
Anouar CHENNOUFI
Africa-Press – Niger. Il importe de noter que si l’Iran produit actuellement suffisamment d’uranium pour les besoins de son programme nucléaire, le régime iranien n’a jamais caché sa volonté d’augmenter ses capacités à une échelle plus industrielle, nécessitant pour ce faire de plus grandes quantités de ce produit.
Parler d’un éventuel accord entre le Niger et l’Iran pour obtenir de l’uranium n’est pas nouveau car en mars dernier des responsables américains ont affirmé que Washington avait déjà accusé Niamey de négocier secrètement un accord avec Téhéran.
Dans ce contexte, l’Iran, profitant du déclin occidental au Niger, qui vient d’expulser la plupart des forces occidentales présentes sur son territoire, et ce en rupture avec sa politique ancienne qui durait depuis des années, a mené des négociations pour l’acquisition de 300 tonnes d’uranium brut pour 56 millions de dollars.
Des informations publiées sur divers sites ont rapporté que « le plan en cours de négociation inclut l’engagement de Téhéran de fournir des générateurs électriques de grande capacité à Niamey pour combler le déficit énergétique du pays, en plus de soutenir les efforts de transformation agricole lancée par le Niger en échange de l’uranium ».
Il faut reconnaître que cette évolution intervient à un moment où les puissances occidentales craignent une pénétration iranienne dans la région du Sahel africain, d’autant plus que Téhéran joue plusieurs cartes dans ses efforts pour consolider son implantation, comme ce qu’est en train de faire Moscou.
• Quand l’Iran défie l’Occident
Photo de l’ancien président Hassan Rohani lors de la « journée du nucléaire » à Téhéran (2020)
Les discussions sur un éventuel accord entre le Niger et l’Iran dans le domaine de l’uranium ont fait surface de manière remarquable au cours du mois de mars 2024, malgré que les Etats-Unis, qui entretenaient des relations sereines avec le Niger, regardent avec méfiance ce qui se passait dans « ce pays qui nage sur d’importantes ressources naturelles », avant même l’arrivée des formateurs et conseillers militaires russes à Niamey.
La secrétaire adjointe du bureau des Affaires africaines, Molly Phee, qui s’est rendue au Niger en mars dernier, où elle s’est entretenue avec des responsables militaires du gouvernement nigérien à propos de l’accord avec l’Iran, ainsi que de l’arrivée imminente de matériel militaire russe, n’a pas caché l’agacement des autorités de son pays à ce sujet.
Selon certains observateurs et experts des affaires africaines, « Les négociations en cours entre les autorités iraniennes et nigériennes sur la fourniture de 300 tonnes d’uranium à Téhéran représentent un message de défi lancé à l’Occident, qui tente de faire pression sur Niamey par tous les moyens ».
Les mêmes sources ont ajouté que: « L’Occident a tenté de tordre le bras à la junte militaire au Niger à travers des blocs régionaux comme la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), mais a échoué dans ce pari, estimant qu’ « expulser les Américains du pays, négocier avec l’Iran et solliciter ouvertement l’aide de la Russie dans le domaine de la sécurité, sont des questions qui perpétuent le fossé entre Niamey et l’Occident. », poursuivant que « l’Occident n’a pas compris le message du 26 juillet, selon lequel il y a une nouvelle génération de dirigeants sur le point de se lever au Niger, comme dans l’ensemble du Sahel africain, qui a commencé à s’insurger contre l’hégémonie occidentale et veut établir dorénavant des partenariats entre pairs », soulignant que l’Iran fera tout ce qui est en son pouvoir pour y parvenir, et s’efforcera d’obtenir avec succès cette quantité d’uranium.
• Ce que l’on reproche à l’Iran
Centrale d’enrichissement de l’uranium en Iran
Le problème n’est pas de compenser les investissements français, car l’Iran a la capacité de le faire, mais le danger réside dans les conséquences sécuritaires pour le Niger et pour l’ensemble de la région. Autant que l’Iran cherche à obtenir de l’uranium, autant qu’il cherche à trouver un pied en Afrique, en lui transférant probablement ses crises et en lui créant des zones de conflit.
L’occident a toujours pointé du doigt l’Iran et ses stratégies dans toutes les régions où il met pied à terre économiquement ou militairement, soulignant que les pays du Moyen-Orient en sont la meilleure preuve. Pour les pays occidentaux, Téhéran crée des tensions partout où il est présent, mais sa présence au Niger, qui souffre d’un état de fragilité et de faiblesse, va accroître les crises dans l’ensemble du Sahel.
