Africa-Press – São Tomé e Príncipe. L’influence de l’exposition précoce ou excessive aux écrans fait débat au sein de la communauté scientifique. Pour essayer de clore ce débat, une équipe de recherche dirigée par Jonathan Bernard, chercheur au sein du Centre de recherche en épidémiologie et statistiques de l’Inserm, a travaillé sur le sujet avec l’aide des statistiques de la cohorte Elfe.
Cette dernière a pour but de mieux connaître les facteurs (environnement, entourage familial, conditions de vie…) qui peuvent avoir une influence sur le développement physique et psychologique de l’enfant, sa santé et sa socialisation. Près de 18.000 enfants nés en 2011 ont initialement été inclus dans l’étude, avec l’accord de leurs parents. Dans le cadre de leurs travaux, les chercheurs ont travaillé sur les données de 14.000 des enfants suivis par Elfe entre 2013 et 2017. Les parents ont rapporté le temps d’écran quotidien (le samedi ou le dimanche) chez leur enfant à deux, trois ans et demi et cinq ans et demi et pour cinq types d’écrans (smartphone, tablette, ordinateur, console de jeux vidéo et télévision). Ces travaux ont été présentés à la presse le 13 septembre 2023 et publiés dans The Journal of Child Psychology and Psychiatry.
Exposition aux écrans : l’importance de l’environnement familial
La littérature scientifique, entre 2020 et 2022, semble indiquer que les écrans sont plutôt à éviter chez les jeunes enfants : en effet, 782 articles scientifiques sur 917 (soit 85%) sortis à cette période évoquent les “dangers” ou les “risques” des écrans, selon le livre Les enfants et les écrans d’Anne Cordier et Séverine Erhel (Editions Retz, 2023).
De son côté, l’équipe de l’Inserm a évalué les associations entre utilisation d’écran et développement cognitif dans la petite enfance, en prenant en compte les facteurs liés au contexte social, périnatal, familial et aux habitudes de vie. Il a été observé qu’aux âges de trois ans et cinq ans et demi, le temps d’exposition aux écrans était associé à de moins bons scores de développement cognitif global, surtout dans les domaines de la motricité fine (quand l’enfant apprend à utiliser certains petits muscles des doigts et des mains pour prendre et manipuler de petits objets), du langage et de l’autonomie. Avec une baisse d’environ 1,5 point de QI.
Cependant, lorsque les facteurs relatifs au mode de vie étaient pris en compte, la relation négative se réduisait et devenait de faible importance selon les cas. Selon les observations des auteurs, l’impact des écrans sur le développement cognitif baisse de 40 % à 80 % une fois le poids des facteurs familiaux pris en compte, et de 10 % à 20 % supplémentaires une fois les autres activités de l’enfant également considérées (par exemple, un enfant qui lit beaucoup aura un meilleur développement cognitif qu’un enfant qui lit peu, toutes choses égales par ailleurs).
TEMPS. Selon une vaste étude publiée en avril 2023 basée sur la cohorte Elfe, le temps d’écran quotidien était en moyenne de 56 minutes à 2 ans, 1h20 à 3 ans et demi et 1h34 à 5 ans et demi. Soit des durées supérieures aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui préconise de ne pas exposer les enfants de moins de 2 ans aux écrans, puis de limiter le temps à 1 heure par jour entre 2 et 5 ans.
Les repas de famille : des écrans à bannir
Les chercheurs se sont penchés sur un moment crucial de la journée : les repas de famille. Rituel tout aussi important pour le développement cognitif de l’enfant, durant lequel il va observer et écouter les conversations des personnes autour de lui et se les approprier petit à petit afin de développer son langage et son comportement. Indépendamment du temps d’exposition, avoir la télévision allumée pendant les repas familiaux à l’âge de deux ans (soit 41% des enfants) est associé à un moins bon développement cognitif global à trois ans et demi.
“Cela pourrait s’expliquer par le fait que la télévision, en captant l’attention, interfère avec la qualité et la quantité des interactions entre les parents et l’enfant, cruciales à cet âge pour l’acquisition du langage, explique dans un communiqué Shuai Yang, premier auteur de l’étude. La télévision ajoute un fond sonore qui va rendre difficile le déchiffrage des sons, la compréhension et l’expression verbale.”
“Lorsqu’un enfant utilise un écran excessivement, il le fait au détriment d’autres activités”
D’autres facteurs que le temps d’écran sont donc à prendre en compte, comme le contexte et les activités de l’enfant (sommeil, jeux, temps de lecture). “Lorsqu’un enfant utilise un écran excessivement, il le fait au détriment d’autres activités ou interactions sociales essentielles pour son développement”, détaille Jonathan Bernard, avant d’ajouter : “si les effets délétères de l’utilisation des écrans dans la petite enfance présentent un faible impact sur le développement cognitif individuellement, ils justifient de rester vigilants à l’échelle de la population. En santé publique, les petits ruisseaux font les grandes rivières…”.
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