Des Afrique(s) à découvrir et à offrir

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Des Afrique(s) à découvrir et à offrir
Des Afrique(s) à découvrir et à offrir

Africa-Press – São Tomé e Príncipe. De la photographie à la gastronomie, de l’artisanat au tissu en passant par l’histoire, le continent peut s’appréhender à travers de beaux ouvrages.

Noël et Saint-Sylvestre illustrent les derniers sursauts d’une année qui s’achève tout en annonçant les premières lueurs d’un avenir quasi immédiat. Dans une logique de partage, ces deux moments sont l’occasion de faire découvrir de belles histoires dans des univers variés. Plusieurs ouvrages ont retenu notre attention : Being There d’Omar Victor Diop qui explore de nouveaux territoires photographiques, Black Food de Bryant Terry qui conte l’histoire de la gastronomie africaine telle que véhiculée par une certaine diaspora, Made in Africa – Dans ma valise d’Hortense Assaga qui fait la part belle à des produits de l’artisanat du continent, Wax Stories de l’éditrice Clémentine de la Ferronnière qui nous plonge dans la magie de l’histoire du wax, ce tissu emblématique de l’Afrique bien qu’initialement conçu ailleurs, et enfin Aminata de Lawrence Hill qui nous fait partager le parcours d’une fille arrachée à son environnement en Afrique pour une vie d’esclave dans le sud des États-Unis. Autant de galettes pour apprécier l’Afrique dans la pluralité de son destin.

Photographie : quand Omar Victor Diop s’invite dans l’Amérique blanche des années 1950

Being There, série photographique présentée dans ce beau livre, pourrait être sous-titrée « Là par effraction ». Lee Shulman, réalisateur anglais, détenteur d’une importante collection de photographies vernaculaires, « The Anonymous Project », a fait une étrange proposition à Omar Victor Diop, photographe sénégalais spécialiste de l’autoportrait : s’inviter dans ses clichés des années 1950-1960 qui montrent essentiellement la classe moyenne blanche américaine.

Un peu hésitant, Omar Victor Diop s’est laissé tenter. Travail de mise en scène en studio, choix des costumes vintage, accessoires, poses, il a tout pensé en amont. Et cela fonctionne très bien ! Les prises de vues ont été travaillées, comme au cinéma, avec des chefs opérateurs pour que les couleurs s’alignent sur celles des films Kodachrome et également avec des assistants pour vérifier le positionnement, la lumière et la perspective. Parallèlement, un retoucheur a réalisé le travail d’intégration afin de retrouver le grain exact ainsi que les niveaux de détail ou de flou. « Ce qui est beau, c’est qu’on a dû ajouter des défauts pour rendre le résultat plus naturel, plus imparfaitement parfait », s’est amusé Lee Schulman.

Dans ces images de célébration de la vie quotidienne montrant une fête d’anniversaire, un barbecue, une scène de famille devant sa belle voiture ou son pavillon, Omar Victor Diop prend la pose, se glisse avec un naturel bluffant. Il en joue avec humour, découpant à la pince une langouste devant un restaurant de bord de mer. Ainsi, il prend place autour de la table, trinque en famille et croise le regard d’un enfant.

Ces clichés qui montrent le mode de vie américain des années 1950 avec la voiture, emblème de la classe moyenne, ainsi que le pavillon dans une banlieue proprette, sont autant un marqueur social que celui d’une époque dominée par la ségrégation raciale.

En s’invitant dans ces clichés des années 1950, Omar Victor Diop questionne la société d’hier et d’aujourd’hui, surtout, il interroge l’absence de personnes de couleur. « Ce n’est pas parce que le sujet est sérieux que cela ne peut pas être drôle. C’est une lecture dépassionnée, une lecture amusée qui repose totalement sur la notion de jeu », confie-t-il.

Gastronomie : Black Food pour se régaler dans l’assiette et nourrir l’esprit

Black Food est un ouvrage riche et étonnant qui explore les habitudes alimentaires des Afro-américains et des diasporas africaines à travers les yeux et les papilles gustatives de Bryant Terry qui a orchestré l’ouvrage. Militant, chef végétalien afro-américain, Bryant Terry a publié ce livre en anglais en 2021. Celui-ci a remporté un beau succès outre-atlantique. C’est sa version française, éditée par Hachette, qu’il nous est donné de découvrir maintenant.

