L’éducation érigée en priorité par le nouveau président

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Africa-PressNigerPour Gilles Yabi, difficile de trouver le bon moment pour parler des questions les plus fondamentales, peut-être même simplement la plus fondamentale, pour l’avenir des pays africains, celle de l’éducation dans le sens le plus large du terme.

Il est difficile de s’extraire du flux d’informations sécuritaires, en particulier dans la zone sahélienne pour parler de l’état des systèmes d’éducation et de formation, de l’attention qu’on accorde aux enfants et aux jeunes, c’est-à-dire à la majorité de la population dans tous les pays d’Afrique de l’Ouest. En 2020, l’âge médian pour l’ensemble de la population africaine était d’environ 19,8 ans. Il était de 15,1 ans au Niger, c’est-à-dire que la moitié de la population y a moins de 15 ans.

Dans cette tranche d’âge, les enfants sont censés passer l’essentiel de leur temps à l’école ou dans leurs familles, en train d’apprendre, de développer les capacités extraordinaires de leurs cerveaux, l’agilité de leurs mains, la sensibilité de leurs êtres. C’est pendant ces années de petite enfance et d’enfance, on le sait, que l’essentiel de ce à quoi ressemblera leur vie se construit. C’est à ce stade que les inégalités de chances à la naissance, déjà énormes, se creusent souvent définitivement.

L’incendie d’une école le 13 avril dernier dans un quartier de Niamey en a fourni une illustration tragique. Vingt élèves, dont 19 en classe de maternelle, ont péri dans les flammes. Une école avec 25 salles de classes, sans clôtures, dans une ruelle marchande très encombrée. Autant dire sans aucun dispositif de protection des enfants.

Ce drame est survenu au moment même où la question de l’éducation a été érigée en priorité pour le nouveau président Mohamed Bazoum, qui a déclaré dans son discours d’investiture le 2 avril dernier qu’il allait s’en occuper personnellement au même titre que la sécurité. Cela va dans le bon sens ?

Oui, et l’affirmation de cette priorité donnée à l’éducation assortie d’un propos sans ambiguïté sur le lien entre éducation et démographie est assez rare. Le nouveau président nigérien a déclaré dans ce discours très solennel « que le faible taux de scolarité et le taux élevé des échecs scolaires ont pour effet de priver des contingents très nombreux d’enfants et de jeunes de réelle chance d’éducation », et que « c’est cette situation qui explique les mariages précoces des jeunes filles, la forte prévalence de la polygamie ainsi que la faible prévalence de l’utilisation des contraceptifs. 77% des filles sont mariées avant 18 ans et 28% avant 15 ans au Niger. Le président n’a pas hésité à parler d’un cercle vicieux.

Et connaît-on déjà les grands axes de son programme dans ce domaine ?

Il y a un certain nombre de priorités que le président a mentionnées : la réactualisation de la carte scolaire, la professionnalisation du corps enseignant, la réforme des curricula, la mise sur pied d’une équipe d’architectes innovants pour la conception d’un modèle alternatif de construction des classes moins cher et plus adapté en vue de mettre fin aux classes paillotes… Mais aussi la construction d’internats pour les jeunes filles pour réduire la proportion très élevée de filles qui sont retirées du système scolaire notamment lorsqu’elles doivent aller dans des collèges éloignés du village familial.

Il faudra examiner de près les détails de ces orientations, mais ce qui me semble prometteur, c’est que l’approche semble pragmatique.

On n’a pas d’autres choix au Niger comme dans les autres pays de la région que de rechercher les options les plus économes, les plus simples à mettre en œuvre, qui permettent de passer les savoirs, les savoir-faire et les savoirs-être les plus fondamentaux à un maximum d’enfants. Les ressources des États et des ménages resteront très limitées pendant encore longtemps et la cadence démographique signifie que les besoins d’encadrement éducatif continueront à s’accroître très rapidement. Pragmatisme, innovations frugales et débat public permanent sur les meilleures options me semblent être des principes cardinaux à adopter pour guider l’action.

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