A Bafoussam, les chefferies traditionnelles du Cameroun à l’heure de la CAN

17
A Bafoussam, les chefferies traditionnelles du Cameroun à l’heure de la CAN
A Bafoussam, les chefferies traditionnelles du Cameroun à l’heure de la CAN

Africa-Press – Niger. Sa Majesté reçoit au Palais des rois, un édifice du XIIIe siècle, implanté dans un îlot de calme et de verdure au milieu de la ville de Bafoussam. Njitack Ngompé Pélé est le 97e représentant d’une dynastie qui règne depuis plus de huit cents ans et a survécu à la colonisation puis à l’indépendance. « Mon rôle consiste à occuper des fonctions royales, c’est-à-dire celles d’un chef d’Etat, déclare t-il au Monde. Mais aujourd’hui, nous sommes contraints de suivre les lois de la République. A ce titre, nous aidons les pouvoirs publics à mieux administrer. J’ai par exemple la responsabilité d’encadrer la population sur le plan culturel, social ou économique. »

Bafoussam, troisième ville du Cameroun, est le chef-lieu du département de la Mifi et de la région Ouest. Avec environ 340 000 habitants, elle est l’agglomération la plus importante du pays Bamiléké, un peuple d’Afrique centrale. C’est là que se sont disputées plusieurs rencontres de la Coupe d’Afrique des nations (CAN), et où se déroule le derby d’Afrique de l’Ouest entre le Sénégal et Cap-Vert, aujourd’hui (17 heures). Dans cette région de hauts plateaux, rien n’aurait été possible sans l’accord du chef suprême.

Les dizaines de kilomètres de routes réalisés en vue d’accueillir la 33e CAN, ainsi que la construction du stade de 20 000 places, l’ont été grâce à sa « bénédiction » et plusieurs médiations. « Nous sommes les artisans de cette CAN, assure Njitack Ngompé Pélé, qui a accédé au trône en décembre 1988 après la mort de son père, Elie Ngompé Tchountchoua, monarque durant trente ans. Nous nous sommes battus et avons fait tout ce que nous pouvions pour faciliter le projet », notamment sur le plan foncier « car l’enceinte a été construite sur notre territoire ».

« Tout le savoir de nos ancêtres »

En pays Bamiléké, des dizaines de chefferies traditionnelles, extrêmement hiérarchisées, sont placées sous l’autorité du roi. Elles fonctionnent comme des micro-Etats. Parmi elles se trouve Baleng, un village de l’agglomération de Bafoussam composé de 18 sous-chefferies qui doivent assurer plusieurs grands rituels : initiations, purifications, parades… « Nous considérons l’aspect mystique des choses, explique le roi de Bafoussam que l’on appelle le Fo. Nous utilisons tout le savoir de nos ancêtres. Nous estimons qu’une panthère ou un lion, par exemple, n’apparaissent pas pour le plaisir mais pour nous transmettre un message. Lors de la cérémonie d’ouverture de la CAN, le chef d’Etat a respecté cela en montrant une vidéo où un lion rugissait au-dessus du stade d’Olembé. » Le cheval, lui, est un animal maudit car associé aux tentatives d’islamisation de la région par les guerriers Peuls au XVIIe siècle, et interdit sur une partie du territoire de Bafoussam.

Dans de nombreux domaines, les autorités locales, notamment les maires, doivent obtenir l’assentiment des chefferies traditionnelles pour s’assurer l’adhésion des populations locales. « Depuis 2012, le royaume Baleng est dirigé par son 21e roi, Fo Negou II, explique Pierre Hilaire Tassa Nofewe, responsable du patrimoine culturel de Baleng. Sur notre territoire, nous avons des sites et des sanctuaires spirituels que nous considérons comme des espaces sacrés qui servent de lieux de culte pour des pratiques rituelles. » Aux alentours de Baleng, on peut découvrir certaines clairières aménagées en lieux de sacrifices ou d’incantations.

Le roi intervient régulièrement dans le cadre de jugements coutumiers. « En cas de conflits entre personnes du peuple Bafoussam, ici ou au sein de la diaspora, je suis la première personne qui doit être saisie, indique Njitack Ngompé Pélé. Nous ne rendons pas une justice, mais nous faisons des conciliations entre les populations afin qu’elles participent au développement socio-économique. »

« Lac sacré »

Avec près de 114 000 cas de contamination et 1 867 décès depuis le début de la pandémie, le Cameroun est l’un des pays de la sous-région les plus touchés par le Covid-19 « même s’il ne compte qu’un faible nombre de cas sévères et de décès », reconnaît Yap Boum, représentant régional d’Epicentre, la branche Recherche et épidémiologie de Médecins sans frontières (MSF). Pour assister aux rencontres de la CAN, le gouvernement et la Confédération africaine de football avaient imposé la vaccination des supporters et la présentation d’un test PCR. Cette obligation est mal passée dans un pays où seulement 6 % de la population a reçu sa première injection, et où l’adhésion aux médecines traditionnelles est considérable.

Les chefferies locales ont dû jouer les intermédiaires. « L’Afrique a été moins touchée par le Covid-19 grâce à ses potions et aux mesures de prévention telles que les gestes barrières, édictées par notre gouvernement, répond le Fo. Aujourd’hui, nous avons vulgarisé ces potions afin que personne ne puisse les ignorer. Ceux qui ne peuvent pas y accéder peuvent évidemment se tourner vers la médecine moderne. »

A une dizaine de kilomètres du centre-ville de Bafoussam, au bout d’une piste en latérite qui se termine en cul-de-sac, se trouve un lac paisible entouré d’une végétation abondante. Depuis plusieurs siècles, on dit que le lac a des pouvoirs surnaturels. Selon la croyance, il suffirait de boire un peu de son eau en formulant un vœu pour qu’il se réalise. « J’ai demandé au lac sacré qu’il me trouve enfin un mari, assure Mariam, une supportrice du Sénégal. Je lui ai aussi demandé que les Lions de la Teranga gagnent la CAN. » Les Camerounais de Bafoussam ont demandé la même chose pour leur équipe.

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Niger, suivez Africa-Press

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here