NIGER : Pourquoi les forces militaires européennes ont-elles cherché à se repositionner dans ce pays ?

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NIGER : Pourquoi les forces militaires européennes ont-elles cherché à se repositionner dans ce pays ?
NIGER : Pourquoi les forces militaires européennes ont-elles cherché à se repositionner dans ce pays ?

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Niger. Il est important de s’interroger sur la raison du choix du Niger comme point d’appui des opérations militaires anti-terroristes européennes au Sahel au lieu du Mali.

-Pourquoi donc les forces militaires françaises et européennes cherchent-elles une alternative au Mali ?

-Pourquoi leur choix s’est-il fixé sur le Niger, voisin du Mali ?

En réponse à ces deux questions « trop pertinentes », nous devons d’abord revenir sur deux grands chapitres liés à la situation dans cette région du Sahel africain, à savoir :

1- L’importance géostratégique du Niger,

2- Les répercussions du repositionnement des forces militaires européennes au Niger.

Dans ce contexte, nous constatons que ces deux points paraissant les plus « essentiels » dans ce chois sont entourés des 5 arguments et objectifs suivants :

Importance géostratégique du Niger

• A- La richesse minérale du Niger

Ce pays occupe par exemple la quatrième place mondiale dans la production d’uranium avec 7,8 % de la production mondiale, couvre l’équivalent d’environ 12 % des besoins de l’Union européenne, et dispose également de réserves de charbon de grande qualité dans le sud et l’ouest du pays, alors que les réserves pétrolières sont estimées à 324 millions de barils.

• B- L’augmentation des opérations terroristes au Niger

Là où le pays a enregistré la deuxième plus forte augmentation du nombre de décès dus à des opérations terroristes de 257 morts en 2020 à 588 en 2021, soit une augmentation de 129%, ce qui le classe, cette année 2022, pour la première fois, parmi les dix pays qui ont enregistré le plus grand nombre d’attaques terroristes meurtrières dans le monde, malgré la stabilité du nombre d’attaques terroristes entre 2020 et 2021, ce qui indique la létalité et le caractère sanglant de ces attentats qui ont causé le troisième plus grand nombre de morts parmi les civils en 2021.

A noter que les opérations terroristes se sont concentrées dans cinq des huit régions du Niger, au cours desquelles la région de Tillabéri, située au niveau de frontière malo-burkinabè à l’ouest du pays, a enregistré environ la moitié des attentats terroristes dans le pays, et environ 61% du nombre des victimes des attentats terroristes en 2021, ce que le président nigérien « Mohamed Bazoum » a souligné dans sa première déclaration après le retrait des forces Barkhane et Takuba, que l’objectif actuel est de sécuriser les frontières occidentales du Niger.

Cela s’ajoute à la concentration de 72% des attentats terroristes au Burkina Faso, au nombre de 216 en l’an 2021, dans la zone frontalière entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso (le Triangle de la Mort), ce qui a causé 732 morts, soit une augmentation de 11% par rapport à l’année précédente, et que l’équivalent de 70% des attentats terroristes au Mali ont eu lieu dans la zone frontalière concernée, ce qui fait de la frontière ouest nigérienne la plus chaude et la plus touchée par les opérations terroristes dans le pays.

Ainsi, le 22 avril 2022, le Parlement nigérien a adopté à la majorité absolue une loi permettant le déploiement de nouvelles forces étrangères dans le pays pour lutter contre le terrorisme, et le président Bazoum a également précisé que les nouvelles bases où seront stationnées les forces françaises et européennes ne seront pas loin des villes maliennes de Ménaka et de Gao, ce qui implique une réduction de la gravité des risques liés au retrait franco-européen du Mali, et un souci d’être stationné à proximité du théâtre des opérations, ainsi qu’à proximité des développements sécuritaires en cours dans les pays du Golfe de Guinée.

• C- Le choix du Niger comme point central des forces européennes est que Berlin dispose déjà d’un centre logistique au Niger, représenté par la base aérienne de Niamey,

• D- Le Niger est un État démocratique dirigé par un président élu, ce qui en fait un modèle idéal pour le partenariat afro-européen fondé sur les principes et valeurs européennes de démocratie et de respect de l’autre opinion, en plus de la profondeur des relations Niger-Europe ; Moscou n’a pas encore franchi le seuil du pays, contrairement au Mali.

• E- L’autre raison est liée aux craintes européennes que les migrants et réfugiés nigériens prennent le chemin de la migration vers l’Europe.

