Que Vise L’Accord de Coopération Militaire Signé entre le Niger et le Nigeria en Dehors de L’Aes ?

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Que Vise L’Accord de Coopération Militaire Signé entre le Niger et le Nigeria en Dehors de L’Aes ?
Que Vise L’Accord de Coopération Militaire Signé entre le Niger et le Nigeria en Dehors de L’Aes ?

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Niger. Nous avons vu utile de revenir quelques semaines en arrière pour évoquer l’accord de coopération militaire signé entre le Niger et le Nigeria, le mercredi 29 août 2024, deux pays voisins qui ont décidé de redynamiser leurs relations pour la sécurité de la région du Sahel, après le gel de leurs relations qui a duré un peu plus d’un an.

Dans ce contexte, la visite d’une délégation de haut niveau conduite par le chef d’Etat-major de l’armée nigériane à la capitale du Niger, Niamey, a confirmé ce nouveau rapprochement sécuritaire, comme l’a expliqué ci-après le Dr Omar Bah, enseignant et chercheur au Centre d’études diplomatiques et stratégiques de Paris.

« Il s’agirait plutôt d’une correction du parcours diplomatique et stratégique entre les deux pays frères, qui ont clairement pris conscience que la menace terroriste constitue un danger quasi existentiel pour chacun d’eux, et même au-delà, pour tous les pays et peuples du Sahel en tant qu’espace géopolitique déstabilisé par les logiques de la criminalité transnationale.

Le protocole d’accord a été signé entre les deux pays, avec comme objectif principal « renforcer la coopération sécuritaire entre eux », lors de la visite du chef d’état-major de l’armée du Nigéria, le général Christopher Gwabin Musa, à Niamey.


Le général Christopher Gwabin Musa (Nigéria)

Il importe de rappeler que les deux pays sont en désaccord depuis plusieurs mois à la suite du coup d’État survenu au Niger en juillet 2023, qui a conduit à la prise du pouvoir par l’armée sous la houlette du général Abderrahmane Tiani, chef du Conseil national de protection de la patrie (CNSP).

La rencontre de haut niveau entre le général Christopher Musa, et son homologue nigérien, le général Moussa Salaou Barmou, s’inscrit donc dans le cadre du processus de normalisation des relations entre Niamey et Abuja.

• Que mentionnait le communiqué conjoint publié par les deux parties

Le colonel major Suleyman Mussa, chef du bureau des opérations de l’armée du Niger, a déclaré dans un communiqué publié en marge de la réunion que: «Les discussions ont porté sur l’approfondissement des relations bilatérales fraternelles entre le Niger et le Nigeria, et sur les possibilités de renforcer la coopération dans le domaine de la sécurité ».

A noter que la reprise de la coopération entre les deux pays intervient sur fond de crise entre la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Alliance des États du Sahel (AES).

Le Niger et le Nigeria ont plutôt compris qu’il leur faut cette coopération sécuritaire, aussi bien que diplomatique, judiciaire, socio-économique et géostratégique mutuelle sans laquelle il serait très difficile voire impossible de ramener la paix et de consolider davantage la sécurité et la stabilité mutuelles dans ce contexte de menaces permanentes des groupes armés dans la région.

D’ailleurs, cette « fenêtre d’opportunités » a été déjà prévue dans les textes régissant l’AES, car cette institution tripartite s’est dite ouverte à coopérer avec les autres États qui le voudraient, et en cas d’entente mutuelle, ou avec l’un d’entre eux.

• Pour une coopération pour la stabilité et la sécurité dans la région du Sahel

Les deux délégations ont souligné la nécessité de maintenir et d’élargir:

-/- la coopération existante, y compris les opérations militaires conjointes,

-/- le partage de renseignements et la coordination tactique,

-/- l’engagement à travailler ensemble pour sécuriser les frontières entre les deux pays contre la prolifération des armes.

La délégation nigérienne a mis l’accent sur le fait que: « La partie nigérienne a réitéré que le Nigeria est connu dans le monde entier pour son adhésion aux principes de bon voisinage et qu’il ne sera pas manipulé dans l’intention de déstabiliser le Niger ou l’un de ses pays voisins », ajoutant qu’il est prêt « à reprendre une participation effective à la coopération sécuritaire dans le cadre de la force hybride ou multinationale ».

Dans cette optique, la réunion a permis aux hauts responsables militaires des deux pays de parvenir à un accord pour se rencontrer ultérieurement pour discuter des modalités de reprise de la coopération bilatérale en matière de sécurité, sachant qu’une invitation a été adressée au général Moussa Salaou Barmou à se rendre à Abuja dans les prochains jours.

