Ressources naturelles : comment éviter les manques d’eau et de nourriture à l’avenir ?

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Ressources naturelles : comment éviter les manques d'eau et de nourriture à l'avenir ?
Ressources naturelles : comment éviter les manques d'eau et de nourriture à l'avenir ?

Africa-Press – Niger. Un « moment de bascule ». C’est le sentiment profond qui habite les chercheurs et acteurs politiques et économiques pour les 80 ans de l’Institut de recherche pour le développement (IRD), à Marseille ce 7 octobre. « On voit bien que les ressources s’épuisent, que ce soit l’eau de moins en moins disponible, l’air pollué et chargé en gaz à effets de serre, le bois des forêts, les rendements des cultures, énumère Pascal Lagarde, directeur exécutif de Bpifrance et l’un des intervenants du débat sur le sujet. Les ressources naturelles ne sont plus considérées comme infinies. » Ce qui pourrait être un sujet strictement économique et technique est également scientifique.

Entre des populations autochtones souvent victimes de l’exploitation des ressources naturelles, qu’elles soient minérales ou vivantes, et des industries aux moyens technologiques surpuissants, s’immiscent des questions de recherche. « Cela va de l’évaluation de la ressource et de sa capacité à se régénérer, ce qui amène à la définition d’une gestion durable, aux questions de consommation des produits tirés de la nature et cela va d’un usage sobre des ressources à la recyclabilité des matières utilisées et à l’impact sur l’environnement et l’humanité », explique Philippe Charvis, directeur délégué à la Science de l’IRD.

Au sein de l’Institut, la réflexion a débuté en 2016, dans la foulée de l’adoption, l’année précédente, par les 195 États membres de l’ONU, des 17 objectifs du développement durable (ODD) que les pays s’engagent à respecter d’ici à 2030. Ces ODD couvrent tous les aspects du bien-être de l’humain au sein d’une planète retrouvant un environnement sain et une biodiversité restaurée. « Il nous est apparu très rapidement qu’on ne pouvait plus fonctionner en solo, chaque chercheur dans son domaine de compétence ignorant des disciplines qui pourtant impactaient leurs travaux, poursuit Philippe Charvis. Les ODD nous obligeaient ainsi à repenser entièrement des questions qui intéressent toute la société. »

Un nouveau domaine émerge, la « science de la durabilité »

Pour répondre aux défis sociétaux et environnementaux, la « science de la durabilité » relie ainsi des sujets qui n’étaient auparavant pas connectés. Par exemple, la santé et le bien-être humain dépendent en grande partie d’une nature fonctionnelle, équilibrée et exploitée avec le souci de son renouvellement, qu’il s’agisse de stocks de poissons, d’exploitation de bois ou de préservation de l’écologie des sols agricoles. La transition énergétique en cours a certes pour but ultime de préserver les équilibres climatiques de la planète, mais elle aura également un coût trop élevé pour les écosystèmes si les nouveaux minéraux nécessaires sont exploités sans tenir compte de la durabilité au moment de leur extraction et de leur transformation. De même si ces matières ne sont pas utilisées de manière sobre et ne sont pas recyclées.

L’IRD s’est donc retrouvé face à un nouveau défi: comment initier ce dialogue interdisciplinaire à la fois en France, mais aussi dans les pays du Sud où l’Institut est présent. C’est ainsi qu’ont été créées les « communautés de savoir ». « Nous avons défini neuf domaines où les besoins d’échanges entre disciplines mais aussi entre chercheurs du Nord et du Sud étaient cruciaux pour faire émerger des solutions essentielles à l’atteinte des ODD », précise Philippe Charvis. On peut ainsi distinguer trois grands sujets: les questions planétaires que sont la biodiversité et le changement climatique, la gestion durable des ressources avec l’exploitation du sous-sol, du littoral et des océans et de la préservation des terres et sols, et, enfin, les conditions de vie humaines liées aux questions de migration, de santé (avec la notion « une seule santé », notamment), de systèmes alimentaires durables et de villes durables. Un conseiller scientifique est à la tête de chaque « communautés de savoirs », et des débats interdisciplinaires sont organisés pour faire émerger des projets fédérant des acteurs multiples de pays très différents.

Le partage des bénéfices

Ainsi, le programme « pour une activité minière responsable en Afrique de l’Ouest » (MINERWA, selon l’acronyme anglais) associe des laboratoires français et africains pour comprendre la distribution des ressources minérales en Côte d’Ivoire, la façon dont elles sont exploitées et les impacts sociaux et environnementaux de l’activité extractive. Force est de constater qu’il existe un profond déséquilibre entre des multinationales puissantes, disposant de larges capitaux, et des populations riveraines, pauvres, qui sont des victimes collatérales et qui ne retirent aucun bénéfice de l’exploitation de leur terre. « L’objectif consiste à produire des connaissances scientifiques utiles, susceptibles de réduire l’asymétrie entre les acteurs concernés par l’extraction des ressources minérales au bénéfice du développement des États et des territoires riverains des sites d’exploitation », expliquent les porteurs du programme.

Autre exemple: la création du laboratoire mixte international Great Ice a permis d’organiser un réseau andin d’observation des glaciers tropicaux de la cordillère des Andes qui vise à mieux surveiller l’évolution de ces masses soumises à la hausse des températures. Les coopérations internationales permettent de suivre le recul des glaciers et de simuler leur réponse au changement climatique d’ici à la fin du siècle. Mais il s’agit aussi de déterminer les impacts qu’aura la modification du système hydrographique d’altitude sur les populations andines. Celles-ci profitent en effet de cette ressource et il faut donc d’ores et déjà anticiper sa raréfaction en initiant dès à présent des mesures de gestion d’une eau de moins en moins disponible.

Il s’agit donc bien d’un « moment de bascule ». Les pénuries constatées dans de nombreuses régions de la planète, notamment en eau, mais aussi en nourriture, avec des déséquilibres forts entre une part croissante de la population mondiale victime d’obésité et une autre touchée par la malnutrition, constituent des signaux alarmants qui ont d’ailleurs incité les États à adopter les ODD. De même, dans les prochaines décennies, la transition énergétique fera basculer les enjeux miniers des pays pétroliers à ceux concentrant les minéraux essentiels comme le lithium, présent en grande quantité uniquement dans les salars du Chili et d’Argentine, dans les mines d’Australie et en Chine. La science de la durabilité a d’ores et déjà un rôle à jouer pour que ces changements majeurs permettent de construire un monde plus viable.

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