Corsair Renoue Avec le Succès Grâce à l’Afrique

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Corsair Renoue Avec le Succès Grâce à l'Afrique
Corsair Renoue Avec le Succès Grâce à l'Afrique

Par Salimata Koné

Africa-Press – Niger. La reconstruction de Corsair passe par l’Afrique entre une hausse des fréquences, un quasi-monopole sur Bamako et une présence renforcée à Abidjan. Une relance rentable, qui pourrait être freinée par l’instabilité sahélienne et le regard scrutateur de Bruxelles sur les aides publiques françaises perçues en 2020.

Une compagnie de retour dans le vert. Après dix ans de pertes et de restructurations, Corsair semble avoir retrouvé un modèle plus stable. Longtemps pénalisée par une flotte vieillissante, des pertes structurelles – jusqu’à 35 millions d’euros en 2018 – et le choc de la pandémie de Covid‐19, la compagnie a annoncé, le 1er décembre, un résultat net de 15,1 millions d’euros pour la période 2024‐2025, contre 1,1 million lors de l’exercice précédent.

Avec un chiffre d’affaires de 712 millions d’euros, Pascal de Izaguirre, PDG de la compagnie, s’est félicité de ces performances jugées encourageantes. Selon lui, ces résultats confirment la pertinence de la stratégie de transformation engagée depuis plusieurs années: flotte entièrement renouvelée, produit plus attractif, expérience client renforcée et nouveaux services pour l’ensemble des passagers.

Les performances de Corsair sont largement portées par ses lignes africaines, en particulier Abidjan, Bamako et Cotonou. En cinq ans, ces destinations ont contribué à sécuriser les revenus, à mieux répartir les risques commerciaux et à remettre la compagnie sur une trajectoire de croissance.

Entre 2020 et 2025, les fréquences vers le Mali et le Bénin ont doublé, de trois à six vols hebdomadaires selon les saisons, tandis que la Côte d’Ivoire est passée à sept, voire neuf rotations par semaine en été. Ces destinations, alimentées par d’importantes diasporas installées en France, ont-elles directement contribué aux excellents résultats de Corsair? Contactée par Jeune Afrique, la compagnie s’est refusée à tout commentaire.

Abidjan: une concurrence stimulante

À Abidjan, Corsair affronte une concurrence frontale d’Air France et d’Air Côte d’Ivoire sur une liaison parmi les plus fréquentées de la région, avec plus de 400 000 passagers par an depuis Paris. Le trafic lié aux voyages d’affaires, nourri par la croissance économique ivoirienne (6,3 % en 2025 selon le FMI), et combiné à une forte circulation de la diaspora, garantissent des taux de remplissage élevés et une rentabilité régulière. C’est pourquoi les trois pavillons effectuent 28 vols hebdomadaires (quatorze Air France, sept Corsair et sept Air Côte d’Ivoire).

De quoi saturer la ligne? « Il n’y a pas beaucoup de route dans le monde avec trois opérateurs, mais tout dépend du nombre de rotations effectuées par chacune d’entre elles », poursuit le spécialiste. La situation pourrait devenir critique si Air Côte d’Ivoire, dont les dirigeants militent pour une répartition qu’ils jugent plus équitable du trafic, obtient 14 créneaux vers Paris et parvient à réduire à 14 les 21 vols de la semaine des Français. « Air Côte d’Ivoire milite pour que les autres lui fassent de la place. Si la compagnie arrive avec une offre très conséquente, cela peut déstabiliser un petit peu le marché », poursuit le spécialiste.

Pas de quoi intimider Pascal de Izaguirre, pour qui la concurrence sur la ligne Paris-Abidjan est « saine ». « La concurrence c’est l’émulation par le produit, la qualité des programmes de vol, les tarifs. Nous disons donc bienvenue, et puis chacun fera jouer ses arguments », expliquait-il à TourMag en octobre, au moment du lancement de l’offre Abidjan-Paris d’Air Côte d’Ivoire.

Bamako, un marché dopé par le retrait d’Air France

Pour Corsair, un tournant majeur est intervenu en août 2023, lorsqu’Air France s’est retiré de Bamako sur fond de tensions diplomatiques. La compagnie se retrouve alors en quasi‐monopole sur un marché porté par une diaspora très active – plus de 105 000 personnes en France – et une demande régulière. Pour Sylvain Bosc, directeur général de l’affréteur Avico et expert en aérien, le départ d’Air France a été « une aubaine pour Corsair ». « Il y a une forte demande sur cette route [Paris-Bamako] toute l’année. Cette liaison est donc rentable pour la compagnie », poursuit-il. Pour une compagnie en quête de stabilité, Bamako est donc devenu un actif stratégique.

La desserte du Mali devient toutefois de plus en plus complexe pour la compagnie, qui ne peut plus survoler l’Algérie pour rejoindre Bamako. Les vols sont désormais contraints de passer par le Maroc et la Mauritanie avant d’entrer dans l’espace malien, un détour qui allonge les temps de parcours et augmente les coûts pour l’ensemble des transporteurs de la région. Pascal de Izaguirre, interrogé par nos confrères d’Opinion Internationale en septembre, concède que sa compagnie est tributaire des crises géopolitiques. « Dans l’aérien, nous sommes habitués à nous adapter », a-t-il confié.

S’ajoute à cela l’expansion des groupes jihadistes, dont le blocus du JNIM sur le carburant, qui asphyxie l’économie malienne et provoque des pénuries. Dans ce contexte, Corsair réduit au maximum le temps passé au sol à Bamako: débarquement rapide, nettoyage express, puis continuation vers Cotonou.

Bientôt le Cameroun?

Contrairement à Bamako et Abidjan, Cotonou est un marché plus modeste (840 000 passagers en 2024, contre 1,2 million au Mali et 2,8 millions en Côte d’Ivoire), avec Air France en concurrent direct depuis Paris. Le Bénin mise toutefois sur le tourisme pour croître: objectif 2 millions de visiteurs d’ici 2030, portant la contribution sectorielle de 6 % à 13,4 % du PIB. Bénin Tourisme gère un fonds de 2 milliards d’euros (plan décennal) pour financer hôtels, musées, patrimoine et formation des acteurs du secteur.

Ces trois marchés représentent une part non négligeable dans les recettes long-courriers de Corsair. Leur croissance a permis d’amortir les effets de la saisonnalité en Europe et dans les Antilles. Hormis la zone Uemoa, Corsair dessert l’Île Maurice et Madagascar.

Le Cameroun pourrait rejoindre la liste des destinations du réseau africain. Selon le ministre des Finances Louis-Paul Motaze, des discussions ont été engagées pour une future ouverture vers Douala ou Yaoundé, à travers une co-entreprise avec Camair-Co.

Cette relance reste néanmoins fragile. La Commission européenne examine toujours le plan de soutien français de 106 millions d’euros accordé en 2020, et un avis défavorable pourrait remettre en cause l’équilibre financier retrouvé, voire contraindre la compagnie à rembourser une partie des aides, au risque d’effacer une partie des progrès accomplis.

Source: JeuneAfrique

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