Les 7 propriétés exceptionnelles de l’eau

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Les 7 propriétés exceptionnelles de l'eau
Les 7 propriétés exceptionnelles de l'eau

Africa-Press – Niger. La formule chimique de la molécule d’eau est sans doute la plus célèbre de toutes. En raison du caractère vital et si familier de cette ressource, d’abord ; et parce qu’elle est aussi l’une des plus simples qui soit ! Trois atomes seulement : un d’oxygène (O) combiné à deux d’hydrogène (H), ce dernier élément étant lui-même le plus basique et le plus abondant de l’Univers.

Pourtant, lorsque ces molécules se présentent en grand nombre et interagissent, au fond d’un lac ou dans un vulgaire glaçon, elles forment un matériau aux propriétés complexes, paradoxales, « dont certaines ne sont pas encore totalement comprises et suscitent une importante activité de recherche « , signale Frédéric Caupin, professeur à l’Université Claude-Bernard Lyon 1. Les scientifiques ont identifié ainsi de nombreuses situations où l’eau se comporte de façon étrange, singulière. « Elle n’est certes pas la seule substance à présenter de telles anomalies, observe le physicien. Mais c’est elle qui en cumule le plus, faisant de l’eau un matériau aussi exceptionnel que fascinant, intimement associé à la vie . »

1/ Un liquide pas comme les autres

Dans une molécule d’eau, les atomes s’assemblent en mettant en commun leurs électrons, particules de charge électrique négative. Mais ce partage ne se fait pas de manière équitable. L’atome d’oxygène tend en effet à attirer les électrons, tandis que l’hydrogène cherche plutôt à s’en débarrasser. H2O possède ainsi un excès de charges négatives du côté de l’oxygène et un excès de charges positives du côté des deux atomes d’hydrogène. Une polarité à l’importance capitale, car les molécules vont pouvoir interagir grâce à elle, le pôle négatif de l’une attirant les pôles positifs d’une autre, par un type d’interaction que les chimistes appellent des « liaisons hydrogène ».

« L’eau liquide ne peut donc pas être considérée comme un simple empilement de molécules qui rouleraient les unes sur les autres « , explique Damien Laage, professeur attaché de chimie théorique à l’École normale supérieure de Paris. Contrairement au méthane (CH2) par exemple, qui ne développe pas de telles interactions. D’autres molécules peuvent certes former des liaisons hydrogène (l’ammoniaque, l’éthanol du vin ou l’acide formique secrété par les insectes), mais elles n’en produiront jamais autant que l’eau, car ces molécules sont plus grosses, ce qui génère des encombrements. « L’eau est un cas idéal, pour Frédéric Caupin. Chaque molécule pourra nouer quatre liaisons hydrogène avec ses voisines en se positionnant au centre d’un tétraèdre. Et développer ainsi un réseau tridimensionnel complet en connectant quasiment n’importe quel point du liquide.  » Ces interactions sont cependant fugaces, note Damien Laage : « Elles se rompent et se reforment mille milliards de fois par seconde « , conférant à l’eau sa grande fluidité et l’empêchant de se comporter comme un gel.

2/ L’eau devrait bouillir à – 80 °C

Ce maillage explique la plupart de ses propriétés exceptionnelles. À commencer par sa température d’ébullition, bien plus élevée que pour les corps de masse similaire. Si elle ne développait pas toutes ces interactions, les calculs indiquent qu’elle se vaporiserait non pas à 100 °C… mais à -80 °C ! À l’instar du sulfure d’hydrogène (H2S), qui bout à -60,7 °C, ou de l’ammoniaque (NH3), à -33 °C. « Dans les conditions qu’on trouve à la surface de notre planète (pression de 1 bar), l’eau serait ainsi, ni solide ni liquide, mais entièrement sous forme de vapeur. Ce qui rendrait la Terre beaucoup moins favorable à la vie, du moins telle que nous la connaissons « , relève Bruno Issenmann, lui aussi chercheur à l’Université Claude-Bernard Lyon 1.

Pour que les molécules d’eau s’extirpent du liquide et passent dans l’atmosphère gazeuse environnante, elles doivent briser les « chaînes » qui les lient. L’agitation thermique devra donc être anormalement augmentée afin que les liaisons hydrogène vibrent et se tordent de plus en plus jusqu’à se scinder. Élever de 1 °C la température d’une certaine masse d’eau nécessite ainsi quatre fois plus d’énergie que pour une même masse d’air et dix fois plus que pour une masse identique de cuivre.

« Cette capacité à emmagasiner l’énergie thermique joue un rôle essentiel dans la régulation du climat » , souligne Damien Laage. Grâce à elle, les océans absorbent et relarguent la chaleur sans engendrer de trop fortes variations de température. « Cet effet opère aussi à l’intérieur des cellules. L’eau qu’elles contiennent facilite le maintien d’une gamme de températures compatible avec les fonctions biologiques.  »

3/ Les glaçons ne sont pas censés flotter

L’agitation thermique permet aux liaisons hydrogène de se tordre, de se rompre et de se reformer en permanence, donnant aux molécules d’eau une grande liberté de mouvement. Mais lorsque la température diminue jusqu’au point de congélation (0 °C), les ponts intermoléculaires se figent. Les structures tétraédriques constituent alors un ordre à grande distance, empêchant les molécules de bouger et transformant l’eau liquide en solide cristallin. Sous cette température, les liaisons hydrogène sont moins déformées, ce qui éloigne les molécules et génère davantage d’espaces vides.