• Que signifie donc un tel accord militaire pour la région du Sahel ?

Il serait utile d’avouer que cette initiative bilatérale de rapprochement entre les deux pays est une excellente nouvelle pour la région, laquelle souffre de la prolifération de groupes armés qui lancent des attaques contre d’autres pays, selon les experts et observateurs des affaires africaines.

Au lieu de créer des soupçons mutuels, les deux pays concentreront leurs énergies sur la sécurité dans toute la région du Sahel et organiseront leurs forces pour réduire ces menaces.

L’analyste nigérien Issoufou Boubacar Kado estime que le problème n’existe plus, car selon lui: « L’armée nigérienne a confirmé qu’elle ne se souciait plus de certaines personnes extérieures au continent africain, ce qui signifie que le Nigeria va continuer à renforcer ses relations économiques, diplomatiques et sécuritaires avec le Niger… C’est le but de la visite des dirigeants au Niger, notamment pour renforcer les relations militaires entre les deux pays… Le problème est désormais résolu ».

Même si certains estiment que ce rapprochement risque de jeter une ombre sur les relations entre les pays du Sahel, Kado rejette cet avis. Selon lui, il n’y a aucun problème entre les pays du Sahel et le Nigeria.

« Au contraire, le protocole signé entre les deux pays frères et voisins renforce la coalition sahélienne », dit-il, ajoutant dans le même contexte que: « Les gens ont compris où se situent leurs intérêts. Je ne pense pas qu’il y ait de problème avec cela. Pour le moment, la confédération des Etats du Sahel ne peut que se renforcer », a-t-il déclaré, soulignant que le Nigeria n’a aucun intérêt à avoir des problèmes avec la confédération, car le Nigeria est la puissance économique de l’Afrique de l’Ouest. « Je pense que la logique a prévalu, alors ils ont commencé à reprendre leurs esprits. » selon l’analyste.

Il ne faut pas oublier que le Niger et le Nigeria étaient déjà en alliance avec le Tchad et le Cameroun au sein de la Force multinationale mixte (FMM) dirigée par le Nigéria qui combat Boko Haram dans la région du lac Tchad.

Le nouvel accord signale l’intention du Niger de s’engager à nouveau activement dans la coopération en matière de sécurité dans le cadre de la FMM, selon le communiqué rendu public à l’occasion, et ce, pour lutter contre la criminalité transfrontalière.

• Nigéria – Niger: Le nouveau départ avait commencé depuis Mars 2024

Les présidents nigérien et nigérian: Tiani et Tinubu

Dans le cadre du rétablissement des relations de bon voisinage et de fraternité entre le Nigéria et le Niger, le président nigérian, Bola Ahmed Tinubu, et président en exercice de la CEDEAO, avait ordonné la levée de toutes les sanctions économiques imposées au Niger, et ce, depuis mars 2024.

Le président nigérian avait également demandé l’ouverture immédiate des frontières, la reprise des vols commerciaux et la fourniture d’électricité au Niger, 8 mois après la transformation politique du pays, représentée par la prise du pouvoir par la junte militaire et l’expulsion du colonialisme français.

Par ailleurs, le président nigérian avait déclaré à cette date, dans un tweet sur la plateforme ‘X’:

« J’ai ordonné que les sanctions suivantes imposées à la République du Niger soient levées immédiatement:

• Fermeture des frontières terrestres et aériennes entre le Nigéria et la République du Niger, ainsi que la zone d’exclusion aérienne de la CEDEAO sur tous les vols commerciaux à destination et en provenance de la République du Niger.

• Suspension de toutes les transactions commerciales et financières entre le Nigéria et le Niger, ainsi que gel de toutes les transactions de services, y compris les services publics et l’électricité vers la République du Niger.

• Gel des avoirs de la République du Niger dans les banques centrales de la CEDEAO et gel des avoirs de la République du Niger, des entreprises publiques et des sociétés parapubliques dans les banques commerciales.

• Suspension du Niger de toute assistance financière et de toute transaction avec toutes les institutions financières, notamment la BIDC et la BOAD.

• Interdiction de voyager pour les fonctionnaires du gouvernement et les membres de leur famille ».

Le Mot de la fin

Il reste à savoir ce qu’en pensent les autres membres de la Confédération des Etats du Sahel dudit accord de coopération militaire conclu entre le Niger et le Nigéria, et si cette dernière planifie déjà son ralliement à la confédération tripartite ou non.

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Niger, suivez Africa-Press

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