Découverte impressionnante de milliers d’abeilles momifiées, datant de l’époque des pharaons

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Découverte impressionnante de milliers d’abeilles momifiées, datant de l’époque des pharaons
Découverte impressionnante de milliers d’abeilles momifiées, datant de l’époque des pharaons

Africa-Press – São Tomé e Príncipe. Nous avons découvert des milliers d’abeilles momifiées par mètre carré !”, s’exclame Carlos Carvalho, enthousiaste. Depuis plus de 20 ans, son équipe de scientifiques de l’université de Lisbonne (Portugal) fouille le sud-ouest de l’Ibérie, à la recherche de fossiles témoignant de bouleversements climatiques. Elle a ainsi arpenté 150 km de littoral au sud-ouest du Portugal. “Les zones côtières sont particulièrement touchées par les changements climatiques”, indique le paléontologue pour Sciences et Avenir. “Nous avions donc bon espoir d’y trouver des témoignages de ces transitions extrêmes.” Et pas des moindres, puisque l’équipe de Carlos Carvalho met au jour des milliers de cocons d’abeilles du genre Eucera, datant de l’époque des pharaons. Remarquablement préservés, leurs cocons témoignent du comportement particulier de ces invertébrés. Leurs résultats ont été publiés dans la revue Papers in Palaeontology.

Eucera, une abeille solitaire et discrète

Les abeilles constituent un groupe d’insectes très prospère qui comprend plus de 20 000 espèces différentes. Si nous sommes habitués à reconnaître la sociabilité de l’abeille qui vit en ruche, ce n’est pas le cas du genre Eucera. “Bien que nous ayons identifié 3 000 à 4 000 nids d’abeilles par mètre carré, ils ont été produits un par un par différentes femelles”, illustre le chercheur. L’objectif de tout nid est de fournir aux œufs une protection contre les prédateurs et les changements environnementaux soudains. Les femelles d’Eucera ont développé une technique bien particulière pour garantir leur sécurité : elles creusent dans le sol des nids individuels à l’aide de leurs mandibules et de leurs membres antérieurs. En utilisant leurs pattes arrière et leurs mouvements abdominaux, elles poussent ensuite le sol. “Le nid qui en résulte a une architecture très spécifique, connue sous le nom de Palmiraichnus castellanosi”, précise Carlos Carvalho.

L’abeille Eucera a un pollen favori

Pour fabriquer le cocon dans lequel l’œuf se développera, l’abeille tapisse la surface intérieure d’une couche de terre lisse, transportée sous forme de boulette depuis d’autres tunnels qu’elle a creusés. Ensuite, elle applique une sorte de soie sur la surface intérieure. “La préservation de ce revêtement cellulaire interne est exceptionnelle en soi, car dans d’autres sites, nous avons découvert que le cocon se décompose généralement et est remplacé par des carbonates, responsables de la fossilisation du nid”, analyse le paléontologue. Elle a permis aux chercheurs d’accéder aux grains de pollens déposés par la mère lors de la construction du cocon.

Ce petit apport nourrit la nouvelle génération jusqu’à ce qu’elle devienne adulte et quitte le nid. L’échantillon palynologique (de pollen) récolté n’était pas assez vaste pour permettre d’interpréter les paysages dans lesquels évoluaient ces abeilles, il y a 3 000 ans. “En revanche, les grains ne provenaient que d’un seul genre : les herbes Brassicaceae. Cela relève le goût particulier de ces abeilles”, note Carlos Carvalho.

Des cocons parfaitement préservés

Les cocons révélés par les chercheurs de l’université de Lisbonne renferment encore de jeunes abeilles intactes : une découverte complètement inédite qui a permis aux chercheurs d’identifier le type d’abeille, mais aussi son sexe. En temps normal, l’enveloppe corporelle de ces insectes se décompose rapidement car elle est essentiellement constituée de chitine, un composé organique. Cette fois-ci, l’équipe de Carlos Carvalho a donc pu estimer avec précision l’âge de ces nids grâce à la datation carbone. Une méthode qui s’applique en effet aux restes organiques de moins de 40 000 ans. Résultat, ces nids seraient âgés de 2 975 ans. Mais comment expliquer qu’ils soient si bien préservés ? Ils auraient été figés par le froid.

“Il y a environ 3 000 ans, nous vivions dans ce que l’on appelle le néoglaciaire”, indique le paléontologue. Après une hausse des températures sur la période de l’Holocène, le néoglaciaire coïncide avec le retour d’un climat frais et humide. “Ce refroidissement s’est accompagné d’une augmentation des précipitations et de l’humidité, ce qui a contribué à la reconstitution des glaciers qui n’existaient plus ou qui avaient fortement reculé depuis la dernière période glaciaire”, ajoute Carlos Carvalho. À la latitude du Portugal, les glaciers de montagne ont en effet disparu il y a environ 14 000 ans.

“Des hivers nettement plus froids”

“Durant l’âge de bronze, de 2 700 à 800 avant notre ère, les hivers étaient nettement plus froids qu’aujourd’hui, mais les étés pouvaient être plus chauds, jusqu’à 1,5 °C”, souligne le paléontologue. D’après l’étude, deux hypothèses pourraient expliquer la mort de ces milliers de jeunes abeilles dans leur cocon : une chute soudaine des températures ou la prolongation de la période d’inondation au début du printemps. “Il est possible que ces inondations aient été accompagnées de dépôts de sédiments fins, étouffant la zone de nidification”, observe Carlos Carvalho.

Jusqu’à présent, quatre sites ont été découverts, et un seul a révélé une préservation aussi exceptionnelle. “Il est important de comprendre si cette momification naturelle a pu être reproduite dans d’autres sites qui n’ont pas encore été découverts, ou même, si elle a pu avoir lieu dans d’autres régions du monde à des époques différentes”, conclut le chercheur.

Le registre fossile des cocons d’abeilles est âgé de plus de 100 millions d’années. Pourtant, jamais encore les scientifiques n’avaient découvert de nids d’abeilles contenant des individus préservés à l’intérieur. L’étude de ces cocons aux rayons X pourraient continuer de fournir de nouvelles données. Une occasion remarquable de mieux comprendre les comportements de nidification de ces invertébrés et leur évolution.

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