Résultat : une augmentation du volume d’environ 11 % et une baisse de la densité. C’est pour cette raison qu’une bouteille pleine laissée au congélateur éclatera… et que les icebergs flottent sur l’océan ! « Un tel comportement est très inhabituel, indique Bruno Issenmann. Pour la quasi-totalité des matériaux, la solidification rapproche les molécules et accroît leur densité, comme dans une bouteille d’huile où la partie gelée coule.  »

4/ L’eau empêche les lacs de geler en hiver

Lorsqu’un morceau de glace chauffe et commence à fondre, l’agitation thermique détruit l’architecture cristalline et désorganise les molécules. Mais curieusement, la densité du liquide n’évolue pas de façon linéaire : elle augmente jusqu’à environ 4 °C avant de diminuer. Comment l’expliquer ?

« Par le fait que l’eau, dans cette gamme de température, se comporte comme un liquide à trous « , s’émerveille Frédéric Caupin. Car le réseau de tétraèdres est encore suffisamment important pour produire de nombreux espaces vides. Les molécules libres de leur mouvement peuvent alors s’y engouffrer, d’où la hausse de densité ! « Cette température de 4 °C n’a donc rien de magique, indique Frédéric Caupin. Elle résulte d’une compétition entre l’agitation des molécules et leur propension à former des réseaux de tétraèdres.  »

Au-delà de 4 °C, c’est le désordre qui l’emporte : la densité diminue alors continûment tout comme le nombre de tétraèdres. Ce phénomène joue un rôle fondamental dans la stratification des lacs. En été, leur température sera plus élevée en surface et de plus en plus basse au-dessous, jusqu’à atteindre 4 °C dans les profondeurs où l’eau la plus compacte « coule ». Mais c’est l’inverse qui se produit en hiver. L’eau sera de moins en moins froide sous la surface glacée, la température du fond restant de fait à 4 °C. « Cette stratification, qui permet aux lacs de ne pas geler entièrement, garantit la survie des poissons « , précise Bruno Issenmann.

5/ Sur Uranus et Neptune, elle devient noire

À pression atmosphérique normale et au-dessous de 0 °C, les molécules d’eau cristallisent en formant des tétraèdres qui s’emboîtent eux-mêmes selon une géométrie hexagonale. Tel est le type d’eau solide, la glace, qu’on trouve sur notre planète. Mais les molécules peuvent interagir et s’agencer de bien d’autres manières. Quand la pression est 2000 fois plus forte que celle de l’atmosphère (2000 bars), elles constituent par exemple un cristal orthorhombique appelé « glace II ».

En jouant sur les conditions de pression et de température, les chercheurs ont synthétisé ainsi de nombreuses structures cristallines. La dernière date de 2019. Observée sous une pression inouïe de 2 millions de bars et une température de 5.000 °C, elle est très différente de celle qui emplit nos congélateurs. De couleur noire, quatre fois plus dense, elle s’organise selon une géométrie cubique… et conduit l’électricité presque aussi bien qu’un métal ! Baptisé « glace XVIII » ou « glace superionique », ce matériau n’est pas qu’une curiosité de laboratoire. « Il serait présent à l’intérieur des planètes géantes comme Neptune ou Uranus et leurs analogues extrasolaires, où les températures et pressions très élevées permettraient la formation de cette glace très conductrice « , indique Bruno Issenmann.

6/ C’est un extraordinaire dissolvant

Déposez une cuillerée de sel dans un verre d’eau, puis remuez. L’eau redeviendra vite très claire, les cristaux devenant invisibles car totalement dissous. Plus encore que l’acétone ou le méthanol, l’eau fait partie des liquides qui dissolvent le mieux les composés ioniques. À l’instar du sel de cuisine (chlorure de sodium), ils sont constitués d’ions portant une charge négative (ici l’ion chlorure Cl-) et d’ions chargés positivement (Na+ ). Or les molécules d’eau interagissent fortement avec ces ions, ce qui permet de les dissocier, chaque ion s’entourant d’une coque de molécules et se déplaçant librement dans le fluide.

Par un mécanisme similaire, impliquant cette fois les liaisons hydrogène, l’eau dissout également la totalité des espèces polaires : de la famille des sucres, des alcools, des amines, des acides et autres composés alcalins. Ces cohortes de molécules pourront se disperser, se rencontrer et éventuellement réagir entre elles. Elles seront en outre facilement convoyées, grâce à l’eau présente dans la sève (95 %), le plasma sanguin (90 %) ou les cellules de notre corps (70 %). Essentielles pour l’activité cellulaire, les protéines se solubilisent aussi parfaitement dans l’eau grâce aux groupements d’alcools ou d’amines qu’elles contiennent.

7/ Marcher sur l’eau ne relève pas du miracle

Si la rosée se condense en gouttes sphériques sur les feuilles d’un arbre et que des insectes comme le gerris – ou punaise d’eau – peuvent marcher sur un étang, c’est parce que l’eau possède une sorte de « peau ». À l’interface entre l’air et le liquide, les molécules d’eau auront en effet moitié moins de voisines avec lesquelles interagir. Elles seront plus fortement attirées vers l’intérieur du fluide et sur le plan horizontal, créant une force de tension à sa surface. En raison des liaisons hydrogène, cette « tension superficielle » de l’eau atteint 72,8 millinewtons par mètre à température ambiante.

« Une valeur bien plus importante que la plupart des autres liquides. Seul le mercure fait mieux « , précise Damien Laage. En 2017, les chercheurs de l’institut Lumière matière (Université Claude-Bernard Lyon 1/CNRS) ont mesuré la force de traction jusqu’à laquelle l’eau pouvait être étirée tel un élastique. Grâce à des lasers et en étudiant des gouttes de 5 millionièmes de mètre, ils ont établi que « cette force était 1400 fois plus importante que la pression atmosphérique « , s’ébahit Frédéric Caupin. Au-delà, l’eau perd sa cohésion… et craque littéralement avant de reformer une bulle.

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