers le peuple ».
Sangaré a indiqué que les sanctions imposées par les Nations Unies « ont constitué le plus grand défi au niveau international », mais selon lui, le Niger « les a traitées avec succès, provoquant une confusion évidente chez l’opposant », faisant référence aux opposants au coup d’État militaire à l’intérieur et à l’extérieur du continent.
D- Conclusion
Si le dialogue national du Niger sur la transition offre une opportunité de changement significatif, son succès dépend de la planification stratégique, d’un véritable engagement des parties prenantes et d’une gestion efficace des défis externes et internes.
Il importe de rappeler que la situation au Niger et dans le Sahel reste volatile, avec un risque d’expansion des groupes terroristes vers les pays côtiers d’Afrique de l’Ouest (comme le Bénin, le Togo et la Côte d’Ivoire).
La stabilisation de la région nécessitera une approche réelle et globale, combinant renforcement militaire, sécuritaire, social et économique.
La prise en compte de ces éléments peut ouvrir la voie à un avenir plus stable et plus cohérent pour la nation nigérienne.
Pour plus d’informations et d’analyses sur la Niger, suivez Africa-Press