Là où le Niger enregistre le déplacement d’environ 264.000 Nigériens, environ 28.000 personnes déplacées vivent dans la région d’Olam et les zones voisines, et le Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a indiqué qu’il y a plus de 250.000 réfugiés des pays voisins au Niger. En plus du rapport des partenaires des Nations Unies, selon lequel plus de 17.600 personnes ont été déplacées vers le Niger au cours du seul mois de mars.

On estime également que 6,8 millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire chronique et ne reçoivent pas suffisamment de nourriture, sachant que le Plan de réponse humanitaire du Niger pour 2022 est financé à 8,7%, ce qui soulève des inquiétudes sécuritaires quant aux répercussions sur la sécurité alimentaire au Niger et le nombre élevé de personnes déplacées, de migrants et de réfugiés, ce qui explique l’annonce par la ministre allemande des Affaires étrangères « Annalena Baerbock » que Berlin se concentrera sur la discussion du problème de l’approvisionnement alimentaire et qu’il a fourni environ 100 millions d’euros d’aide aux personnes déplacées, et fournira environ 15 millions d’euros supplémentaires pour lutter contre la crise alimentaire, ce qui indique la tendance de Berlin à augmenter le volume de son aide au développement et humanitaire aux pays du Sahel lors de la prochaine étape, et bien sûr au cœur de celle-ci se trouve le Niger. En effet, le Niger peut prétendre occuper un rang avancé dans la liste des pays bénéficiant des programmes de développement allemands.

Répercussions du repositionnement des forces militaires européennes au Niger

Le retour de l’attention sur le Niger par les partenaires du Sahel dans la lutte contre le terrorisme comme l’un des principaux points de concentration des puissances européennes, et non comme l’un des pays sahéliens touchés par la croissance de l’activité terroriste et les alliés de l’Europe dans la lutte contre le terrorisme, suscite une discussion sur les répercussions possibles d’une concentration militaire européenne au Niger, dont :

1- Les voix nigériennes s’opposant au stationnement franco-européen au Niger dans le but de lutter contre le terrorisme s’intensifient, avec l’expérience française de lutte contre le terrorisme au Mali rappelée dans les esprits de la société nigérienne et les acquis et pertes qu’elle a encourus, ce qui est attesté

par les manifestants dans la ville de Tira, à l’ouest du Niger, qui se sont opposés à un convoi militaire français le 27 novembre 2021, exprimant leur rejet de la présence française sur ses terres, suivi de la dénonciation par Bazom de la campagne lancée contre l’opération Barkhane dans la région.

2- Le stationnement militaire européen au Niger pourrait provoquer des groupes terroristes et les amener à intensifier leurs opérations au Niger, incitant ainsi la société nigérienne contre la présence franco-européenne sur ses terres et attisant le sentiment anti-français, ainsi que contre les puissances européennes, et ses répercussions sur la position populaire sur les dirigeants du pays, et également sur le taux de stabilité, surtout à la lumière des multiples modèles de coups d’État militaires africains comme la pire voie, qui, même si elle n’était pas censée se traduire dans la réalité à court ou moyen terme, mais il ne peut être certain qu’elle sera difficile à traduire à long terme .

3- L’autre répercussion potentielle est liée aux relations afro-africaines tendues, notamment entre le Mali et le Niger sur fond de retrait franco-européen du Mali, et au soutien nigérien à la politique franco-européenne de lutte contre le terrorisme dans la région du Sahel, ce qui signifie diviser le conflit africain dans les politiques anti-terroristes, et ce qui s’est clairement incarné dans la déclaration du Mali du 16 mai 2022 « le retrait de toutes les instances du groupe G5 Sahel, y compris la force conjointe de lutte contre le terrorisme, et ses répercussions sur les efforts afro-africains de lutte contre le terrorisme dans ladite région.

Finalement, il nous semble bien que la scène dans le Sahel africain se dirige vers plus de complexité en ce qui concerne les relations afro-africaines, contrairement aux relations malo-franco-européennes, et cela devrait assombrir les évolutions de la scène politique et sécuritaire dans la région, et notamment au Niger, qui impose au président nigérien « Mohamed Bazoum » et au chef du Conseil militaire au Mali, Assimi Goïta, la nécessité de privilégier le langage du dialogue avec le reste des pays sahéliens, neutralisant les enjeux qui pourraient soulever des divergences entre les deux parties et donner la priorité à l’intérêt suprême de l’Afrique, tout en maintenant un mécanisme de coordination et de coopération entre elles et le reste des pays de la région, même après le retrait du Mali du G5 Sahel, quoique dans le sens le plus étroit des limites.


La région chaude du Sahel africain

Ce grand « chantier sahélien » n’est pas encore à sa fin, bien au contraire, la région ne sera point en sécurité, et il faudrait s’attendre, probablement, à l’explosion de la « cocotte-minute ».

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