Au menu, 65 recettes, des incontournables aux plus originales, du poulet yassa à la soupe curry coco en passant par le ramen de poulet jerk. Toutes rendent hommage au génie culinaire du continent mais aussi de ses enfants désormais en d’autres lieux. Un voyage gustatif est ainsi proposé de la Jamaïque au Sénégal en passant par la Somalie. Délivrées par de grands chefs, ces recettes en constituent le fil conducteur.

Cela dit, si la nourriture reste le fil d’Ariane de Black Food à travers les contributions de 100 personnalités, l’ouvrage retrace l’histoire culinaire de la diaspora africaine et rend un hommage à la créativité de celle-ci. Ainsi, art visuel, essais et poésies se répondent. Les chapitres explorent certaines parties de l’expérience noire, de la mère patrie à la migration, de la spiritualité à l’avenir. « Black Food est conçu pour vivre à vos côtés, pas seulement sur les tables basses, les crédences et les tables de chevet », insiste Bryant Terry. « Livre en bandoulière, partez à la découverte de votre marché local, améliorez vos compétences, élargissez votre répertoire de cuisine inspirée par la diaspora africaine », préconise-t-il.

Artisanat : pourquoi les talents africains valent le détour

Made in Africa – Dans ma valise, beau livre superbement illustré, nous fait découvrir mille et un objets artisanaux du continent africain.

Hortense Assaga, journaliste reconnue, a profité de cette période si particulière de la pandémie du Covid pour mener à bien ce projet qui lui tenait tant à cœur. Pour ce faire, elle a parcouru plus de 40 pays africains, glissé dans ses valises des tas de beaux objets chinés sur les étals des marchés, collectionné les excédents de bagages, tout ça pour mettre en lumière les savoir-faire des artisans africains dans tous les domaines, de la poterie à la vannerie en passant par la création de bijoux et d’autres motifs de textiles…

Décoration, mode, design, objets du quotidien, Hortense Assaga nous donne à découvrir le talent des artisans africains. « Leur apport et leur rôle dans l’économie ne sont pas suffisamment reconnus », insiste-t-elle. Tous ces objets sont faits à la main, patiemment, et à partir de matières naturelles ou récupérées. Une illustration du fait que les Africains sont les champions de l’économie circulaire. Sacs, paniers, éventails, bijoux sont même parfois copiés ou servent d’inspiration aux grandes marques de luxe même si les artisans africains ne sont jamais cités ni ne touchent des royalties.

« Dans ma valise » est aussi une réponse à la question des voyageurs qui visitent un pays du continent et se demandent quels souvenirs ramener ou quels cadeaux offrir. Hortense Assaga a parcouru l’Afrique, pour son métier de journaliste mais aussi avec passion. Elle s’est transformée en dénicheuse et collectionneuse d’objets artisanaux, véritables porteurs de l’identité africaine. Au fil des pages, on découvre de très beaux objets mis en lumière par le photographe Jean-Pierre Nakpane.

Cet ouvrage peut s’acquérir en ligne sur le site Hortense Assaga mais aussi au Musée du Quai Branly, chez Présence Africaine à Paris, à la librairie « Aux 4 vents » à Dakar, et à la Boutique Kreyann Bonandjo à Douala.

Tissu : mais comment le wax s’est-il imposé ?

Le wax, tout le monde connaît. Ce sont ces pagnes, expression de l’identité africaine et pourtant en réalité d’inspiration indonésienne historiquement et fabriqués aux Pays-Bas. Ils ont fait la fortune des Nana Benz, des commerçantes qui les vendent sur les marchés africains notamment au Togo et au Bénin. Derrière ces tissus et leurs motifs se cache un langage. C’est ce que Wax stories, conçu par Marie-Cécile Zinsou, fondatrice de la Fondation éponyme au Bénin, nous révèle à travers l’histoire de ces pagnes ainsi que leur signification.

Il faut savoir que le wax (cire en anglais) est inspiré d’une technique artisanale indonésienne où une teinture est appliquée après avoir effectué une réserve à la cire d’abeille (le batik). Au milieu du XIXe siècle, les Hollandais ont fabriqué un batik industriel qu’ils espéraient écouler en Indonésie. Cela a été un échec. C’est en Afrique que le produit a trouvé son débouché. Traditionnellement, le wax fait partie de la dot mais il est aussi porté dans la vie de tous les jours. Ce sont les Nana Benz qui ont donné des noms à des pagnes inspirés de différents motifs. Une belle stratégie marketing qui a fait des pagnes un moyen de communication.

