Les ancêtres des Néandertaliens fabriquaient déjà des armes complexes il y a 300.000 ans

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Les ancêtres des Néandertaliens fabriquaient déjà des armes complexes il y a 300.000 ans
Les ancêtres des Néandertaliens fabriquaient déjà des armes complexes il y a 300.000 ans

Africa-Press – Niger. Ancienne mine à ciel ouvert, le site de Schöningen, en Allemagne, est connu pour avoir livré les plus anciennes armes de chasse complètes – dix lances et deux bâtons de jet – et les plus anciens outils en bois (des manches fendus) fabriqués par des hominines.

Une nouvelle analyse des 187 artefacts en bois retrouvés entre le début des fouilles en 1981 et leur clôture en 2008 permet d’identifier de nouveaux types d’outils et, surtout, de déterminer les techniques utilisées pour les réaliser.

Comme l’annoncent dans la revue PNAS les chercheurs réunis autour de Dirk Leder, archéologue de l’Office pour la conservation des monuments historiques du Land de Basse-Saxe, il s’agit non seulement du plus grand assemblage datant du Pléistocène, mais aussi d’un témoignage clé de l’importance du travail du bois dans l’évolution humaine.

Les ancêtres des Néandertaliens fabriquaient déjà des armes complexes il y a 300.000 ans

Le bois étant un matériau périssable, les premières preuves indiquant que des hominines travaillaient ce matériau ne sont qu’indirectes ; elles remontent à 2 millions d’années. Les plus anciens artefacts en bois datent d’environ 780.000 ans, et proviennent d’Israël. La plus ancienne structure en bois aurait été retrouvée en Zambie et remonterait à environ 480.000 ans.

Sur le site de Schöningen, ce sont les plus anciennes armes de chasse en bois, des lances et des bâtons de jet datant de 400.000 à 120.000 ans, qui ont été retrouvées. Cette ancienne mine de lignite localisée en Basse-Saxe, entre Hanovre et Magdebourg, comporte plusieurs sites préhistoriques datant du Pléistocène. L’un d’entre eux correspond au rivage d’un lac interglaciaire qui s’est formé il y a environ 330.000 ans, au Paléolithique inférieur. Sur la rive de ce lac, des centaines de vestiges en bois abandonnés se sont conservés dans la boue.

Des armes de chasse et des outils exclusivement fabriqués dans des bois de conifères

Au sein de cet assemblage, l’inventaire actuel, qui repose sur des procédés d’imagerie modernes comme la macrophotographie, la stéréomicroscopie et la microscopie 3D, distingue 187 artefacts, le reste ne présentant pas de signe de manipulation par l’humain.

Ces objets sont exclusivement fabriqués à partir de trois essences: l’épicéa, le mélèze et le pin. À partir de ces fragments, les chercheurs ont pu reconstituer une vingtaine d’armes de chasse – lances et bâtons de jet – et une trentaine d’outils en bois fendu. Longues d’environ 2 mètres, les lances étaient utilisées pour chasser des animaux de grande ou de moyenne taille (équidés, bovidés ou cervidés) ; plus courts, les bâtons servaient à chasser des animaux plus petits et moins rapides, comme le gibier ou des oiseaux.

Les lances sont fabriquées à partir des troncs, les bâtons à partir des branches

L’analyse du bois permet aux chercheurs de reconstituer la chaîne opératoire mise en place pour réaliser ces armes. Ils comprennent ainsi que les lances étaient fabriquées à partir de troncs d’arbres écorcés et lissés, dont les branches étaient arrachées et l’extrémité aiguisée pour façonner la pointe.

“Elles sont minutieusement travaillées et leur conception technologique témoigne d’un travail de qualité”, constatent-ils. Certaines pointes ont été retravaillées, ce qui pourrait signifier que les hominines procédaient même à des réparations. Le même procédé se retrouve sur les bâtons de jet, réalisés, selon le même mode opératoire, à partir d’une branche et non plus d’un tronc.

