Les Ancêtres Yamnayas et Leur Héritage

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Les Ancêtres Yamnayas et Leur Héritage
Les Ancêtres Yamnayas et Leur Héritage

Africa-Press – Niger. Peut-être n’avez-vous jamais entendu parler des Yamnayas. Pourtant, ce peuple qui a vécu il y a environ 5000 ans dans la steppe eurasiatique passionne aujourd’hui nombre de chercheurs. Car en 2015, des études ont montré que 40 % de la population mondiale – tous les individus issus des Européens du Nord et de l’Ouest de la fin du néolithique – porte de l’ADN venant de ces nomades disparus.

Jusqu’alors, on pensait que les peuples européens anciens étaient nés de la rencontre entre des chasseurs-cueilleurs – installés sur le continent depuis l’expansion des premiers Sapiens – et des populations provenant d’Anatolie, les mêmes qui ont importé l’agriculture à partir de 8000 avant notre ère. Le poids de cet ADN yamnaya dans la génétique européenne infirme cette hypothèse.

De là à dessiner, comme ancêtre des Européens, un fier cavalier nomade et blond qui aurait conquis l’Europe du Nord, puis de l’Ouest, par la grâce de sa monture, de sa culture et de sa génétique… Le pas est vite franchi dans les blogs et les médias nationalistes ou identitaires. Les données scientifiques racontent autre chose. « D’abord, ce ne sont pas les Yamnayas qui sont arrivés en Europe de l’Ouest vers 2300 avant notre ère, pose Céline Bon, paléoanthropologue au Muséum national d’histoire naturelle. Ces nomades se sont fondus, vers 2900 avant notre ère, dans un peuple du territoire de la Pologne actuelle, dit de la culture ‘des céramiques cordées' » en référence à sa technique de poteries décorées de cordelettes par impression sur l’argile crue.

C’est cette population métisse qui diffuse l’ADN yamnaya en Europe. « Il est difficile de savoir s’il ne s’agit que de quelques individus ou d’une grande population migrante « , nuance aussi la spécialiste. Une forte diffusion de certains gènes peut être le fait d’un petit groupe ayant eu de nombreux descendants, ou de la rencontre d’une vaste population qui en est porteuse avec une autre qui ne les possède pas.

Un lien entre ces populations d’éleveurs et le gène de la tolérance au lactose

Par ailleurs, loin du mythe du féroce cavalier, certains sites racontent une histoire plutôt pacifique. C’est le cas de Bréviandes-les-Pointes, près de Troyes. En 2024, des chercheurs français y ont étudié une tombe familiale et ont établi que le père de l’homme adulte qui y est inhumé possédait pour moitié de l’ADN issu des populations des steppes du côté de son père et, pour la moitié issue de sa mère, un patrimoine mêlant de l’ADN de chasseur-cueilleur de l’Ouest et celui de fermiers d’Anatolie. « On peut poser l’hypothèse que le mariage d’hommes descendants directs des Yamnayas avec des femmes locales était fréquent, car on repère dans les descendants actuels d’Européens une lignée du chromosome Y issue de ce peuple des steppes « , indique Céline Bon.

En Angleterre, les chercheurs ont découvert une tout autre situation. La chercheuse précise: « Il y a eu un remplacement complet des chasseurs-cueilleurs locaux par le peuple de la céramique cordée », métissé de Yamnayas. Mais que s’est-il passé là vers 2500 avant notre ère? Un génocide? « On ne trouve pas de trace de violence sur les sites, tempère la généticienne. À la fin du néolithique, il y a eu en Europe une grave crise démographique à cause de la peste. Il est possible qu’elle ait affaibli la population agricole britannique, et que le peuple de la céramique cordée se soit installé sur un territoire largement dépeuplé. »

Et voilà donc les Européens et leurs descendants avec une génétique en partie héritée des Yamnayas. « On pense que le gène de la tolérance au lactose provient d’eux « , précise Céline Bon. Ce gène, qui permet aux adultes de digérer le lait, aurait émergé chez ces peuples et leurs cousins parce qu’ils étaient éleveurs.

La triple ascendance des enfants blonds aux yeux clairs

Certains blogs ou articles attribuent aussi aux Yamnayas le phénotype – ou apparence – « blond aux yeux bleus ». Une erreur ! Car ce profil est le fruit du mélange de trois populations: les chasseurs-cueilleurs européens, qui avaient la peau très foncée et des yeux clairs ; les agriculteurs anatoliens, à la peau claire et aux cheveux et aux yeux foncés ; et les peuples des steppes. « Ces derniers avaient une grande variété de phénotypes », précise Céline Bon. Il faut donc cette triple ascendance pour obtenir des enfants blonds à la peau et aux yeux clairs…

Enfin, il est possible qu’ils nous aient légué autre chose: nos langues. « Leur histoire est très liée à celle des langues indo-européennes, et donc, selon certaines hypothèses… à l’histoire du cheval », acquiesce Guillaume Jacques, linguiste du CNRS. Car les mots « cheval » et « charrue » proviennent probablement de l’ancêtre des langues indo-européennes. Les linguistes traquent donc les traces du cheval pour étudier l’histoire des langues. On sait que les Yamnayas disposaient de chariots à roue pleine. Mais quels animaux tractaient ces véhicules? « Les dernières recherches montrent que le cheval moderne n’a été domestiqué qu’en 2200 avant notre ère, soit bien après le départ des nomades des steppes vers l’Europe », explique Guillaume Jacques. Un argument qui égratigne l’image du cavalier nomade… Le débat reste néanmoins ouvert, bien que l’hypothèse de chariots tirés par des bovins gagne en force.

En revanche, les migrations des Yamnayas et d’autres peuples des steppes coïncident bien avec l’expansion de l’ancêtre des langues indo-européennes, un groupe de 400 langues apparentées, du grec ancien jusqu’au sanskrit. En 2025, les travaux du généticien David Reich, de l’université Harvard, ont dessiné les routes de migration des peuples des steppes: depuis le Caucase et le long de la Volga vers l’actuelle Ukraine dans un premier temps, puis, plus tardivement (1700 av. J.-C.), vers l’Asie centrale, l’Iran et l’Inde… comme les langues indo-européennes.

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