Cybersécurité : l’Afrique en quête de solutions

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Cybersécurité : l’Afrique en quête de solutions
Cybersécurité : l’Afrique en quête de solutions

Africa-Press – Niger. Les cyberattaques se sont multipliées partout sur le continent africain ces dernières années. La riposte s’organise enfin.

es 15 et 16 avril derniers, les arcanes du légendaire Sofitel Ivoire d’Abidjan accueillaient la 4e édition du Cyber Africa Forum. Ce rendez-vous au croisement du secteur tech et de la politique a su, au fil des années, s’imposer comme l’un des grands événements dédiés aux questions numériques sur le continent. Au programme notamment les nouvelles perspectives offertes par l’IA, mais, au gré des panels et des « keynotes » de décideurs, une ligne claire se dessine: celle du besoin urgent de sécurité au sein de l’écosystème numérique africain.

Un continent confronté au même niveau de menace

Si certains ont pu un temps considérer l’Afrique comme moins menacée d’un point de vue numérique, dans les faits, il n’en est rien. Le continent connaît une vivacité spectaculaire de l’économie du digital et le smartphone est désormais solidement ancré dans le quotidien de ses habitants. Pour le docteur Youssef Mazouz, expert international et secrétaire général du Centre africain de cybersécurité (CAC), « limiter géographiquement la menace cyber n’a aucun sens, car à l’échelle du monde le réseau formé par l’ensemble de nos connexions ressemble à un tout petit village ».

Bien au contraire, la faible réglementation de la vie numérique et de la gestion des données en fait un terrain de jeu de plus en plus prisé par certaines organisations cybercriminelles. Au mois d’août dernier, l’agence Interpol avait annoncé l’arrestation en Afrique de l’Ouest d’une centaine de personnes liées aux activités de Black Axe, un groupe criminel né en 2007 au Nigeria et spécialisé dans les attaques visant des entreprises. Une menace d’autant plus insaisissable puisque les membres de ces organisations internationales très structurées ne connaissent pas de frontières.

Preuve s’il en est du risque qui plane, la récente attaque en mars 2024 du site ivoirien de la Grande Parfumerie Gandour, acteur incontournable de la cosmétique africaine. Plus de 280 gigaoctets de données et 200 000 documents ont ainsi été dérobés. Incident plus grave encore, celui d’ENEO – principale société de distribution d’électricité du Cameroun –, victime d’un vol de données en janvier dernier, et qui avait interrompu le service de rechargement pour les usagers. Si les contours de l’incident et de sa résolution restent pour l’heure confidentiels, il s’agirait probablement d’un « ransomware », soit un chantage financier pour espérer récupérer ce qui a été subtilisé par l’attaquant.

Les enjeux du stockage des données et de l’éducation

La capacité de réponse à ces menaces qui peuvent viser des infrastructures critiques est donc « primordiale dans un monde qui dépend chaque jour un peu plus du numérique », pour reprendre les mots d’Ibrahim Kalil Konaté, ministre ivoirien de la Transition numérique et de la Digitalisation. L’un des fondements de la cybersécurité repose sur la capacité des acteurs à disposer de leurs données. À ce titre, l’Afrique est particulièrement exposée puisque seulement 2 % de la data produite par sa population est hébergée sur le continent.

Ce besoin pressant pour les pouvoirs publics fait l’objet de fortes disparités entre les pays. Au royaume du Maroc par exemple, chaque administration de l’État a pour obligation de stocker ses données sur des serveurs localisés sur le territoire national et appartenant à une entité marocaine. Ce détail a son importance, « on ne parle pas de la position géographique d’un data center mais toujours de son propriétaire. Pour limiter le risque, la propriété doit être africaine », précise le docteur Mazouz. Bien que d’autres États soient beaucoup moins avancés en la matière, des initiatives voient le jour pour changer la donne.

C’est le cas du Niger où Aïssata Chanoussi, directrice sécurité de l’Agence nationale pour la société de l’information (Ansi), porte depuis 2021 un vaste projet de numérisation et d’accès aux services publics pour les Nigériens allant du retrait d’un diplôme à une demande d’allocations. « Pour gérer les données de nos citoyens, nous avons mis en place un data center géré à 100 % par l’Ansi. » De la même manière, « le développement de villages intelligents sur notre territoire a été pensé pour réduire la fracture numérique des ruraux et surtout sensibiliser ces nouveaux internautes aux risques d’arnaques ». Mais Mme Chanoussi insiste également sur l’éducation au plus haut niveau: « Avertir nos décideurs et gagner leur adhésion en faveur de plus de sécurité est l’assurance de préserver nos administrations du risque cyber. »

Un marché en plein essor

Comme en témoignent les nombreux stands du CAF, les solutions se bousculent désormais pour subvenir à la demande en cybersécurité. L’offre compte notamment des acteurs solidement implantés dans le paysage africain comme la filiale cyberdéfense de l’opérateur français Orange. L’antenne en Côte d’Ivoire propose deux segments: l’installation de son logiciel Micro-SOC pour protéger les appareils d’une entreprise et un service d’intervention en cas de cyberattaque. À ses côtés, d’autres géants se démarquent comme la société de conseil Deloitte ou l’américain Cybastion, tous deux présents en Afrique de l’Ouest.

Parmi les clients figurent en premier lieu les banques et les compagnies financières, mais les États représentent eux aussi d’immenses parts de marché. En endossant progressivement leur rôle de régulateur du numérique, ceux-ci seront amenés à mettre en œuvre davantage de protocoles de sécurité pour donner l’exemple et protéger leurs citoyens. C’est ainsi que, en Côte d’Ivoire, le groupe local SNEDAI s’est vu confier l’enregistrement des visas et des passeports grâce à sa maîtrise de la technologie biométrique.

À plus grande échelle, c’est une guerre du stockage qui se joue. META, Microsoft, Huawei ou encore Orange rivalisent d’ambition pour équiper l’Afrique en data centers. Ces multinationales vendent moins une solution qu’une architecture numérique globale. En attendant, le boom de la cybersécurité pourrait créer de nombreux emplois dans un marché du travail trop souvent bouché pour les jeunes générations. L’intérêt de la formation et de l’éducation réside ici, car en matière de numérique, l’ignorance est le plus grand danger. C’est du moins ce qui s’est murmuré tout au long de ce forum.

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