Corner, stratégie, recrutement… Quelle place pour l’IA dans le football ?

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Corner, stratégie, recrutement… Quelle place pour l’IA dans le football ?
Corner, stratégie, recrutement… Quelle place pour l’IA dans le football ?

Africa-Press – São Tomé e Príncipe. Pour réussir un corner, il faut: du talent, bien connaître son adversaire, un peu de chance… et l’aide de l’IA ? C’est le pari qu’a fait Google en testant son algorithme, TacticAI, avec le club de Liverpool.

Difficile de différencier un véritable corner d’un corner généré par IA

Dans un match de football, les corners sont accordés aux équipes en train d’attaquer lorsque la balle sort du terrain après avoir touché un joueur de l’équipe en train de défendre. C’est alors l’occasion pour les deux équipes de tester les stratégies pour lesquelles elles se sont entraînées avant le match. En essayant d’anticiper ce que va faire l’adversaire.

Pour essayer d’avoir une longueur d’avance, Google a mis au point TacticAI sur la base de 7.176 corners réalisés par le club. Pour chaque situation, le programme formule des recommandations sur le placement des joueurs et la meilleure combinaison face au but de l’adversaire. L’IA peut aussi prédire quel joueur a le plus de chance de toucher la balle en premier et si un tir va être tenté ou non. Chaque scénario de corner (le receveur va-t-il mettre un but ? Un joueur adverse va-t-il intercepter la balle ?) est converti en graphique.

Ces graphiques ont ensuite été présentés à cinq membres du club: trois data analysts (qui analyse les données), un analyste vidéo et un assistant du coach. “Le club de Liverpool possède déjà une solide équipe dédiée aux statistiques depuis de nombreuses années, avec un grand nombre de personnes spécialisées en STEM (en anglais “Science, technology, engineering, and mathematics”, ndlr), et elles étaient très enthousiastes à l’idée de ce projet”, raconte Petar Veličković, chercheur chez Google pour le programme DeepMind et co-auteur d’un article publié dans la revue Nature sur TacticAI.

Ces cinq membres du club ont dû passer en revue une série de différentes configurations de corners, certaines correspondant à des cas réels rencontrés dans le club et d’autres générées par l’algorithme. “Les experts n’ont, en général, pas réussi à différencier un véritable corner d’un corner généré par IA. Ils avaient tendance à définir toutes les configurations comme réelles, qu’elles viennent de l’IA ou non”, explique Petar Veličković. Ils ont, en plus, favorisé les scénarios proposés par l’IA face à ceux du club dans 90% des cas.

“Un assistant virtuel ne remplacera jamais un entraîneur”

Mais comment une IA peut-être prévoir comment un joueur va se comporter ? Et si ce footballeur était remplacé par un co-équipier au dernier moment, toutes les statistiques seraient-elles faussées ? “Tout dépend des paramètres utilisés dans le système, explique Petar Veličković. Notre programme était plutôt rudimentaire. Nous avons seulement pris en compte la taille et le poids des joueurs, ce qui ne demande pas de gros ajustements lorsqu’un nouveau footballeur arrive sur le terrain. Mais on pourrait ajouter tout un tas de particularités à l’algorithme, comme le style de jeu des joueurs. Ce genre de programme pourrait servir aux clubs d’élite, afin d’y ajouter les qualités de leurs joueurs.” Les prochaines applications pourraient concerner les coups francs et les remises en jeu. Des moments du match où il est plus facile de contrôler le jeu et de mettre en place des stratégies.

En revanche, difficile de prédire avec certitude ce qui peut se passer en jeu ouvert (lors des offensives d’une équipe). Plus l’horizon de prédiction est lointain et moins le système est fiable. “Un assistant virtuel ne remplacera jamais un entraîneur”, tempère auprès de Sciences et Avenir Mathieu Lacome, directeur de la performance au club de Parma Calcio en Italie, anciennement au Paris Saint-Germain. “Certes l’on peut mesurer plein d’éléments, les passes réussies, les facteurs physiques lorsque les joueurs courent, etc. Mais il y a également plein de choses qu’on ne peut pas chiffrer, comme l’impact d’un joueur sur un autre, un joueur dans une mauvaise passe car il est en train de changer d’agent, un autre avec des problèmes familiaux, etc..”

L’IA a déjà une place incontestable dans l’ombre des terrains de foot

Après un usage accru des statistiques, l’IA pourrait se banaliser sur les bords des terrains. “Les logiciels comme TacticAI pourraient, à l’avenir, faire partir de la “boîte à outils” des clubs. Sauf que celui-là permet de réfléchir aux mouvements de joueurs de façon plus abstraite”, suggère Petar Veličković. Reste à convaincre les clubs de l’utilité d’un tel logiciel dans les stades. “Lors d’un match sous pression, il se passe énormément de choses. Les réactions se font dans l’instant. Or s’il y a trop de données, difficile de prendre des décisions. Il faut trouver un bon équilibre. En revanche, de gros modèles d’algorithmes peuvent analyser finement le jeu d’un adversaire à froid, en dehors des gros matchs, afin d’identifier des modèles de jeu qu’on peut alors présenter à l’entraîneur”, complète Mathieu Lacome.

Avant de prouver son utilité sur la pelouse devant des milliers de spectateurs, l’IA s’est déjà taillée une place incontestable dans l’ombre, au cœur des processus de recrutement des joueurs. C’est là, au cœur des négociations, que des modèles avancés sont déjà utilisés.

“On parle là de “gros sous”. Les clubs possèdent déjà des départements dédiés à calculer si un transfert d’une équipe à l’autre pourrait améliorer la performance du club. Avant chaque recrutement, des documents complexes sont produits”, explique Mathieu Lacome. “Ceci dit, ça n’enlèvera jamais le besoin de bien connaître la mentalité, l’environnement et la famille d’un joueur.” Google, de son côté, ne compte pas se limiter au football. Les logiciels comme TacticAI ont vocation à se décliner dans n’importe quel sport collectif afin de modeler les interactions des joueurs au moment de prendre une décision, du basket-ball au hockey en passant par le football américain.

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