Ainsi, ce beau livre reproduit les motifs des pagnes et met sur la page en regard les noms donnés en langues fon, mina, français ou anglais. Ainsi peut-on citer atchoé, congrès, macaroni, Gogo loto, Genito, vido adogomè, sahè kpèvi, high life, l’œil de ma rivale, hibiscus, sens interdit, etc.

Il y a aussi le cheval jaune qui se cabre, c’est une manière de prévenir les coépouses et de leur dire « Occupez-vous de vos affaires ».

L’avertissement au mari peut aussi être très clair. Ainsi, les dessins d’un oiseau qui sort de sa cage peuvent signifier ceci : « si tu sors, je sors aussi ».

D’autres font référence à un événement politique : le balai de Guéï rappelle, en Côte d’Ivoire, le renversement du président Konan Bédié par le général Guéï, en 1999.

Quoi qu’il en soit, selon les pays et les langues, les messages peuvent aussi être différents.

De nombreuses informations ont été recueillies auprès des vendeuses du grand marché de Cotonou, le marché Dantokpa, le plus grand de l’Afrique de l’Ouest pour la vente des pagnes. Ainsi pour le pagne appelé « Je vaux plus cher que l’or et le diamant », Karine Kpocheme, une vendeuse, explique que le motif de ce pagne est une gravure d’un motif édité du temps de ses grands-parents, avec des couleurs plus flamboyantes. Il avait été réalisé par Vlisco, en exclusivité.

Histoire : Aminata , un plongeon dans la bouleversante période de l’esclavage

Lawrence Hill, journaliste et écrivain canadien, nous fait vivre, de l’intérieur, l’odyssée poignante d’une jeune fille de 11 ans, Aminata, enlevée au début du XVIIIe siècle dans son village situé dans l’actuel Mali puis vendue comme esclave dans le sud des États-Unis. Fille d’un joaillier et d’une sage-femme qui l’a initiée, elle a vu ses parents mourir lors de l’attaque du village mais ils auront auparavant su lui donner les clés de sa survie, les valeurs morales fondamentales, la force de combattre, de survivre, de se relever et de poursuivre son rêve de liberté.

Personnage principal et narratrice, Aminata, à la fin de sa vie, entreprend de témoigner et d’appuyer le mouvement des abolitionnistes anglais.

Ce roman se dévore et plonge le lecteur dans l’enfer de l’esclavage, la traversée dantesque de l’Atlantique, où la puanteur et la mort rôdent, la vente sur le marché aux esclaves pour ceux qui ont survécu, le travail sans fin et les sévices dans les plantations mais aussi la cruauté des hommes sans égale. Tout cela à travers les yeux d’une fillette qui devient femme et se bat avec courage. Ce livre nous transporte du cœur de l’Afrique aux côtes de la Sierra Leone, des plantations d’indigo du sud des États-Unis en passant par New York à la Nouvelle-Écosse.

Très documenté, ce roman nous fait découvrir et vivre des pans de l’histoire de l’esclavage peu connus.

Au moment de la guerre d’indépendance américaine (1775-1783), les Britanniques loyalistes offrent à quelque 3 000 esclaves noirs de s’engager à leurs côtés moyennant l’assurance de gagner leur liberté en partant en 1783 pour la Nouvelle-Écosse (au Canada) où on leur promet des terres qu’ils ne verront jamais. Leurs noms sont alors consignés sur un registre : « The Book of Negroes ».

Ils ne trouveront à l’arrivée que des conditions de vie abominables où le froid se dispute à la misère. Au final, les abolitionnistes anglais leur ont proposé un retour en Afrique. Au cours de l’année 1792, près d’un millier d’entre eux ont embarqué pour la colonie britannique de Sierra Leone. Aminata, qui rêve depuis son enlèvement de retrouver son village, a entrepris ce voyage. Une fois sur place, la réalité va noyer toutes ses espérances.

Finalement, Aminata Diallo va renoncer à son projet et va rejoindre Londres où elle va s’employer à témoigner.

Avec maestria, Lawrence Hill va réussir à nous embarquer dans une épopée romanesque et historique, une épopée pleine de rebondissements à travers plus de 600 pages.

Pour plus d’informations et d’analyses sur la São Tomé e Príncipe, suivez Africa-Press

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