Tous pensent que « l’Occident ne pardonnera pas cette démarche au Niger, et Washington aurait mis en garde contre les conséquences de cet accord. La réponse sera certainement dure et augmentera l’état de faiblesse que le Niger connaît déjà et qui va probablement aggraver son isolement. L’Iran ne peut pas compenser l’Occident sur les plans sécuritaire, militaire et économique, car l’Iran n’offre rien à ses partenaires et amis.
• Que peut-il se produire à l’horizon avec un rapprochement Niger – Iran ?
Bakari Yaoun Sangaré (Chef de la diplomatie au Niger) reçu en 2023 par l’ancien président iranien Ibrahim Raissi (tué dans le crash de son hélicoptère)
Il n’échappe pas aux observateurs que le Niger a récemment semblé s’orienter fortement vers la Russie en recherchant l’aide de formateurs et de conseillers militaires à un moment où le pays est confronté à une sécurité fragile, et ses tentatives de conclure un accord sur l’uranium avec l’Iran pourraient accroître la colère occidentale à son égard.
Bien que les sanctions occidentales imposées par des blocs régionaux comme la CEDEAO dans le passé n’aient pas réussi à dissuader ses chefs militaires, les cercles politiques et les observateurs avertissent que la conclusion d’un accord avec l’Iran pourrait placer le Niger dans une confrontation directe avec l’Occident.
Néanmoins, le Niger se trouve obligé d’abord de sortir de sa crise et de restaurer la stabilité sur son territoire, puis de réfléchir à des transactions qui pourraient lui apporter de nombreux problèmes inutiles, car le problème des pays africains dans leur ensemble est la dépendance et la transition d’une puissance particulière à une autre, et ce ne sera pas le cas.
Il se peut qu’il n’y ait jamais de solution aux problèmes de l’Afrique, mais cela fera d’eux des pays dépendants et de simples pions dans les batailles des autres, c’est pourquoi l’on juge que la présence iranienne n’est pas moins dangereuse que la présence occidentale dans une région déjà tendue et connue pour des conflits multiples et divers.
Cette question sera donc un facteur d’instabilité, et non de stabilité, et l’économie nigérienne ne bénéficiera en rien de cet accord car le problème semble bien être plutôt la rancune nigérienne envers l’Occident. Les intérêts des pays ne procèdent pas de cette façon, et le Niger ne peut pas affronter l’Occident ni supporter aucune forme de sanctions, car la junte militaire est tenue de traiter avec sagesse les différentes factions et les dossiers d’une manière qui sert les intérêts les plus élevés du Niger et d’aucun autre.
• Quels sont les objectifs de l’Iran du point de vue « uranium nigérien » ?
Au point où en sont les choses, et malgré le démenti du Niger, les milieux américains et occidentaux ont confirmé tout de même détenir des renseignements indiquant que la junte militaire de Niamey envisageait de conclure ledit accord avec l’Iran, qui lui donnerait l’accès à certaines de ses énormes réserves d’uranium.
C’est pourquoi les responsables occidentaux craignent que grâce à cet accord, l’Iran serait capable d’obtenir des importations incontrôlées d’uranium, ce qui lui permettrait de développer plus facilement son programme visant à se doter de l’arme nucléaire. Une étape qui pourrait également lui ouvrir la porte pour étendre son influence en Afrique.
Pourtant, l’accord entre les deux pays n’a semble-t-il pas été encore finalisé, alors que les responsables occidentaux tiennent à confirmer que les discussions entre les deux pays à propos de ce dossier ont atteint un stade très avancé.
Toutefois, pour beaucoup, cela pourrait accroître l’instabilité dans la région du Sahel et la propagation des milices, dans un environnement déjà peuplé de nombreux groupes armés, sachant que la question a suscité des inquiétudes à Washington et à Paris.
Pour rappel, l’uranium est le principal produit d’exportation du Niger et, selon l’Association nucléaire mondiale, basée au Royaume-Uni, le Niger fût classé septième producteur mondial d’uranium en 2022, produisant environ 200 tonnes d’uranium, d’une part.
D’autre-part, des rapports publiés il y a plus de dix ans, faisaient état d’une visite effectuée à Niamey par Mahmoud Ahmadinejad (Président de la république islamique d’Iran du 3 août 2005 – 3 août 2013)
Les autorités nigériennes avaient alors tenté de nier toute accusation liée à la coopération nucléaire avec Téhéran, en raison des nombreuses sensibilités soulevées par les activités nucléaires iraniennes au sein de la communauté internationale.
On pense aussi que le Niger pourrait être considéré comme une cible légitime par le gouvernement israélien.
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