Nous transmettons deux fois plus de virus aux animaux que l’inverse

3
Nous transmettons deux fois plus de virus aux animaux que l'inverse
Nous transmettons deux fois plus de virus aux animaux que l'inverse

Africa-Press – Niger. Nous transmettons deux fois plus de virus aux autres animaux que l’inverse, démontrent de nouveaux travaux publiés dans la revue Nature Ecology & Evolution. “Nous nous concentrons souvent sur les virus impliqués dans les sauts d’humain à animal – comme le SARS-CoV-2 (virus du Covid-19, ndlr), qui serait passé de la chauve-souris à l’humain – et nous oublions souvent que les virus passent de l’humain à l’animal et d’un animal à l’autre”, remarque Cedric Tan, biologiste moléculaire à l’University College de Londres (UCL, Angleterre) et premier auteur de l’étude.

Au printemps 2020, la pandémie de Covid-19 fait rage. Rapidement des premiers cas de transmission du virus vers d’autres animaux, comme les chats ou les visons, apparaissent. “Les chercheurs spécialisés dans les maladies infectieuses savent depuis longtemps que nous donnons des virus aux animaux”, confirme Cedric Tan. “Mais ce qui est inattendu, c’est que nous donnons en fait plus de virus aux animaux qu’ils n’en donnent à l’humain !”

12 millions de séquences virales analysées pour retracer leur historique infectieux

Les scientifiques ont obtenu ce surprenant résultat après l’analyse par modèles algorithmiques et statistiques des millions de génomes de 32 familles virales, isolés dans l’ADN de 62 ordres (des sous-familles) d’animaux hôtes, signe que ces espèces ont été infectées dans le passé. “La présence de virus très apparentés présents dans plus d’une espèce hôte indique un saut d’hôte récent”, explique , professeur de biologie computationnelle à l’UCL et qui a dirigé ces travaux. “La difficulté est d’inférer la direction du transfert.” Pour répondre à cette question, les chercheurs ont produit un arbre phylogénétique pour chaque espèce virale observée dans plus d’une espèce hôte pour reconstruire les changements d’hôtes dans le passé.

Parmi les animaux hôtes se trouvaient des animaux familiers comme les chiens, chats, vaches, porcs ou poulets), ainsi que des espèces sauvages plus obscures comme le rat des champs (Sigmodon hispidus) et le bouquetin de Sibérie (Capra sibirica), précise Cedric Tan. “Bien qu’elles reposent sur des bases analytiques et statistiques établies, les approches que nous avons employées sont nouvelles et notre étude est la plus ambitieuse à ce jour en termes d’échelle”, précise François Balloux.

A chaque changement d’hôte, d’une espèce à une autre, les génomes viraux étaient modifiés de façon adaptée au nouvel hôte. “Pour qu’un virus puisse infecter une espèce hôte totalement nouvelle, il doit d’abord apprendre à exploiter la machinerie biologique de cette espèce”, explique Cedric Tan. En traquant ces mutations, les chercheurs ont pu déterminer le nombre de changements d’hôtes réalisés par les virus au sein des 12 millions de séquences virales examinées.

Deux fois plus d’infections de l’humain vers l’animal que l’inverse

Au total, ils identifient 2.904 changements d’hôtes, dont 79% entre animaux non humains uniquement. “Les 21% restants concernaient des humains, dont 64% d’humains à animaux (on parle d’anthroponoses, ndlr) et 36% d’animaux à humains (zoonoses, ndlr)”, précise Cedric Tan. “Cela met en évidence l’impact considérable que nous avons sur l’environnement et les animaux qui nous entourent.”

Les scientifiques identifient alors deux profils de virus: ceux à spectre large d’hôtes, et ceux à spectre étroit. “Il semble que les virus à large spectre d’hôtes possèdent déjà un ensemble d’outils polyvalents, qui ne nécessitent que des adaptations mineures pour pouvoir pénétrer dans une nouvelle espèce hôte”, explique Cedric Tan. “En revanche, les virus à spectre d’action étroit disposent d’une boîte à outils très spécialisée et doivent subir d’énormes modifications pour pouvoir infecter une nouvelle espèce hôte.” Un résultat plutôt attendu, des études antérieures ayant montré que les virus avec une large gamme d’hôtes risquent davantage de se propager chez l’humain. Ces travaux permettent cependant de montrer que ce schéma n’est pas limité aux transmissions de l’animal vers l’humain, mais qu’il s’agit d’un schéma plus général dans tout le règne animal.

Vers une meilleure surveillance des prochaines pandémies

Cedric Tan et son équipe espèrent que ces travaux encourageront davantage les recherches sur l’évaluation du risque et des impacts des virus transmis par l’humain sur la faune sauvage. “Les méthodes d’analyse développées dans notre étude (…) pourraient être développées en un outil de surveillance automatisé en temps réel pour identifier les maladies virales émergentes chez l’humain et l’animal”, anticipe-t-il. Il illustre le besoin de ce type d’outil par l’exemple des épidémies de métapneumovirus humain et de respirovirus humain chez les chimpanzés sauvages en Ouganda en 2016-2017. Plusieurs individus de cette espèce en voie de disparition en sont morts.

Les scientifiques prévoient dans une prochaine étape d’identifier d’éventuelles espèces animales “clés” qui faciliteraient la circulation de virus vers ou depuis l’humain afin d’orienter les efforts de surveillance et préserver la santé humaine de prochaines pandémies. “Il semble que le conduit principal du flux de pathogènes, dans un sens et dans l’autre, repose largement sur nos contacts intimes avec les animaux domestiques”, dévoile d’ores et déjà François Balloux.

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Niger, suivez Africa-Press

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here