Comment restaurer une forêt tropicale ?

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Comment restaurer une forêt tropicale ?
Comment restaurer une forêt tropicale ?

Africa-Press – São Tomé e Príncipe. Dans la plupart des régions tropicales, les forêts exploitées sont désormais plus répandues que les forêts intactes. Là-bas, l’exploitation forestière se fait principalement par coupe sélective, c’est-à-dire qu’on ne prend que les arbres les plus intéressants. Ainsi, la forêt n’est pas complètement rasée après qu’elle a été exploitée, mais elle est certainement dégradée. Considérant que les forêts tropicales abritent 80% de toutes les espèces documentées sur la planète et représentent environ 40% du puits de carbone terrestre mondial, la restauration de ces écosystèmes est nécessaire pour combattre la double crise des changements climatiques et du déclin de la biodiversité.

Mais jusqu’à présent, on ne connaissait pas la meilleure manière de s’y prendre. Faut-il laisser la forêt repousser naturellement, à partir des graines enfouies dans le sol ? Ou faut-il plutôt intervenir ? Et si oui, comment ? Voici les questions auxquelles s’est attaquée l’équipe du professeur Andrew Hector de l’Université Oxford (Royaume-Uni). Leurs résultats ont été publiés dans la revue Science Advances.

Une expérience colossale

En 2002 à Bornéo en Malaisie, les chercheurs ont planté près de 100.000 arbres sur une superficie de 500 hectares de forêt tropicale ayant subi de la coupe sélective. L’analyse de cette forêt dure depuis plus de 20 ans et se poursuit toujours : c’est l’une des plus grandes expériences écologiques au monde !

Pour tester différentes méthodes de restauration, la forêt a été divisée en 125 parcelles. Certaines d’entre elles ont été laissées pour compte afin de repousser naturellement, alors que d’autres ont été replantées avec un mélange de 1, 4 ou 16 espèces d’arbres différentes. “C’est à la mode de planter des arbres en ce moment !”, lance Andrew Hector à Sciences et Avenir. “Mais ce n’est pas si simple : il faut savoir planter les bons arbres aux bons endroits. Sinon, ça peut engendrer d’autres problèmes.”

Les chercheurs n’ont planté que des espèces indigènes ciblées par la coupe afin de les remplacer et se sont concentrés sur la famille d’arbres dominants en Asie du Sud-Est, les Diptérocarpacées. Cette famille a la particularité de ne pas se reproduire chaque année, alors le sol ne contient pas toujours la réserve de graines nécessaire à la repousse naturelle, contrairement à la plupart des autres espèces d’arbres.

Un coup de main bénéfique pour la forêt

Résultat de l’étude : planter une plus grande diversité d’arbres accélère la restauration de la forêt. Une décennie plus tard, les images satellites montraient déjà que la biomasse, la couverture forestière et l’indice foliaire étaient tous plus élevés selon le nombre d’espèces plantées.

Certes, ces résultats ne sont pas si surprenants, mais ils prouvent à quel point la biodiversité renforce l’intégrité d’un écosystème, et montrent comment on peut donner un coup de main aux forêts dégradées. “Dans le contexte actuel, c’est préférable d’avoir une forêt qui se rétablit rapidement, indique Andrew Hector. Ces arbres peuvent stocker d’énormes quantités de carbone en biomasse, alors on a besoin d’eux au plus vite pour lutter contre les changements climatiques.”

L’importance de la biodiversité

Les chercheurs pensent qu’une plus grande biodiversité d’arbres permet à l’écosystème de se rétablir plus rapidement, car elle lui permet d’être plus stable et résilient face aux conditions changeantes. “C’est le même principe que la stratégie financière de diversifier son portfolio, raconte le professeur. On veut investir dans plusieurs secteurs pour amortir les risques. C’est pareil dans une forêt tropicale : la biodiversité agit comme une assurance.”

Par exemple, certaines espèces sont plus tolérantes aux sécheresses que les autres, car elles produisent des composés chimiques qui les protègent. Ainsi, l’écosystème est plus résilient aux périodes de faibles pluies lorsque ces espèces sont présentes. Ce qui est d’autant plus important alors que les phénomènes météorologiques se multiplient. Les chercheurs soulignent aussi l’importance de protéger les forêts encore intactes, au-delà de la restauration. Car même en plantant 16 espèces d’arbres dans la forêt dégradée, la biodiversité demeure beaucoup plus faible que dans une forêt intacte.

“Bien sûr, on veut protéger la biodiversité par principe tout simplement, au même titre que l’on conserve des monuments, des sculptures, des œuvres d’art… mais c’est bien plus que cela !, s’exclame le chercheur de l’université d’Oxford. La diversité biologique sert réellement à quelque chose : elle permet aux écosystèmes d’être résilients et de nous fournir des services essentiels comme le piégeage de carbone.”

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