le Niger bascule dans l’instabilité

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Africa-PressNiger. Trois jours de deuil national pour les cent villageois nigériens tués samedi 2 janvier. C’est la mesure de l’ordre du symbole qu’a décidé lundi le conseil national de sécurité exceptionnel, dirigé par le chef de l’État, Mahamadou Issoufou. « Ce massacre, le plus important en nombre perpétré sur notre sol, consacre la faillite de l’État qui n’a pas le pouvoir d’assurer la sécurité de ses citoyens », affirme depuis Niamey, Ali Idrissa du réseau des organisations pour la transparence et l’analyse budgétaire (Rotad).
« Une centaine de motos »
Les djihadistes sont venus à bord d’une « centaine de motos » dans les villages de Tchoma Bangou et Zaroumadereye, selon le maire de la commune de Tondikiwindi qui les administre. Les deux villages sont situés à 120 kilomètres au nord de Niamey, dans la région de Tillabéri, frontalière du Mali et du Burkina Faso. Cette région dite « des trois frontières » est régulièrement visée depuis des années par des groupes djihadistes. Mardi 5 janvier, l’attaque n’avait pas été revendiquée.
À Paris, comme à Niamey, personne ne se hasardait à désigner un coupable plutôt qu’un autre. Le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), alliance djihadiste affiliée à Al-Qaida, a clamé son innocence sur Internet. Le GSIM revendique que son « djihad » n’est pas tourné contre son peuple et promet des représailles à court ou à long terme. Une menace implicite à son rival dans la région, le groupe État islamique au grand Sahara (EIGS), qu’il affronte violemment depuis quelques mois.
En revanche, le GSIM a revendiqué mardi 5 janvier l’attentat qui a coûté la vie à deux militaires français – la sergente Yvonne Huynh et le brigadier Loïc Risser – samedi 2 janvier au Mali. Depuis la libération par les autorités maliennes de 200 djihadistes du GSIM en échange de quatre otages, dont l’opposant Soumaïla Cissé et Sophie Pétronin, « l’armée française a concentré son offensive sur cette organisation plutôt que sur EIGS. Une manière aussi pour la France de montrer qu’elle n’accepte pas de négocier avec cette organisation comme a entrepris de le faire le gouvernement malien. Cela peut expliquer le regain de violence du GSIM envers elle », explique Caroline Roussy, à l’Iris.
La possibilité de représailles à l’encontre de milices villageoises
Quant aux villageois nigériens tués, dans cette même zone des trois frontières, ils ont pu être les victimes de représailles liées à du banditisme. « On incendie un village où les habitants ont décidé de s’organiser en milice pour se défendre contre des groupes qui veulent les rançonner. C’est ce qui se passe au Nigeria régulièrement contre les terroristes de Boko Haram », analyse un expert du terrorisme basé en Afrique de l’Ouest.
D’autres scénarios sont possibles. Près de la frontière avec le Mali, des communautés se sont engagées aux côtés des groupes armés et renseignent ceux-ci sur les mouvements de l’armée. Dans cette même zone, Hassan Boukar, membre d’alternatives espace citoyen, a documenté « dans un rapport de la commission nationale des droits humains le massacre de dizaines de villageois par des forces de sécurité nigériennes, en mettant à jour des fosses communes. »
« Comment les armées étrangères n’ont-elles pas repéré ces motos ? »
Djihadisme, exactions militaires, banditisme, « le Niger se craquelle sacrément », résume l’expert du terrorisme. « Aussi bien à la frontière avec le Nigeria, qu’à celle avec le Burkina Faso ou à l’ouest de Niamey. » Les villageois fuient l’instabilité et se regroupent dans des centres urbains. La circulation des motos a été interdite dans certaines régions, comme celle où s’est produit le massacre des villageois samedi. Ali Idrissa s’étonne « comment les armées américaine stationnée dans la région ou française présente à l’aéroport, avec les moyens dont elles disposent, n’ont-elles pas pu repérer ces déplacements de motos ? »
En campagne et bien placé pour le deuxième tour de l’élection présidentielle, Mohamed Bazoum, le candidat du pouvoir, a promis : « Nous allons renforcer les forces de sécurité intérieures pour lutter contre ces terroristes. Souvent c’est un groupe sur une ou deux motos qui rançonnent la population sous prétexte de zakat (impôt ou aumône islamique obligatoire) sur le bétail, plutôt qu’une menace de grande envergure ».

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