Africa-Press – Niger. Le siège de l’Ukraine par les armées de Vladimir Poutine focalise l’attention mais l’Europe n’est pas seulement défiée sur son flanc est. Elle est aussi dangereusement exposée au sud. La Russie, la Chine et la Turquie avancent leurs pions en Afrique, en tirant parti du désintérêt américain, du déclin du prestige français et de la difficulté de l’Union européenne à s’installer comme un partenaire légitime.
Les trois puissances autocratiques, en quête d’un renouveau de leur grandeur passée, poursuivent des objectifs multiples : accroître leur influence mondiale ; investir dans un continent d’avenir ; sécuriser de précieuses ressources minières ou agricoles ; répandre leur modèle de gouvernement autoritaire. Elles se donnent aussi les moyens d’exercer un chantage sur l’Europe, en pesant sur son approvisionnement énergétique et sur les flux migratoires futurs.
Leur offre satisfait la demande de dirigeants africains qui souhaitent diversifier leurs protections, échapper à la tutelle d’anciennes puissances coloniales – la France en premier lieu – ou se soustraire aux critiques occidentales contre les violations des droits humains. Plusieurs d’entre eux apprécient l’expérience de Vladimir Poutine, Recep Tayyip Erdogan et Xi Jinping à museler les oppositions ou à transformer les élections en mascarades.
Dans cette ruée vers l’Afrique, la Russie a pris une longueur d’avance. Réanimant de vieux réseaux datant de l’époque soviétique, elle se rend indispensable auprès de régimes autoritaires en confortant leur emprise régionale (Égypte), en leur vendant des armes (Algérie), en leur envoyant des mercenaires pour écraser des guérillas (Centrafrique), en les protégeant contre des révoltes populaires (Guinée), voire en leur fournissant une aide pour conquérir le pouvoir (le camp du maréchal Haftar en Libye).
La fin annoncée de l’opération militaire française Barkhane vient de sanctionner le basculement du Mali dans la sphère d’influence russe. Dans le Burkina Faso voisin, la nouvelle junte militaire est elle aussi liée aux intérêts de Moscou. À mesure que la Françafrique s’efface, la Russafrique la remplace.
Frères musulmans
Erdogan entend lui aussi se tailler un pré carré, souvent en imitant Poutine, voire en le contrant, comme en Libye où son appui a permis en 2020 au camp gouvernemental de faire échec à l’offensive du maréchal Haftar sur Tripoli. La Turquie a désormais des bases militaires permanentes en Libye et en Somalie. Elle est l’un des principaux investisseurs étrangers en Algérie. Elle a vendu des drones à la Tunisie en 2020 et au Maroc en 2021. Elle a conclu un accord de défense avec le Niger. Grâce au soutien financier du Qatar et au maillage des Frères musulmans en Afrique du Nord et au Sahel, elle exporte ses préoccupations géopolitiques moyen-orientales, en contrecarrant ici ou là l’action des Émirats arabes unis et de l’Arabie saoudite qui usent, eux, de réseaux wahhabites.
La Chine, pour sa part, est depuis des années le premier partenaire commercial de l’Afrique. Elle se profile de plus en plus en fournisseur de stabilité́, pour protéger les régimes locaux d’insurrections ou d’ingérences. Elle utilise l’arme de la dette pour s’assurer des fidélités politiques et investit massivement dans les infrastructures, y compris dans les ports. Elle a ouvert une base militaire à Djibouti et préparerait l’ouverture d’une deuxième en Guinée équatoriale, sur l’Atlantique. En attendant une troisième sur le littoral de la Méditerranée ?
La France est sur la défensive. Son échec au Mali a souligné les limites de sa puissance, mais aussi ses grandes difficultés à mobiliser l’Europe et l’Afrique derrière elle, dès lors qu’elle donne à ses partenaires l’impression de ne se soucier que de ses intérêts nationaux. Elle paye des années de condescendance et de mauvais calculs.
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