Mahamane Ousmane face à Mohamed Bazoum : quels seront les défis du successeur d’Issoufou ?

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Mahamane Ousmane face à Mohamed Bazoum : quels seront les défis du successeur d’Issoufou ?
Mahamane Ousmane face à Mohamed Bazoum : quels seront les défis du successeur d’Issoufou ?

Africa-PressNiger. Ce 21 février, le Niger choisit le successeur de Mahamadou Issoufou, entre Mohamed Bazoum et Mahamane Ousmane lors du second tour de la présidentielle. Quel que soit le vainqueur, les défis seront nombreux, de l’éducation à la sécurité, en passant par la lutte contre la corruption.

À Niamey, une chose est certaine : à la fin de février 2021, Mahamadou Issoufou ne sera plus le président du pays. Au pouvoir depuis 2011, réélu en 2016, il a en effet respecté sa promesse de ne pas transgresser la Constitution, qui limite à deux le nombre de mandats présidentiels.

Aux lendemains du second tour, qui a lieu dimanche 21 février, l’actuel chef de l’État laissera donc la place à Mohamed Bazoum, candidat du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS, au pouvoir) arrivé en tête du premier tour avec 39,33% des suffrages, ou à l’opposant Mahamane Ousmane, arrivé en deuxième position avec 17 % des voix.

Dans l’entre-deux-tours, le jeu des alliances a battu son plein avec, semble-t-il, un avantage à l’ancien ministre de l’Intérieur. Ce dernier, qui organisé un grand meeting le 14 février à Zinder, a vu se rallier derrière lui Seini Oumarou et Albadé Abouba, respectivement arrivés en troisième et quatrième position du premier tour. Mais Mahamane Ousmane espère déjouer les pronostics et les mathématiques électorales.

Avec le soutien de Hama Amadou, empêché de se présenter mais patron officieux des anti-Bazoum, d’Ibrahim Yacouba, cinquième du premier tour, et de l’ancien putschiste Salou Djibo, il travaille à rassembler l’opposition, tout en espérant que les ralliements à son adversaires ne fonctionneront pas à plein. Du 16 au 19 février, il s’est engagé dans une série de meetings, dont le dernier doit avoir lieu, tel un point d’orgue, dans son fief de Zinder.

Parviendra-t-il à faire mentir les pronostics qui le donnent perdant ? Quel que soit le successeur de Mahamadou Issoufou, qui travaille déjà depuis plusieurs mois à sa reconversion et à la création d’une fondation, celui-ci aura fort à faire. Le Niger est en effet frappé de plein fouet par les crises sécuritaires dans le Sahel, en Libye ou dans le bassin du lac Tchad, et fait face à l’État islamique, dans le Grand Sahara ou en Afrique de l’Ouest (Boko Haram).

Ambitions pétrolières

Face aux critiques, qui l’accusent d’avoir sacrifié l’éducation, la santé et la lutte contre la corruption au profit d’une sécurité relative, Issoufou et le PNDS ont mis en avant la construction d’hôpitaux de référence dans la capitale, à Maradi et prochainement à Tahoua, mais aussi celle de la centrale hydroélectrique du barrage de Kandadji (130 MW) et d’un oléoduc (de 2 000 km vers le Bénin) qui pourrait permettre au pays de passer d’une production de 20 000 à 500 000 barils de brut par jour d’ici à 2030.

Les ambitions pétrolières nigériennes ont notamment pour objet de soutenir un secteur de l’agriculture qui représente plus de 40 % du PIB, occupe près de 80 % de la population active, mais demeure vulnérable aux changements climatiques.

Niamey, qui s’est notamment fortement rapproché de la Turquie (laquelle a beaucoup investi dans le domaine des infrastructures aéroportuaires, routières ou hôtelières), espère également attirer toujours plus d’investisseurs étrangers. Entre 2016 et 2019, les investissements directs étrangers sont ainsi passés de 155 milliards à 340 milliards de F CFA, selon les autorités.

Des enjeux sécuritaires toujours prégnants

« Avec le début prévu des exportations de pétrole en 2022 et le maintien de la vigueur de l’investissement, à moyen terme, la croissance devrait être de 9 % en moyenne », a conclu le FMI lors d’une mission virtuelle en septembre 2020.

Selon le Fonds, dès 2021, l’économie devrait atteindre 6,9 % de croissance, malgré les contrecoups de la pandémie de Covid-19. L’État traîne cependant toujours un déficit budgétaire de 5,8 %, dû aux dépenses de santé – en particulier en contexte de pandémie – et de sécurité. Quel que soit l’heureux élu à l’issue de la prochaine présidentielle, il n’aura donc pas tout à fait les coudées franches.

D’autant que les enjeux sécuritaires demeurent. Les jihadistes ont ainsi frappé à plusieurs reprises le long de la frontière malienne en 2020 et font peser une menace constante dans la zone des trois frontières, entre le Niger, le Burkina Faso et le Mali. Cent personnes ont encore été tuées le 2 janvier dans les attaques de deux villages de l’ouest du pays, Tchoma Bangou et Zaroumadareye.

Sous tension permanente, le Niger, par ailleurs engagé au sein du G5 Sahel (coalition regroupant la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad), dépense toujours entre 15 % et 20 % de son budget dans le secteur de la défense, un effort qui ne devrait a priori pas faiblir, dans un contexte où la France ne fait pas mystère de sa volonté de revoir, à terme, son engagement sahélien à la baisse.

Le futur président nigérien devra en outre montrer une attention toute particulière à son ministère de la Défense, durement frappé en 2020 par le scandale. Selon un audit diligenté à la demande de Mahamadou Issoufou par l’Inspection générale des armées, pas moins de 76 milliards de F CFA (116 millions d’euros) y auraient été détournés entre 2013 et 2016 à l’occasion de commandes d’armement.

Ces détournements présumés, qui auraient eu lieu alors que de hautes personnalités du parti au pouvoir étaient chargées du ministère de la Défense, sont actuellement entre les mains d’un juge d’instruction à Niamey. L’opposition et la société civile mettent la pression pour que justice soit faite et que les responsables soient effectivement traduits devant les tribunaux.

« L’opposition fait de cette affaire une exploitation extensive, voulant donner de nous une image répugnante », avait déclaré Mohamed Bazoum à Jeune Afrique peu avant le premier tour de la présidentielle. « Je n’ai pas la réputation de quelqu’un d’impliqué dans des affaires, et je sais ce qu’il faut faire pour éviter les pièges. Je demanderai à mes ministres d’avoir le même comportement », avait-il ajouté.

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