Le pompage des nappes phréatiques déplace l’axe de rotation de la Terre

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Le pompage des nappes phréatiques déplace l’axe de rotation de la Terre
Le pompage des nappes phréatiques déplace l’axe de rotation de la Terre

Africa-Press – Niger. Le pompage des nappes phréatiques déplace l’axe de rotation de la Terre

L’eau pompée dans les réservoirs souterrains entre 1993 et 2010 a décalé de 80 centimètres vers l’est l’axe de rotation de la Terre, selon une étude publiée le 15 juin 2023 dans la revue Geophysical Research Letters. Mais qu’est-ce que cela signifie concrètement ?

La Terre, une toupie

Dans le système solaire, chaque planète tourne autour de son axe de rotation avec un degré d’inclinaison qui lui est propre. Cet angle est mesuré selon la grandeur entre l’axe de rotation de la planète (qui relie le pôle Nord au pôle Sud) et sa perpendiculaire à son plan orbital. Au 1er janvier 2022, il était pour la planète Terre de 23,43° et c’est selon ce même axe que la Terre effectue sa période de rotation d’une durée de 24h. Cette inclinaison à l’origine des saisons varie et oscille naturellement, mais peut aussi être influencée par l’activité humaine.

Ces oscillations sont principalement dues à la répartition des masses à l’intérieur et à la surface du globe. Ainsi, la façon dont l’eau est répartie sur la planète peut influencer la répartition de sa masse. « Comme si l’on ajoutait un tout petit peu de poids à une toupie, la Terre tourne un peu différemment lorsque l’eau est déplacée », illustrent les chercheurs dans un communiqué de presse.

Un phénomène qui n’est pas nouveau

En 2016, les travaux de chercheurs californiens publiés dans la revue Science Advances mettaient en évidence la capacité de l’eau à modifier la rotation de la Terre pour la première fois, et montraient que la fonte des calottes polaires et des glaciers jouaient un rôle important dans ce phénomène. En 2021, une étude des chercheurs de l’Académie des sciences de Chine montrait que depuis le milieu des années 1990, le mouvement des pôles s’était décalé du sud vers l’est, et que la dérive sur la période 1995-2020 était 17 fois plus rapide que sur la période 1981-1995. Ils ont également montré que la fonte des glaciers avait déplacé les pôles de 4 mètres depuis 1980. Néanmoins, la fonte des glaciers n’explique pas la totalité de ces déplacements, et à l’époque, les chercheurs avaient déjà émis l’hypothèse que le pompage des eaux souterraines pouvait contribuer à ce phénomène, sans pour autant le quantifier.

Le pompage des eaux souterraines influence l’axe de rotation de la Terre

Dans l’étude publiée ce 15 juin, une équipe internationale (composée de chercheurs australiens, coréens, américains et hongkongais) a levé le voile sur ces interrogations en montrant comment le pompage des nappes phréatiques a impacté l’axe de rotation de la Terre.

A partir d’une étude publiée en 2010 qui estime que 2150 gigatonnes d’eau ont été prélevées des nappes phréatiques sur la période 1993-2010, les chercheurs ont pu modéliser et quantifier l’impact de ces pompages sur le déplacement des pôles. Ainsi, en l’espace de 17 ans, le prélèvement des eaux souterraines a été responsable du déplacement de l’axe de rotation de la Terre de 80 centimètres vers l’est, l’équivalent de quatre centimètres par an. Ces quantités d’eau astronomiques sont majoritairement utilisées pour l’élevage et l’agriculture, mais aussi pour l’industrie et les besoins humains en eau potable. Dans certaines régions, comme l’ouest de l’Amérique du Nord et le Nord-ouest de l’Inde, ces pompages sont tels que le niveau des nappes y a diminué de manière préoccupante. De plus, les prélèvements à des latitudes moyennes, comme c’est le cas ici, impactent le pôle de rotation de manière plus conséquente que s’ils avaient eu lieu à de plus basses latitudes.

Ici, les chercheurs comparent le mouvement polaire observé (flèche rouge, « OBS ») aux résultats de la modélisation sans (flèche bleue en pointillés) et avec (flèche bleue pleine) redistribution de la masse des eaux souterraines. Le modèle avec redistribution de la masse d’eau souterraine correspond beaucoup mieux au mouvement polaire observé, ce qui indique aux chercheurs l’ampleur et la direction de l’influence de l’eau souterraine sur la rotation de la Terre. Crédits : Seo et al. (2023), Geophysical Research Letters

Quelles conséquences ?

Bien que cela puisse sembler spectaculaire, il n’y a pas de quoi s’affoler, selon le chercheur et politologue François Gemenne, qui, interrogé par BFMTV rappelle que l’axe de rotation de la Terre a été modifié plusieurs fois par le passé, par exemple lors du tremblement de Terre de Fukushima en 2011. De même, ces mouvements, bien qu’ils soient conséquents, sont trop faibles pour avoir une influence sur le climat ou sur les saisons. « Pour l’instant, il n’y a pas d’impact dans notre vie de tous les jours, mais ce phénomène risque de ne pas évoluer dans le bon sens à l’avenir, il faut le surveiller et mieux le comprendre, avertit néanmoins Kristel Chanard, chercheuse à l’Institut de Physique du Globe de Paris, auprès de Libération. Le pompage dans les nappes est plus intense à cause des sécheresses, l’impact est de plus en plus marqué avec le changement climatique. Cela contribue à accélérer le cycle de l’eau ».

Bien que l’exploitation des eaux souterraines soit impactante, elle ne reste « que » la deuxième cause du mouvement de l’axe terrestre, puisque la fonte du Groenland est responsable de près de 7 centimètres de décalage de l’axe de rotation par an. Mais s’il y a bien un aspect soulevé par l’étude qui est d’une importance capitale, c’est que le pompage des nappes phréatiques a contribué à l’élévation de plus de 6 mm du niveau de la mer sur la période 1993-2010. Cela s’explique notamment par le fait qu’une fois ramenée à la surface, l’eau prélevée s’évapore ou s’écoule pour retourner dans les océans, et n’est pas restituée dans les nappes dans sa totalité.

Ainsi, François Gemenne explique que ce changement d’axe « n’a pas de conséquence directe sur le climat, mais va affecter les littoraux et les risques d’inondations en zone littorale en s’ajoutant aux deux facteurs principaux de l’élévation du niveau de la mer : la fonte des glaciers et des calottes polaires, et l’expansion thermique des océans, qui fait que quand l’eau est plus chaude, elle occupe davantage d’espace. »

Enfin, bien que l’impact des prélèvements dans les nappes phréatiques sur l’axe de rotation de la Terre laisse peu de doute, des études supplémentaires sont nécessaires pour appuyer ces résultats, notamment parce qu’il est difficile de valider l’estimation selon laquelle l’Homme aurait pompé 2150 gigatonnes d’eau souterraine entre 1993 et 2010, alors même qu’elle est la base de cette étude.

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