Changement climatique : les abeilles sortent de leur nid plus tôt, une mauvaise nouvelle

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Changement climatique : les abeilles sortent de leur nid plus tôt, une mauvaise nouvelle
Changement climatique : les abeilles sortent de leur nid plus tôt, une mauvaise nouvelle

Africa-Press – Niger. Fonte des glaces, sécheresse, effondrement des écosystèmes… On ne dénombre plus les conséquences dramatiques du changement climatique sur la faune et la flore. On peut évaluer ces dérèglements par la phénologie, c’est-à-dire l’étude des événements périodiques du monde vivant en fonction du climat, comme la floraison, le changement des couleurs des feuilles, le départ des oiseaux migrateurs, la métamorphose des insectes… Par exemple, en mars 2021 à Kyoto (Japon), la floraison des cerisiers a eu lieu 10 jours plus tôt que la moyenne, et cette avance a été attribuée au réchauffement climatique.

Une étude britannique publiée dans la revue Evology and Evolution a analysé les données de 88 espèces différentes d’abeilles sauvages (à distinguer des abeilles domestiques, lire l’encadré en fin d’article pour en savoir plus) sur une période de 40 ans. Leur travail s’est porté sur le décalage phénologique causé par le réchauffement climatique, en particulier sur l’impact du réchauffement des printemps sur la date d’émergence des abeilles. Les chercheurs ont utilisé plus de 350.000 enregistrements individuels issus de la base de données de la BWARS (« Bees Wasps and Ants Recording Society », en français « Société d’enregistrement des abeilles, guêpes et fourmis »). Le fonctionnement de la BWARS est le suivant : si quelqu’un aperçoit une abeille, il peut renseigner l’espèce, le lieu et la date d’observation de l’animal sur cette base de données. Ces informations sont ensuite vérifiées par des experts.

Tout d’abord, les chercheurs se sont intéressés aux changements dans les dates d’émergences des différentes espèces d’abeilles sauvages. Au cours des 40 dernières années, l’émergence des abeilles sauvages a significativement lieu plus tôt chaque année. En particulier, 14 espèces émergent de leur nid avec une avance de 0,5 à 1,6 jour par an, ce qui est considérable puisque les abeilles sauvages vivent en moyenne entre 3 et 6 semaines.

Les chercheurs ont ensuite analysé les données du point de vue du réchauffement climatique. Plus les températures moyennes des printemps sont hautes, plus les dates d’émergences sont avancées. Bien que les résultats soient légèrement différents entre les espèces d’abeilles sauvages, les scientifiques ont calculé, en moyenne, un avancement de la date d’émergence des abeilles de 6,5 jours par augmentation de 1°C. Pour certaines abeilles sauvages, comme Sphecodes geofrellus, cette avancée est de presque trois semaines par degré supplémentaire dans la température atmosphérique.

Photographie d’une abeille sauvage Sphecodes geofrellus femelle butinant une fleur. Aussi appelée Geoffroy’s blood bee en anglais, les abeilles Sphecodes geofrellus émergent de leur nid presque 22 jours plus tôt à cause du réchauffement climatique. Crédit photo : Michel Rauch / Biosphoto / Biosphoto via AFP.

Des conséquences au-delà des abeilles

L’étude prédit que les abeilles vont progressivement sortir de leur nid de plus en plus tôt dans l’année, et ce, au fur et à mesure que les températures printanières continuent d’augmenter. Problème : ce réchauffement a un impact non seulement sur les abeilles, mais également sur tous les processus écologiques et les écosystèmes qui en dépendent, notamment sur la pollinisation.

De plus, comme les abeilles émergent plus tôt dans l’année, elles risquent de perdre la synchronisation avec les plantes dont elles dépendent. Les abeilles émergent de leur nid mais les plantes ne sont pas encore en fleurs. Il pourrait alors y avoir moins de nourriture à consommer pour elles. Mais cette dépendance va dans les deux sens, puisque certaines plantes ne sont pollinisées que par une seule espèce d’abeille. Il est ainsi nécessaire pour les plantes de rester temporellement coordonnées avec les abeilles qui les butinent, surtout pour celles qui ne fleurissent que sur une courte durée.

