Africa-Press – Niger. À quoi ressemblerait un crocodile croisé avec un lévrier ? Agile, élancé, rapide: tels étaient les sébécidés, derniers représentants d’un groupe de crocodiliens terrestres disparus. Bien après l’extinction des dinosaures, ces prédateurs imposants (certains pouvaient atteindre les six mètres de long) dominaient les écosystèmes sud-américains. Mais jusqu’à récemment, leur existence dans les îles des Caraïbes était inconnue. Tout a changé lorsqu’une équipe de paléontologues a mis au jour, en République dominicaine, une dent accompagnée de deux vertèbres fossilisées. Une découverte mince en apparence, mais suffisante pour révéler un pan oublié de l’histoire naturelle de la région.
Des crocodiles terrestres taillés pour la course
Les sébécidés appartiennent au clade des notosuchiens, un groupe de crocodiliens fossiles très éloigné de nos crocodiles actuels. Contrairement à leurs cousins aquatiques, les sébécidés étaient parfaitement adaptés à la vie terrestre: membres longs et graciles, mâchoires pourvues de dents tranchantes, et parfois une armure de plaques osseuses. Après l’extinction massive de la fin du Crétacé, qui a mis fin au règne des dinosaures, seuls quelques représentants de ce groupe ont survécu en Amérique du Sud, où ils se sont rapidement hissés au sommet de la chaîne alimentaire.
Cependant, traverser la mer pour coloniser les Caraïbes aurait constitué un défi de taille pour ces animaux terrestres. La découverte récente d’un sébécidé en République dominicaine renforce la théorie dite de « GAARlandia », selon laquelle un pont terrestre temporaire ou une série d’îlots aurait permis aux animaux de migrer entre l’Amérique du Sud et les îles caribéennes il y a environ 35 millions d’années. Les résultats de cette étude sont publiés dans la revue Proceedings of the Royal Society B.
Un refuge insoupçonné
Les dents découvertes à Cuba et Porto Rico il y a plusieurs décennies avaient déjà semé le doute sur la présence de grands prédateurs terrestres dans les îles. Mais sans fossiles squelettiques associés, leur appartenance restait énigmatique. Grâce aux nouvelles trouvailles dominicaines, il est désormais établi que les sébécidés ont persisté dans les Caraïbes jusqu’à il y a 11 millions d’années, bien après leur disparition sur le continent.
Ces fossiles, exhumés fortuitement lors de travaux routiers, témoignent d’une époque où les écosystèmes caribéens abritaient des prédateurs terrestres de grande taille. Leur extinction a laissé le champ libre à de plus petits prédateurs endémiques (serpents, oiseaux, crocodiles) qui ont depuis occupé leur niche écologique. Selon Jonathan Bloch, paléontologue au Florida Museum of Natural History, « la présence d’un grand prédateur modifie complètement notre vision de l’écosystème caribéen ancien ». Cette découverte s’inscrit dans un contexte plus large: les îles sont souvent des « musées de la biodiversité », expliquent les auteurs, où des espèces anciennes peuvent subsister bien après leur disparition ailleurs. Dans les Caraïbes, cette dynamique commence tout juste à être dévoilée.
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