Les outils sont fabriqués sur le principe du recyclage

Mis à part des armes, les chercheurs identifient également deux types d’outils: certains sont à bout pointu, d’autres à bout arrondi. Ceux qui sont de forme effilée pourraient avoir servi d’épingles, d’alènes (pointes) pour travailler des matériaux, ou de spatules (pour extraire des insectes par exemple), mais il ne s’agit pas de bâtons à fouir. Pour ce qui est des bâtons à bout rond, ils ressemblent plutôt à des lissoirs tels qu’on les connaît en os ou en ivoire, mais ils peuvent aussi avoir servi à d’autres usages (pour l’écaillage de poissons, la couture ou le pliage de matières végétales).

Pour ce qui est de leur fabrication, les chercheurs identifient un mode opératoire qui peine à s’imposer de nos jours: le recyclage ! “Les débris de travail démontrent que d’anciens artefacts en bois ont été recyclés sur place et transformés en outils secondaires, notent-ils. Les outils en bois fendu recyclé ont donc été produits, utilisés, réparés et jetés sur place. Ils peuvent être considérés comme des outils ad hoc ou opportuns, fabriqués en fonction des besoins et mis au rebut peu après”.

Sélection des essences

Autre remarque d’importance: les hominines procédaient à une stricte sélection des espèces. Alors que le lac était entouré d’une abondante végétation, ils allaient chercher du bois d’épicéa, de mélèze et de pin pour fabriquer leurs armes et leurs outils à plusieurs kilomètres de distance, peut-être sur la colline voisine de l’Elm, voire de régions plus lointaines comme le massif du Harz. “Un tel comportement témoigne ostensiblement d’une stratégie de sélection des matières premières, probablement liée aux propriétés physiques (dureté, élasticité, poids) de ces bois de conifères”, remarquent les chercheurs.

La rive du lac n’était pas seulement un site de chasse

Ces nouvelles données ne permettent pas seulement d’augmenter le nombre d’armes et d’outils trouvés sur le site de Schöningen, ils en modifient également l’interprétation.

On pensait jusqu’à présent que la rive du lac était uniquement dévolue à la chasse et à la boucherie ; on comprend à présent que d’autres activités domestiques s’y déroulaient. “Ces activités comprenaient l’entretien des outils en bois, le recyclage des artefacts, la production sur place d’outils en bois opportuns et l’utilisation de ces outils à des fins diverses, y compris éventuellement la préparation des peaux”, énumèrent les chercheurs.

Une vingtaine de carcasses de chevaux dépecés présentes sur la rive attestent de l’efficacité des armes employées, et de l’occupation du site à plusieurs reprises pendant l’été et l’automne. Les arbres étaient ainsi abattus en été.

Une complexité technologique qui implique des capacités cognitives insoupçonnées

Ce qui apparaît dans l’assemblage de Schöningen, c’est donc une tendance précoce à la standardisation de la fabrication, un phénomène fondamental généralement associé à la période du Paléolithique moyen. Or Schöningen illustre une période clé de l’évolution humaine, correspondant à la phase de transition entre Homo heidelbergensis et Néandertal, qui se produit aux alentours de 300.000 ans avant notre ère en Eurasie.

Si les outils lithiques retrouvés sur le site correspondent à l’absence de standardisation caractéristique du Paléolithique inférieur, ce n’est pas le cas des artefacts en bois, qui témoignent – par la sélection des essences et leur mode de fabrication homogène – d’une complexité technologique dont on pensait qu’elle ne s’était produite que plus tard.

Pour les chercheurs, ce phénomène signale donc une évolution cognitive primordiale: la complexité de ces armes, leur conception basée sur l’efficacité et la durabilité reposent sur des modes de pensée dont on croyait les hominines alors dépourvus: “La matière première n’était pas disponible sur le site mais devait être trouvée ailleurs, ce qui nécessite une anticipation des besoins et donc une planification approfondie”, analysent-ils.

La mauvaise conservation du bois en contexte archéologique pourrait ainsi avoir créé un biais au profit des assemblages lithiques et osseux, les chercheurs concluant que “là où les artefacts en bois ne sont pas préservés, nous pourrions sous-estimer les capacités cognitives des sociétés préhistoriques”. Comme aux Néandertaliens, il se pourrait donc qu’il faille aussi accorder à Homo heidelbergensis le mérite – c’est-à-dire la forme d’intelligence – qui lui revient.

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