Enfin, l’arrivée fréquente de gelées en fin de printemps a des conséquences désastreuses sur la capacité des plantes à attirer leurs pollinisateurs. Certains pommiers pourraient ne pas être prêts à fleurir au moment où les abeilles émergent désormais. Auquel cas, les abeilles risquent de ne pas avoir l’énergie nécessaire pour polliniser efficacement les cultures, ou de manquer complètement la floraison des cultures.

Abeille domestique et abeille sauvage, quelles différences ?

Les abeilles domestiques (ou abeilles à miel) sont des abeilles utilisées par l’Homme et élevées à grande échelle en apiculture pour produire du miel et pour la pollinisation. Il existe quatre espèces d’abeilles domestiques. On connait surtout l’espèce Apis mellifera ou abeille mellifère européenne qui comporte 28 sous-espèces. Les abeilles domestiques vivent en colonies et construisent des nids pérennes en cire d’abeille.

L’abeille domestique traverse quatre grands stades de développement : l’œuf, la larve d’abeille, la pupe (ou nymphe) et l’imago (l’adulte). Il existe trois types d’individus : la reine qui pond des œufs, les mâles ou faux-bourdons qui produisent du sperme et les femelles ouvrières qui ne participent pas à la reproduction. Une fois que les œufs sont pondus par la reine, ils peuvent soit être haploïdes (avec un seul jeu de chromosomes), alors ils deviendront des faux-bourdons au bout de 24 jours, soit être diploïdes (avec deux jeux de chromosomes). Si les larves diploïdes sont nourries avec de la gelée royale, elles deviendront une reine au bout de 16 jours. Sinon, les larves diploïdes deviendront des ouvrières en 21 jours. Les reines ne quittent que très peu le nid au cours de l’année et peuvent vivre jusqu’à sept ans. Les autres abeilles mellifères ne vivent que quelques mois (et même moins de six semaines pour les ouvrières en été). Les ouvrières nées au printemps et en été passent leurs trois premières semaines à travailler dans la ruche et la suite à butiner à l’extérieur. En automne et en hiver, les ouvrières peuvent vivre plusieurs mois : elles entretiennent le nid et protègent la reine du froid. Les faux-bourdons naissent au printemps et meurent à la suite de l’acte de reproduction.

Quant aux abeilles sauvages, elles sont solitaires et ne produisent pas de miel. Elles ne vivent pas en colonies et nourrissent leurs propres larves avec du nectar et du pollen récoltés lors du butinage. Il existe des milliers d’espèces d’abeilles sauvages. Elles vivent dans des nids situés dans la terre ou hors-sol dans des fissures de rochers, bois mort, tiges de bois creux, trous d’aération des fenêtres, mobilier de jardin… Les abeilles sauvages participent activement à la pollinisation. En particulier, les fleurs de certaines plantes (trèfle, luzerne, tomate…) ne peuvent pas être pollinisées par les abeilles mellifères et dépendent des abeilles sauvages.

90% des abeilles sauvages n’ont pas de reine. Les abeilles sauvages et solitaires ont un cycle de vie annuel. Elles sortent de leur nid au printemps. Le déroulement et la durée du cycle de vie des abeilles sauvages dépendent des espèces. Prenons l’exemple de l’abeille rousse, Osmia Cornuta, une des premières abeilles sauvages à émerger du nid au cours de l’année. A la mi-mars, les adultes émergeront du nid, souvent situés dans des rainures de bois. Généralement, les mâles naissent avant les femelles car ils se sont développés dans des cocons situés plus à l’extérieur du nid. L’accouplement a lieu rapidement après la naissance, puis les femelles fécondées construisent un nouveau nid où elles stockeront du nectar et du pollen pour pouvoir y pondre des œufs. Une fois le nid choisi et nettoyé, les œufs pondus mettent une semaine à devenir des larves. Le stade larvaire peut durer entre quinze jours et un mois. Ensuite, la larve devient une nymphe, puis la métamorphose est achevée à la fin de l’été. S’ensuit une pause dans le développement qui dure tout l’automne et l’hiver. Et cela recommence à la mi-mars suivante : les premiers adultes émergent de nouveau.

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