Un régime alimentaire déséquilibré pendant la grossesse est mauvais pour la maman, mais aussi pour l’enfant à naître

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Un régime alimentaire déséquilibré pendant la grossesse est mauvais pour la maman, mais aussi pour l’enfant à naître
Un régime alimentaire déséquilibré pendant la grossesse est mauvais pour la maman, mais aussi pour l’enfant à naître

Africa-Press – São Tomé e Príncipe. Menée par une équipe de l’Université nationale autonome du Mexique, cette étude a consisté à nourrir six rats femelles avec un régime riche en graisses et pauvre en protéines, puis de comparer la descendance de ces animaux avec celle de cinq autres femelles alimentées de manière plus équilibrée. L’objectif de l’expérience était d’évaluer si un régime alimentaire de type “junk food” suivi pendant la grossesse pouvait avoir un impact sur le métabolisme de la descendance, c’est-à-dire sur l’ensemble des réactions qui se produisent dans l’organisme.

L’indication du taux de glucose dans le sang

Le protocole expérimental était le suivant: les six rongeurs femelles de l’expérience ont commencé à recevoir des repas déséquilibrés 21 jours avant l’accouplement et ont poursuivi ce régime jusqu’au 21e jour après la naissance de leur portée qu’elles ont allaitée.

Trois types de mesures ont été effectuées sur les jeunes rats: la première concernait leurs caractéristiques morphométriques (taille, poids, longueur corporelle…), tandis que les deux autres portaient sur des paramètres physiologiques. Les résultats les plus significatifs ont été observés dans ces derniers, notamment en ce qui concerne le taux sanguin de glucose. Ce métabolite essentiel au fonctionnement de l’organisme est utilisé par les cellules pour produire une molécule, l’ATP, principale source d’énergie du corps. Son taux dans le sang varie en fonction des besoins de l’organisme et fluctue ainsi tout au long de la journée et de la nuit.

En prélevant et en analysant des échantillons de sang sur les jeunes rates pendant 24 heures, les scientifiques ont constaté des différences marquées entre femelles de la portée témoin et celles issue de mères mal nourries: dans le groupe témoin, après 40 jours, le taux de glucose sanguin dans le sang des jeunes rates augmentait et diminuait selon un rythme circadien caractérisé par deux pics de forte concentration de glucose à deux moments de la journée, tandis que dans l’autre groupe de rongeurs, aucun rythme circadien n’était observé.

“Le taux de glucose dans le sang est un bon indicateur de la synchronisation des horloges internes de l’organisme. Dans l’expérience mexicaine, les jeunes rates ont leurs horloges déréglées et le taux de glucose n’est pas en phase avec un rythme biologique normal. Il n’y a pas les deux pics de taux de glucose observés chez les ratons femelles bien nourries. Il existe donc une relation entre le régime alimentaire de la mère et la programmation correcte des horloges internes à la naissance”, décrypte Francisco Bolaños-Jiménez, chercheur à l’université de Nantes, spécialiste de ces questions.

L’horloge de l’hypothalamus et les horloges cellulaires

De fait, l’ensemble des mécanismes permettant le bon fonctionnement de nos organes tout au long de la journée et de la nuit est synchronisé par une horloge centrale située à la base de l’hypothalamus.

A travers le noyau suprachiasmatique (NSC), elle reçoit les signaux lumineux de la rétine, lui permettant de distinguer l’alternance entre le jour et la nuit. Ces informations sont ensuite transmises aux horloges cellulaires périphériques pour coordonner les processus métaboliques dans tout le corps. “Dans le cas des ratons mexicains, il y a décorrélation entre l’information provenant de l’horloge centrale et les horloges périphériques, ce qui fait que la fluctuation du taux de glucose dans le sang ne respecte pas les deux cycles de 24 heures. A long terme, si elle persiste, cette désynchronisation peut conduire à l’apparition de maladies métaboliques comme le diabète de type 2 ou l’obésité”, précise le scientifique nantais.

