Younes Addou, le « Monsieur agrobusiness » d’InnovX (OCP) qui veut faire de l’Afrique le grenier du monde

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Younes Addou, le « Monsieur agrobusiness » d’InnovX (OCP) qui veut faire de l’Afrique le grenier du monde
Younes Addou, le « Monsieur agrobusiness » d’InnovX (OCP) qui veut faire de l’Afrique le grenier du monde

Bilal Mousjid

Africa-Press – Niger. Cheville ouvrière du géant marocain des phosphates dans le domaine agricole, l’ingénieur à la tête d’une filiale dédiée à l’innovation et la sécurité alimentaire est convaincu que la solution pour y parvenir viendra du continent. Et s’attache désormais à le démontrer à travers des projets pionniers, notamment en Côte d’Ivoire.

Alors qu’il possède 60 % des terres arables non exploitées dans le monde, le continent demeure un net importateur de produits alimentaires avec une facture qui devrait atteindre 110 milliards de dollars en 2025, selon la Banque africaine de développement (BAD). Un paradoxe qui recèle toutefois une immense opportunité: la possibilité pour l’Afrique de devenir un grenier de la planète, dont la population est appelée à atteindre 10 milliards d’habitants en 2050.

Pour avoir contribué en 2016 à créer OCP Africa, une filiale du géant marocain des phosphates qui se consacre au développement durable en Afrique, Younes Addou a fait de ces enjeux une mission voire une vocation. À plus forte raison depuis qu’il a été nommé, en octobre 2023, comme vice-président « agrobusiness et solutions durables » d’InnovX, bras armé d’OCP en matière d’innovation au service de la sécurité alimentaire et de la transition énergétique.

Filiale de l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P), l’entreprise capitalisée à près de 2 milliards de dirhams (187 millions d’euros) se donne en effet pour objectif de « relever les défis globaux de la durabilité et de contribuer au leadership technologique du Maroc«. En Afrique subsaharienne, elle aspire même à être le moteur de la révolution verte qui s’annonce.

« L’objectif est de contribuer à travers InnovX, [et] à l’échelle du groupe OCP, à apporter des solutions durables en matière de sécurité alimentaire. Sans que cela ne se fasse au détriment de l’environnement, l’agriculture étant malheureusement un grand contributeur aux émissions de CO2 », résume Younes Addou, que Jeune Afrique a rencontré en mai dans le cadre de l’Africa CEO Forum, tenu à Kigali les 16 et 17 mai.

La méthode Addou

Ingénieur – comme son frère Abdelhamid Addou, patron de la compagnie Royal Air Maroc –, ce lauréat de l’École polytechnique de Montréal et de HEC Paris est passé par BNP Paribas, PwC France et le fonds Abraaj Capital avant de rejoindre en 2012 le groupe dirigé par Mostafa Terrab, où il a occupé différents postes – notamment celui de vice-président finance d’OCP Africa.

Une expérience qui lui permet d’appréhender le sujet de la sécurité alimentaire sous tous les aspects. Dans sa mission, l’homme peut compter aussi sur l’expertise de la Société financière internationale (IFC), la filiale de la Banque mondiale en charge du secteur privé, qui a lancé aux côtés d’InnovX, en octobre, une plateforme de financement agricole visant à « construire et soutenir des systèmes de production et de distribution alimentaire durable » sur le continent.

« C’est une plateforme d’incubation, de développement, de « de-risking » [atténuation des risques], d’investissement et de financement. Pour la lancer avec l’IFC, nous avons un constat très simple: dans un contexte où les enjeux de sécurité alimentaire s’accroissent, la population mondiale devant atteindre 10 milliards d’individus en 2050, l’Afrique est la solution à ces problèmes », développe-t-il.

Dans ses pays d’intervention, la plateforme ne néglige aucun maillon de la chaîne de valeur: identification des acteurs de la chaîne, accès aux financements, à la formation, aux intrants ou encore aux marchés… Toutes les problématiques sont disséquées dans le but d’identifier les « champions » du secteur. « Un champion est un agrégateur avec autour de lui des dizaines de milliers de fermiers. En tant que plateforme, nous n’avons pas vocation à parler à chacun de ces fermiers. Nous nous concentrons donc sur cet agrégateur pour comprendre ce dont il a besoin afin de l’accompagner [sur la question] de [la] transformation. S’il doit augmenter ses capacités, nous l’aiderons là-dessus. Nous interviendrons également pour “dérisquer” son investissement », détaille Younes Addou.

Pour accompagner ces milliers de fermiers, la plateforme s’appuie sur les synergies avec l’UM6P, notamment dans la formation, sur le groupe OCP, en tant que sponsor et fournisseur d’intrants qui répondent spécifiquement aux besoins des cultures, mais également avec l’IFC, qui apporte financement, expertise et formation. « Pour l’assistance technique, nous avons aussi des partenariats en cours d’élaboration avec des agences de développement internationales européennes, asiatiques et américaines. Tous les maillons de la chaîne de valeur sont ainsi couverts: de l’amont à l’aval, à travers la distribution, la certification qualité et la gestion carbone », rembobine le vice-président spécialiste de l’agrobusiness.

La Côte d’Ivoire, fer de lance subsaharien

En moins d’un an, InnovX a déjà semé les graines d’une économie circulaire locale en Côte d’Ivoire autour des chaînes de valeur de la noix de cajou et du riz. « Nous avons déjà réalisé les analyses pour tout le processus, commencé à identifier les premiers agrégateurs et débloqué les premiers financements, notamment ceux qui concernent la chaîne de valeur de la noix de cajou », nous confie Addou. Parmi les solutions de financement proposées: du partage de risques à travers l’IFC qui garantit 50 % de ceux pris par Bank of Africa-Côte d’Ivoire sur les lignes de financement destinées à ces projets.

Désormais, la filiale de l’UM6P étudie même la possibilité de produire du biochar (charbon végétal utilisé également dans la lutte contre le réchauffement climatique) à partir de coques de cajou. « Il peut améliorer les rendements, mais aussi séquestrer le carbone. Il y a des études qui démontrent que l’utilisation du biochar peut séquestrer le carbone durant des milliers d’années. Nous nous engageons donc dans cette voix-là, en réponse au défi climatique », révèle l’ingénieur, qui regrette que le rôle de l’agriculture dans le réchauffement climatique soit peu abordé dans le débat public. « Selon un rapport de la banque mondiale, nous émettons, tous secteurs confondus, 52 gigatonnes de gaz, soit 52 milliards de tonnes. À elle seule, l’agriculture en représente 31 %. Par exemple, l’émission par les vaches de méthane, qui est plus nocif que le CO2, y joue un rôle aussi », illustre-t-il.

À travers la plateforme créée avec l’IFC, InnovX veut également réaliser un travail pionnier sur les données, autre parent pauvre du secteur: « Nous nous sommes rendu compte que les principaux freins aux financements de l’agriculture en Afrique, c’est la data. Nous n’y avons pas accès. » Le groupe s’attelle déjà à collecter toutes les données relatives aux chaînes de valeurs concernées, avant de les partager dans le but de créer un réseau de partenaires académiques, avec notamment l’UM6P mais aussi avec des instituts agronomiques. Car au-delà de son rôle au sein d’InnovX, Younes Addou veut, « en tant qu’individu, laisser une planète saine pour nos enfants, une planète sur laquelle on pourra toujours vivre ».

Source: JeuneAfrique

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