Sur ce graphique est représenté, sur 24 h, le taux de glucose dans le sang des ratons femelles: en noir les animaux témoins ; en gris, la portée née de rates nourries au régime « cafétéria ».

Il conclut à propos de la publication: “L’originalité de ce travail réside dans le fait d’avoir testé un régime alimentaire de plus en plus pratiqué dans les pays industrialisés sur une hypothèse déjà bien étayée par les scientifiques, à savoir que le fœtus est sensible aux conditions de vie de la mère pendant la grossesse et que si ces conditions sont dégradées (stress, malnutrition), elles peuvent être, pour l’enfant à naître, un facteur de risque pour certaines maladies métaboliques”.

Cette hypothèse appelée DOHaD (Développemental Origins of Health and Disease) a été formulée en Angleterre au 20e siècle par un médecin épidémiologiste, le Dr David Barker. “Dans des régions proches de Londres, assez pauvres, beaucoup d’enfants étaient nés avec un retard de croissance. Le Dr Barker s’était intéressé à cette population à l’âge adulte, à 50-60 ans, et il avait remarqué que ces personnes mourraient plus précocement de maladies cardiaques. Et il a eu la chance, en remontant leur histoire, de découvrir des registres tenus par des infirmières dans tous les villages et petites villes anglaises où avaient été notés les poids de naissance des enfants. Partant de là, il a pu établir une relation entre petit poids à la naissance et maladie cardiovasculaire”, explique Patricia Parnet, chercheuse à l’Inrae dans une interview accordée à Sciences et Avenir en novembre 2023.

Bien que les travaux épidémiologiques du Dr David Barker aient été critiqués pour leur manque de prise en compte des facteurs de confusion, l’hypothèse sous-jacente a été étayée par d’autres études. Par exemple, une recherche portant sur 300.000 hommes, nés aux Pays-Bas pendant la famine de 1944, a révélé un risque accru d’obésité chez les individus dont la mère avait souffert de malnutrition pendant cette période, par rapport à ceux dont la mère avait eu un apport en calories suffisant.

Depuis, des travaux expérimentaux sur des animaux ont confirmé ces hypothèses épidémiologiques, démontrant que les conditions de vie de la mère influencent le développement du fœtus, tout comme l’état de santé du père.

“Tout n’est pas joué à la naissance”
L’état de santé du père peut aussi influencer le fonctionnement du cerveau de la descendance

Il a été déjà démontré que le risque de développer des maladies métaboliques (comme le diabète de type 2, ou l’obésité) peut aussi se transmettre par la lignée paternelle via des modifications épigénétiques ayant lieu dans les spermatozoïdes.

Dans une étude dirigée par Francisco Bolaños-Jiménez qui vient d’être publiée dans la revue Acta Physiologica, il est montré qu’à l’instar de l’obésité maternelle, l’obésité paternelle perturbe, chez le rat, les capacités d’apprentissage de la progéniture en altérant divers processus liés à la formation de la mémoire. Cependant, seule l’obésité maternelle semble affecter le processus de mémorisation à long terme.

Cette recherche met également en lumière les origines de ces problèmes de mémorisation, qui résultent de l’altération de l’expression de gènes cruciaux pour un bon apprentissage.

Désormais, les scientifiques s’efforcent de comprendre les mécanismes en jeu. Ils reconnaissent que ces désordres métaboliques ont une origine épigénétique, ce qui signifie qu’elles résultent de changements dans l’activité des gènes.

En d’autres termes, certains gènes nécessaires à la synthèse des molécules essentielles à l’organisme ne s’expriment pas correctement. Cependant, comme ces altérations ne sont pas directement inscrites dans l’ADN des nouveau-nés, elles sont réversibles. “Tout n’est pas joué à la naissance”, tempère Francisco Bolaños-Jiménez.

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